Que penser de « Irréversible », le film de Gaspar Noe avec Monica Belucci et
Vincent Cassel présenté en sélection officielle au Festival de Cannes et
dans les salles depuis vendredi ? Pas évident.
En deux mots, le réalisateur met en scène le viol atroce d’une femme dans
un passage souterrain. La caméra est au niveau du sol et tourne pendant les
quinze minutes de la scène. Gros plan sur …un flacon de poppers que le
violeur sniffe régulièrement…
« Irréversible » débute aussi par un meurtre insoutenable à grands coups
d’extincteur qui se déroule dans un « club gay ». Face à la caméra de Gaspar
Noe, le « club gay » est une sinistre backroom avec des plans glauquissimes.
Si le réalisateur souhaite obtenir la fermeture des « pièces du fond », le
film pourrait y contribuer dans une démarche « hétérosexuelle », si ce n’est
homophobe.
Noe s’en est défenu lors de la conférence de presse à Cannes vendredi : si
son film démarre dans un « club gay », c’est parce qu’il recherchait un
« univers masculin » et pas homosexuel. Dixit. Les « backrooms »
resteraient-elles le dernier bastion « masculin » ??
C’est en tous cas entre les chaines et les slings qui apparaissent en flash
que le violeur, un certain « Tenia » est venu se réfugier après le meurtre.
Et le Ténia n’est pas là par hasard : le scénario fait de ce violeur
sodomite hétérosexuel, un habitué de cette backroom qui répond au doux nom
de … »The Rectum »…. !! Un Ténia dans le rectum, fallait oser.
Le plus déroutant est que le film se regarde …à condition d’avaler sans
broncher la première heure entre viol et meurtre insoutenables.
D’abord, le réalisateur a monté son film à l’envers : le début, c’est la
fin. Une jolie trouvaille qui va bouleverser les cours académiques de
cinéma meme si ce n’est pas une première.
Ensuite, on peut voir « Irréversible » comme une histoire d’amour qui se
termine particulièrement mal. Mais, alors, dans cette lecture, le film
devient un argument sécuritaire à un moment où la vie politique en est la
première victime. Sans compter le vilan discours entre les plans sur
l’auto-défense chère à Le Pen.
Dans la nuit de vendredi à samedi, 2400 privilégiés ont assisté à la
présentation officielle au Palais des Festivals. Histoire de faire monter
la pression, la projection a démarré à 00h30, l’heure du crime sans
doute…
Lors de la scène du viol, après le meurtre à l’extincteur dans la backroom
pendant que des gays, témoins, se masturbent joyeusement devant le
spectacle, plus de 200 invités en smoking ont quitté la salle.
« Lamentable ! Scandaleux ! C’est une honte ! On va te faire la meme chose
! », a-t-on pu entendre crier à l’adresse du réalisateur tandis qu’une
vingtaine de spectatrices ont été prises de malaises et de crises de nerfs,
nécessitant des oxygénations dans le hall. Le lieutenant des pompiers de
Cannes n’a jamais vu cela en vingt-cinq ans de carrière.
Les 2200 invités qui ont résisté jusqu’au générique de fin, ont acclamé et
réservé une standing-ovation à l’équipe du film. Une grande fiesta a eu
lieu ensuite dans le club éphémère des Guetta au Martinez. Irréversible
jusqu’au bout.