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Sida, Grande Cause Nationale : la place des malades

L’objectif principal de l’enquête mené par l’ANRS était de décrire de façon précise la vie des personnes séropositives en France métropolitaine, aux Antilles et en Guyane depuis l’avènement des traitements efficaces contre l’infection VIH.

France Lert, chercheuse à l’INSERM, a répondu aux questions de Sida Info Service concernant l’enquête. Nous reproduisons in extenso cette interview.

Sida Info Service (SIS) : vous avez participé à la réalisation de l’enquête ANRS-Vespa sur la vie des personnes atteintes en France. Quels sont les principaux enseignements que vous retenez de cette étude ?

France LERT (FL) : cette enquête a été réalisée sur l’ensemble du territoire français, métropole et Antilles-Guyane. Elle donne donc une image fidèle des populations qui vivent avec le sida aujourd’hui. Elle tient compte des personnes diagnostiquées récemment et des malades qui ont appris leur contamination il y a longtemps, dont beaucoup avant l’apparition des trithérapies en 1996. En effet, les 2/3 des patients vivant avec le VIH ont été diagnostiqués avant 1996 et ont connu des périodes très difficiles.
L’étude confirme 3 grandes épidémies avec des histoires très différentes :
-Une épidémie stable chez les homosexuels masculins, le virus continue à être transmis de façon extrêmement importante et fréquente dans cette population.
-Une épidémie chez les usagers de drogues qui a été gravissime mais qui s’est considérablement améliorée puisqu’il n’existe pratiquement plus de nouveaux cas.
-Une épidémie chez les migrants d’Afrique sub-saharienne qui présente des particularités : les personnes atteintes ont, pour la plupart, contracté la maladie dans leur pays. Ils sont diagnostiqués assez vite après leur arrivée en France. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes, peut être plus infectées et diagnostiquées plus tôt au cours de l’infection, et connaissent une situation sociale difficile. L’épidémie en population générale, en dehors de ces trois groupes, est relativement réduite.

SIS : 80% des patients suivent un traitement qui peut présenter d’importants effets indésirables. Quel est l’impact sur l’observance ?

F.L. : comme l’ont déjà montré d’autres études, il existe un lien très fort entre les effets secondaires et l’observance. C’est un cercle vicieux : quand les effets se manifestent, les personnes ont tendance à moins suivre leur traitement. Alors leur situation se détériore et les traitements deviennent plus compliqués. L’amélioration des traitements pour atténuer ces effets est fondamentale. Les effets sont vécus de manière très différente par les patients. Cependant beaucoup de patients ne ressentent pas d’effets secondaires.

SIS : quelles sont les conséquences du virus sur la vie professionnelle ?

F.L : il existe des situations très diverses selon les personnes atteintes. Les usagers de drogues du fait du cumul de la dépendance et de son cortège de marginalisation sociale et de maladies chroniques sont très souvent absents du marché du travail depuis avant leur contamination et pour de longues périodes. De surcroît, aujourd’hui ce sont des patients anciens par rapport au VIH, donc plus affectés par la maladie ce qui rend l’accès à l’emploi très difficile. Ils constituent le groupe le plus concerné pour le passage à l’invalidité.
Les migrants sont diagnostiqués peu de temps après leur entrée sur le territoire et ont des difficultés d’accès au marché de travail pour des raisons juridiques, administratives et par l’absence de qualification adaptée. Beaucoup vont améliorer leur situation après leur installation sur le territoire malgré la maladie. Quant aux homosexuels, leur niveau d’études est élevé par rapport à la population générale et ils ont une bonne intégration sur le marché du travail. De ce fait,la perte de l’emploi concerne au premier chef cette population.

SIS : chez les personnes contaminées, l’étude révèle à la fois l’absence de vie sexuelle importante et un multipartenariat élevé. Parmi celles ayant plusieurs partenaires, le pourcentage de rapports sans préservatif est important. Quelles sont les raisons évoquées ?

F.L. : dans les relations avec les partenaires stables, les personnes atteintes évoquent les difficultés à utiliser le préservatif et une prise de risques consciente, souvent en accord entre les partenaires. Cependant la non protection est encore plus fréquente quand le patient et son partenaire ne sont pas mutuellement informés de leur statut sérologique. Lassitude d’utiliser le préservatif, absence de communication sur le statut et prise en compte de la charge virale sont évoquées par les patients.

SIS : dire ou taire sa séropositivité représente un enjeu central dans la vie des personnes atteintes. Quels sont les éléments qui déterminent le choix du secret ?

F.L. : beaucoup de personnes gardent le secret. La révélation a lieu de façon différente en fonction de la place que tient l’interlocuteur dans l’entourage de la personne atteinte. La probabilité de révéler sa séropositivité va en décroissant des personnes choisies (le conjoint, le partenaire, les amis) qui sont principalement informées jusqu’aux parents à qui les patients en parlent le moins par crainte du rejet ou de faire de la peine à leurs proches.. Les hommes et les femmes originaires d’Afrique sub-saharienne sont ceux qui taisent le plus leur séropositivité au sein de la famille, en partie également parce que celle-ci est restée au pays. La participation à la vie associative aide à assumer sa situation vis-à-vis de son entourage.

SIS : peut-on dire aujourd’hui que le sida est une maladie chronique au même titre que le diabète ou les maladies cardio-vasculaires ?

F.L. : oui, le sida est une maladie chronique. Entre la contamination et l’arrivée de la maladie, il se passe entre 10 et 20 ans et sans doute plus. La maladie est longue et peut être stabilisée grâce aux traitements ce qui caractérise la chronicité. D’autre part, elle affecte toutes les sphères de la vie de la personne, sa santé, sa sociabilité, sa vie sexuelle et, ses projets parentaux, ses ressources, ses projets professionnels.

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Entretien réalisé par Delphine DORIER pour Sida Info Service

EN SAVOIR PLUS

Si vous souhaiter télécharger les résultats de l’enquête (Format PDF) c’est Ici

Le Site de Sida Info Service : www.sida-info-service.org

Le site de l’ANRS : www.anrs.fr

Le site dédié de l’association Sida Grande Cause Nationale 2005 : www.sida2005.net

Vous pouvez retrouver tous les articles parus sur CitéGay en rapport avec l’opération Sida, Grande Cause Nationale 2005 sur www.sida2005.citegay.com

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