Ce courrier a été envoyé à M. Perben par fax ce 17 mai 2004, afin de lui préciser la position de l’Inter-LGBT votée lors du Conseil du samedi 15 mai.
Objet : Évaluation du pacs / Mariage / Parentalité
Monsieur le Ministre,
Le 29 avril, vous annonciez, simultanément avec le président de la République et le Premier ministre, une évaluation du pacte civil de solidarité (pacs), dont l’objectif sera de proposer des améliorations sur l’ensemble du dispositif.
Nous avons pu rencontrer votre conseiller pour le Droit Civil et l’Accès aux Droits, Monsieur Stéphane Noël, le 30 avril, pour lui présenter les amélirations qui nous semblaient prioritaires :
– la revalorisation de la portée symbolique du pacs en proposant sa signature en mairie, sur les registres de l’État civil ;
– la non-discrimination des couples pacsés par rapport aux couples mariés en matière de fiscalité ;
– le même droit à la vie privée aux partenaires pacsé-e-s qu’aux partenaires marié-e-s, quelles que soient la nationalité ou les conditions d’entrée sur le territoire national des partenaires ;
– la non hiérarchie avec le mariage concernant les conséquences du décès d’un des partenaires (notamment au niveau des successions et de la réversion de la pension de retraite) ;
– une mise à jour exhaustive de l’ensemble du droit français pour que le pacs soit pris en compte systématiquement lorsque la notion de conjugalité apparaît (droits sociaux notamment) ;
– une signature du pacs possible en prison ;
– une applicabilité du pacs dans les Territoires d’Outre-mer.
Pour faire suite à ce premier entretien, le directeur des Affaires Civiles et du Sceau a pris contact avec l’Inter-LGBT pour lui proposer d’intégrer le groupe de travail qui procéderait aux travaux d’évaluation, et mènerait les auditions nécessaires. Nous vous remercions de la confiance que vous avez ainsi exprimée à notre égard.
L’Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans, lors de la réunion de son Conseil ce samedi 15 mai, a examiné votre proposition, et a décidé, à l’unanimité, d’engager sa participation à deux conditions.
En premier lieu, cette mission d’évaluation ne doit pas être exclusive de l’ouverture d’un débat sur l’accès au mariage civil et à la parentalité par les couples de même sexe. Le 28 avril dernier, le président de la République a en effet déclaré : « Quant au fait de savoir s’il faut changer la loi, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’il y ait un débat national sur ce point. Je ne suis pas absolument certain que vous trouveriez une grande majorité des Français pour remettre en cause une loi de cette nature. Je suis ouvert à tout débat ». Les premières enquêtes d’opinion ont même montré que les craintes exprimées par le chef de l’État ne sont pas fondées. Les associations membres du Conseil de l’Inter-LGBT ne souhaitent pas prendre la responsabilité d’engager des travaux qui auront pour effet de fermer un débat qu’elles souhaiteraient, à l’instar du président de la République, voir s’ouvrir. Ainsi que nous l’avons déjà expliqué à votre Conseiller, l’ouverture du mariage et de l’adoption restent des priorités que nous ne séparons pas de l’amélioration nécessaire du pacs.
En second lieu, réduire l’expertise associative sur la question du pacs à celle de l’Inter-LGBT revient à méconnaître l’histoire et la nature du pacte civil de solidarité. Sa nécessité est apparue lorsque des personnes vivant en couple avec un partenaire malade du sida se sont retrouvées jetées à la rue, sans transfert de bail, sans possibilité d’avoir accès aux biens du défunt, faute de protection juridique : les associations de lutte contre le sida doivent être représentées dans ce groupe de travail.
Aujourd’hui, le pacs concerne plus de 200 000 personnes, dont beaucoup de couples hétérosexuels : il s’agit avant tout d’un contrat pouvant être signé par tous les couples, de même sexe ou de sexes différents. Le Collectif Pacs et cætera, autrefois appelé le Collectif pour le Contrat d’Union Civil et Sociale, était à l’origine de ce projet universel, et est aujourd’hui porteur d’une expertise transversale sur le sujet : il est nécessaire qu’il intègre ce groupe de travail. Enfin, la solidarité étant au cour de ce dispositif, il nous semble que les associations intervenant en milieu professionnel doivent pouvoir contribuer à ces travaux.
Nous nous tenons à votre disposition pour discuter de ces deux réserves qui sont celles votées unanimement par nos associations.
L’expression de ces réserves ne remet pas en question le choix que nous avons fait d’un dialogue constructif avec l’ensemble du gouvernement, particulièrement votre ministère. Elles ne sont pas contradictoires d’un dialogue ponctuel, et nous resterons quoiqu’il advienne à la disposition de vos services pour toute nouvelle audition. Nous souhaitons toutefois que vous ayez conscience de la détermination du monde associatif à voir se poursuivre ce débat de société qu’est celui de l’égalité des droits.
Dans cet esprit, nous vous remercions d’avoir répondu à notre demande d’entretien en nous recevant le 3 juin prochain : ces sujets, ainsi que les travaux que vous avez engagés sur la loi portant pénalisation des propos à caractère discriminatoire, seront au cour d’une discussion dont nous ne doutons pas qu’elle sera constructive.