Le masque est tombé. Dans son intervention télévisée d’hier, Jean-Pierre Raffarin a lancé un beau pavé en plein débat sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe. On s’attendait bien un moment ou un autre à ce que rideau soit levé, cela a été fait, et non pas dans un sens propre à dépassionner le débat.
En effet le Premier Ministre a déclaré qu’il « préfère un Pacs qui marche plutôt qu’un mariage détourné de sa vocation ». Fort de ses contradictions, la droite est devenue le meilleur défenseur du Pacs. Alors que le Président de la République s’était déclaré ouvert à un débat sur le mariage entre personnes de même sexe, l’ancien élu du Poitou a fermé le dialogue par un arrêté de principe qui n’a pas grand-chose à envier aux petites phrases assassines et autres jugements de valeur entendus lors des débats sur le Pacs.
« Tous sauf le mariage » est bien le nouveau mot d’ordre de la majorité. Au-delà, et encore plus inquiétant, est la justification de ce choix. La conception conservatrice de la famille évoquée à demi mot par le Premier Ministre devrait ravir les rangs conservateurs de son partie, Christine Boutin en tête.
Quelle est la « vocation » du mariage si ce n’est pour la société de reconnaître en son sein l’union de deux personnes constituant un foyer, désireux de s’engager l’un envers l’autre et à l’égard de la société, acceptant les devoirs inhérents à cette promesse tout en bénéficiant de droits légitimes ? C’est la seule vocation que l’on connaisse du mariage dans la représentation actuelle de la famille. A moins bien sûr que l’on revienne des décennies en arrière et que le mariage ne puise sa vocation que dans l’assurance pour la société de sacraliser des unions propres à assurer la pérennité de son existence via la natalité.
Aussi, en évoquant une « vocation » du mariage qui serait « détournée » du fait de l’acception des mariages entre personnes du même sexe, Jean-Pierre Raffarin fait peu de cas non seulement des centaines de milliers de foyers formés par des couples d’hommes ou de femmes, et au-delà, il fait peu de cas des familles monoparentales, des couples divorcés, des couples sans enfants.
Le mariage entre personnes de même sexe ne peut être refusé sur ce prétexte réactionnaire et illégitime. Le prétexte d’une opinion publique majoritairement contre est fallacieux, car le mariage entre personnes du même sexe doit être autorisé pour deux raisons qui ne connaissent pas la contradiction. Il doit être autorisé parce qu’il est juste et parce qu’il est utile. Juste, car la société se doit dans son ensemble de reconnaître l’union légitime de deux personnes qui vivent ensemble, partagent leur devenir et constituent un foyer, à moins de dénier le droit même de cette union. Il doit être également autorisé par ce que c’est socialement utile, les couples de même sexe ne peuvent bénéficier de garanties suffisantes, successorales notamment, et qu’à défaut nous sommes en présence de discriminations intolérables.
Pour finir, ce n’est pas le souci d’un Pacs qui « marche » qui anime la communauté LGBT mais le désir de couples qui « marchent », à moins de nier la possibilité même de ces unions.
