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Tom Baxter : Mon album est conçu comme un voyage …

Me voici dans le hall des locaux de EMI, faisant les cent pas … Je viens d’annoncer ma présence à l’accueil, et j’attends qu’on vienne me chercher, pour me présenter à ce nouvel artiste, qui est aussi un véritable coup de foudre personnel. Quelques semaines auparavant, je reçois un mail, avec tout un argumentaire présentant ce chanteur : Voix d’ange … Grand peintre … Intensité des prestations … Vrai talent d’écriture … Bouleversant … A la bonne heure, qui est donc ce nouveau venu qui semble si exceptionnel. Le descriptif met l’eau à la bouche ! Sur une photo, je découvre le visage d’un homme d’environ 35 ans, jovial, sympathique. Je clique sur le lien qui me fais accéder à une de ses vidéos : Ambiance gypsie, un peu world music qui m’évoque Twist in my Sobriety, de Tanita Tikaram. la guitare sèche se mêle au piano, et est survolée par une voix divine et chaleureuse. Une voix qui respire la bienveillance et qui m’ envoute instantanément. Le titre, Tell Her Today, est plein de douceur, avant de s’envoler vers un flamenco endiablé, renforcé par de magnifiques arrangements au violon. Tom Baxter, c’est son nom, celui de l’homme qui semble câliner sa guitare, comme s’il s’agissait de son amante, lui murmurant des paroles, en y mettant tout son coeur. Je sursaute car on me tape sur l’épaule, m’enlevant à mes rêveries, et on m’amène à la rencontre de l’artiste. Tom est accoudé à une table en train de finir un café. Un bel homme très gentleman, so british, d’où émane un magnétisme palpable. machinalement je remarque qu’il a du goût dans la manière de s’habiller: Veste noire, chemise noire à fines rayures dont quelques unes argentées, très classe, avec juste ce qu’il faut d’originalité. J’ose à peine le regarder dans les yeux lorsque je lui sers la main, une main de pianiste, à la fois fine et large. Nous nous dirigeons vers une salle de réunion à l’écart. L’interview va enfin commencer…

Tof : Bonjour Tom, je suis réellement très honoré de t’avoir en interview, car l’écoute de ton album Skybound a été pour moi un vrai choc! Et à vrai dire je ne me souviens pas avoir eu une telle révélation depuis Rufus Wainwright !
Tom Baxter : Oh vraiment ? Merci, je suis flatté ! [Sourire] Si tu aimes Rufus Wainwright je te conseille son tout premier album, c’est le meilleur …

Tof : Merci du conseil, mais pour l’instant c’est ton oeuvre qui m’intéresse… J’ai vu que 4 ans se sont écoulés entre ce nouvel album et ton tout premier opus Feather and Stone. que s’est-il passé durant tout ce temps ?
Tom Baxter : En fait au départ j’étais chez Sony, qui a fusionné avec Bmg, ce qui a entrainé des licenciements. On m’a du coup séparé des personnes avec lesquelles j’avais commencé à travailler, et avec lesquelles j’avais construit une très bonne relation. J’ai rapidement senti que le feeling n’était plus là mais j’ai tout de même essayer de travailler sur ce second album. J’ai ensuite demandé à récupérer ma liberté, mais sony a mis beaucoup de temps à accepter, me répétant sans cesse : « mais non on va réussir à faire quelque chose de bien ! «  Mais au bout du compte ils me demandaient des choses qui artistiquement ne me correspondaient pas et j’ai tou de même fini par les quitter, même si la période de transition a duré deux ans, après la tournée qui supportait le premier album. Tout cela a été long parce que je dépendais des fusions, des changements d’équipe au sein de la maison de disques, et des changements de contrats.

Tof : Mais alors tu es passé en indépendant ?
Tom Baxter : J’ai présenté les maquettes de 20 chansons à Sony, et je leur ai demandé si ça leur plaisait, mais ils ont voulu que je change des choses et m’ont même suggéré de travailler avec certaines personnes. Comme la relation n’était pas là j’ai préféré partir. A ce moment là j’ai pu récupérer de l’argent que j’ai utilisé pour créer mon propre label. J’ai ensuite eu l’idée de faire une peinture pour illustrer chaque chanson de l’album, ce qui m’a permis de m’aider dans son financement. Mais j’avais encore des dettes, alors j’ai ressenti le besoin d’en faire une licence. Universal et Emi étaient intéressés, et j’ai choisi EMI, parce que la personne que j’y ai rencontré, était à mon sens la plus susceptible de comprendre ma musique, et de la mettre en valeur.


Tof : Pour les personnes qui te découvrent seulement maintenant, quelle est la différence entre cet album et le précédent ? Comment ont évolué tes textes et ta musique ?
Tom Baxter : Hmmm, pour moi ce sont les mêmes arrangements à vrai dire, mais je ne suis pas sûr d’avoir suffisament de recul et il faudrait peut-être demander à une personne extérieure pour avoir une meilleure analyse! En y réfléchissant plus attentivement, les deux albums pourraient être les facettes d’un même album, car il y a une vraie continuité. C’est vrai aussi qu’entre les deux j’ai mûri, et donc je n’écris forcément pas de la même manière. Au moment de Feather and Stone, il était facile de me mettre dans la case de l’auteur compositeur un peu torturé, entre Jeff Buckley, Nick Drake et Damien Rice. Avec Skybound c’est autre chose. En fait c’est un peu l’album de quelqu’un qui a fait le tour des questions qui le taraudaient, et qui est prêt à regarder l’avenir de manière un peu plus sereine. Il est peut-être plus documenté et plus optimiste aussi … Musicalement j’ai essayé d’apporter plus de texture, plus de clair-obscur, plus de guitares et de sons éclectiques. Tu sais lorsque je crée une chanson j’essaie de faire en sorte qu’elle soit belle sous toutes ses facettes. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est le message et l’émotion qu’elle va délivrer. C’est aussi ce que que j’admire chez un Brel, une Piaf ou un Bob Dylan. Après, cela peut se décliner dans des univers différents. Certains vont aimer le coté manouche de Tell Her Today , d’autres vont préférer le coté ballade de Better, ou alors l’intensité de Half a Man. Cet album a été conçu comme un voyage…


Tof : Oui c’est tout à fait ce que j’ai ressenti. Chaque chanson a une ambiance particulière, différente …
Tom Baxter : [Sourire] Bien! Je suis content parce que c’est exactement ce que j’ai essayé de faire ! Je suis aussi heureux de me dire que ça va plaire à un public en dehors de l’Angleterre, parce que ce pays a une culture pop qui a tendance à aimer tout ce qui est nouveau, et je n’ai pas envie de faire un album juste comme ça pour avoir du succès, mais plutôt me développer sur du long terme. Je vois plus ma carrière comme un roman de Herman Hess, que comme le dernier bouquin qu’on lit rapidement pendant les vacances d’été… Ce qui m’intéresse avant tout c’est de partager de l’émotion. A mon avis en Europe il y a une approche très différente, très nourrie de sons différents, ce qui fait que les gens comprennent mieux certaines chansons. En Angleterre, le nouveau risque souvent de primer sur l’écoute, c’est une des raisons pour lesquelles je suis très heureux d’être en France d’ailleurs !


Tof : A la base tu te sens plutôt peintre, musicien … chanteur ?Tom Baxter : … bookmaker? voyageur? englishman ?… [Rires] Oh non je suis français aujourd’hui ! [Rires] Hmmm, c’est une bonne question à vrai dire. C’est impossible de dire si je suis plus l’un ou l’autre parce que pour moi ça fait vraiment partie d’une démarche créative et artistique qui est bien plus qu’un besoin vital dans le sens où ça me met à l’écoute de moi-même et de ce que j’ai de plus profond et de vrai. Tu comprends, c’est quelque chose qui me permet d’être continuellement au plus près de l’émotion, des personnes, de la fragilité de la vie, et de le faire partager. Au delà de cela, me dire que cette émotion a un impact sur le public, que mon travail nourri lui-même de nombreuses influences, puisse être une source d’inspiration pour d’autres, c’est ce qui fait qu’à mon avis, de toute ma vie, je ne pourrai pas choisir entre musique, peinture écriture. C’est plus une manière d’être vitale que l’envie d’avoir du succès. Bien sûr le succès est fantastique, mais il faut y faire très attention, car il est comme un animal sauvage! Tu sais, je suis assez d’accord avec la phrase de Charlie Chaplin, qui dit que le public est comme une bête sans tête, qui, confrontée à plusieurs personnes, n’est pas facile à contrôler, mais qui individuellement est adorable. Je pense aussi que lorsqu’on se lance dans une entreprise artistique spécialement pour un public, on se coupe de ce que l’on est vraiment, de l’émotion, et surtout une fois la mode passée, on s’aperçoit que ce qu’on a fait n’était pas si créatif, par ce que pas vrai, pas authentique. Ce que je peux dire aussi, c’est que la musique est plus directe qu’un autre art, et entraîne moins de déperdition dans le message. Au contraire, dans la peinture il y a des subtilités qui font qu’un tableau peut être interprété de différentes manières et cela peut mettre du temps avant que les gens comprennent. Même là maintenant il y a des choses que j’ai du mal à exprimer dans l’interview, alors que dans une chanson, je la dirais mieux .

Tof : Est-ce que tu t’impliques également dans la réalisation de tes clips? Je pense en particulier au clip de Better, qui montre un baiser lesbien et un baiser gay … Toutes les réactions ont été bonnes ?Tom Baxter : L’idée de la vidéo était effectivement la mienne. J’y ai mis beaucoup de passion, et je voulais absolument que toute les formes d’amour y soient représentées. Je voulais un résultat subtil, et qu’il y ait un sentiment d’unité entre toutes les personnes à l’écran. Je n’ai pas rencontré de problèmes, on n’est plus à la préhistoire quand même! Et puis les images sont très belles et très touchantes, vraiment bien loin d’une démarche de provocation.


Tof : Pourquoi avoir appelé ton album Skybound? C’est parce qu’il raconte l’histoire de quelqu’un qui survole sa vie ?
Tom Baxter : Skybound, à la base, ça voudrait dire « direction le ciel », mais là c’est surtout lié au mythe d’Icare et au moment où celui-ci s’échappe du labyrinthe, sous les conseils avisés de son père Dédale, qui lui a confectionné des ailes de cire. C’est tout la symbolique autour du thème de la vie, de la liberté, du voyage, avec toujours à l’esprit l’idée qu’il ne faut pas s’approcher trop près du soleil… Il y est question d’un parcours initiatique : Dans la première chanson il est amoureux. Dans la deuxième on lui a brisé le coeur mais il est prêt à être optimiste. Sur la troisième chanson il re-tombe amoureux…

Tof : Peux-tu m’en dire plus sur les tableaux qui illustrent chaque chanson et la façon dont ils ont été conçus ?Tom Baxter : Alors pour être précis ce sont les chansons qui ont inspiré les peintures, et pas l’inverse. A vrai dire c’est une idée vieille de sept ans, que je voulais utiliser pour le tout premier album mais je n’avais pas eu le temps nécessaire pour la réaliser. Au début j’avais peint de grandes toiles au fur et à mesure mais ça ne convenait pas et j’ai tout jeté. J’ai finalement créé tous les tableaux dans un même univers, directement dans la galerie, et dans l’ordre des chansons. C’est un mix entre plusieurs techniques : A la base il s’agit de photos retouchées au pincea, et au crayon, et le résultat subit ensuite un traitement informatique. Je le retravaille une seconde fois, avant d’en faire une version imprimée. En fait ce sont à chaque fois des pièces uniques mais comme je les ai travaillées sur ordinateur, il a fallu que je les imprime pour pouvoir les mettre sur un canevas. C’est de la très haute qualité d’impression, pour avoir une image totalement plate, et nette. Tu vois par exemple là [Il me montre sur le livret du CD] on a l’impression que cette ligne est rompue, mais sur l’immense tableau original elle est tout à fait continue. Chaque tableau a été venu à un fan, mais on pourra les retrouver dans un livre noir et or, qui reprend tout l’artwork de Skybound, ainsi qu’une interview, et le cd sera inséré dedans. Un bel objet !


Tof : Tu penses renouveller le principe pour le prochain album ?

Tom Baxter : Et bien en fait j’ai d’autres projets artistiques en marge du prochain album, mais c’est un peu compliqué à expliquer pour le moment. J’aime toujours mêler l’Art et la musique: cela me conforte dans ce que je fais, cela rend mon travail plus excitant.

Tof : J’ai entendu dire que cet album avait été fait en cinq jours. Comment est-ce possible ?
Tom Baxter : En fait, c’est vrai à quelques détails près. Les textes et les mélodies étaient déjà prêts, et il restait à écrire la partie des cordes. En gros on a tout enregistré en cinq jours, sauf les cordes, puis nous sommes tous partis pour les fêtes de Noël, et nous sommes revenus faire les cordes en studio après. C’est l’orchestre de la BBC qui m’accompagne. Tu sais c’est moi qui finançais tout le projet, donc on avait vraiment un planning très serré, l’objectif étant de finir deux chansons par jour…

Tof : Il y a déjà toute une légende autour de tes prestations live, peux-tu m’en parler ?
Tom Baxter : Ho vraiment ? Et bien en fait je fais actuellement la première partie de Kt Tunstall, et dans cette configuration on n’est que deux personnes. Mais pour un concert normal, nous sommes assez nombreux sur scène, mais j’aime bien malgré tout créer une forme de complicité entre le public et moi. J’ai envie que les personnes qui sont venues me voir, repartent en se disant « ah je me suis détendu et j’ai vécu un moment partagé ! » Pour moi un concert est un moment unique au cours duquel le public me fait arrêter de penser à moi-même. Je veux que les gens qui viennent me voir oublie même jusqu’à qui ils sont, que ce soit un moment de pur plaisir …

Et bien en tout cas l’objectif est déjà atteint après cette interview et j’ai hâte de voir ce que cela va donner en concert. Vraiment merci pour ce moment agréable passé en ta compagnie. Ton album est vraiment une pure merveille et j’aimerais beaucoup voir à quoi va ressembler son édition enrichie du livre. C’est très rare de rencontrer un artiste aussi passionné par son travail et qui décline son univers au travers de nombreux supports. L’interview était décidément trop courte. J’aurais encore passé des heures à écouter ta façon de concevoir ton art … Je souhaite à beaucoup de monde de découvrir ton univers. A bientôt en concert !

Merci à Emily pour la traduction

Photo courtesy : Steph Dray

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