Une fois n’est pas coutume, me voici en vadrouille dans les rues de Paris à l’heure du déjeuner. Le métro est toujours le même et propose sa même moiteur, ses mêmes courants d’air, ses mêmes mauvaises odeurs et ses mêmes corps comprimés.
Narines bouchées et souffle retenu, qu’à cela ne tienne ! Rien ni personne ne pourra me barrer le chemin, entraver mon élan, ni même me faire stopper net. J’ai une fois de plus rendez-vous avec la Suède, mais une Suède crooneuse et ensorceleuse.
Il y a une atmosphère de quiétude sur la pelouse intérieure de chez EMI, où on m’accueille chaleureusement, me proposant de patienter à une petite de table de bar, en plein soleil, où je décide de siroter un Coca, un vrai pour les hommes, pas un light .
Plus loin à une table plus ombragée, j’aperçois la silhouette géante et longiligne, d’un artiste qui n’a pas eu peur de faire évoluer son style .
Jay jay Johanson s’est débarrassé de son look iroquois qui avait accompagné la sortie de l’album déroutant Antenna. Il nous revient avec Rush, cinquième album très attendu.
Quelques minutes lascives d’attente, avant que le grand blond me fasse signe et que je le rejoigne comme on court s’abreuver à une oasis .
Tof : Hello Jay Jay, peux-tu me dire dans quel état d’esprit tu étais au moment de t’attaquer à ce nouvel album Rush ?
Jay Jay Johanson :Avec Rush j’ai retrouvé une méthode d’écriture assez similaire à mon travail des débuts. Chez moi, les mots et les mélodies arrivent n’importe quand, aussi bien dans le bus que quand je me ballade dans la rue ou même au distributeur automatique !
Ca commence par des petites mélodies que j’essaie de développer dans ma tête et puis j’y associe quelques mots que j’aime et voila !
Mais en fait c’est lorsque je suis assis au piano, au moment ou la chanson prend plus de formes et que je réalise si c’est du bon travail ou non, que tout commence réellement.
Pour revenir à l’état d’esprit dans lequel j’étais . Je crois que je suis une personne plus positive aujourd’hui.
Tof : Oui et cet album sonne également le plus positif je trouve …
Jay Jay Johanson : Tout à fait, Whiskey était assez « alcoolique », Tattoo était triste, et Poison donnait plutôt dans le suicide non ? [RIRES]
Tu sais en fait je suis toujours le même garçon déprimé. Tout le monde a une certaine mélancolie à l’intérieur. Tout le monde manque de quelque chose par exemple.
Je suis fidèle à une certaine mélancolie dans mon nouvel album, mais je pense que je suis un petit peu plus stable maintenant, plus que je ne l’ai jamais été en fait .
Les relations avec mes parents sont meilleures par exemple. Aujourd’hui je sais mieux ce que je veux faire de ma vie. J’ai aussi arrêté de boire [RIRES] parce que ce n’était vraiment pas une bonne idée. Je buvais pas mal sur les trois premiers albums. Et puis je vieillis mais je deviens aussi plus léger. C’est vrai que tout fonctionne très bien dans me relations en ce moment. C’est quelque chose que je découvre car ce n’était encore pas vraiment le cas il y a quelques années.
Tof : J’ai lu que tu ne pouvais écrire de bonnes chansons que lorsque tu es déprimé …
Jay Jay Johanson : [RIRES] Oui mais maintenant que je suis une personne plus positive, le contraste devient très fort quand par exemple les personnes que j’aime sont loin. Alors je deviens encore plus triste qu’avant.
Avant j’étais triste et déprimé tout le temps mais la dépression n’était jamais très profonde. Aujourd’hui, je me sens tellement seul quand une personne que j’aime s’éloigne pour du travail ou des voyages que les sentiments deviennent beaucoup plus forts .
Et les contrastes entre mes sentiments contradictoires deviennent vraiment très importants. Evidemment c’est tout bénéfice pour mon inspiration !
Beaucoup de chansons sur Rush décrivent typiquement les moments où quelque chose me manque, ou le souhait d’être ailleurs. Mais je crois que beaucoup de monde ressent ces difficultés .
Tof : Quand on écoute ton tout premier album et qu’on enchaîne sur le dernier, on s’aperçoit d’un très grand contraste : on a deux sons très différents. Par contre quand on écoute chaque album en suivant leur continuité, l’évolution est d’une logique bluffante . Est-ce que ça veut dire que lorsque tu finis un album, tu as déjà une idée du suivant ?
Jay Jay Johanson : Non pas réellement, tu sais le temps entre mes trois premiers albums était très court. Tout s’est passé très vite: je faisais un album, je venais en France pour donner des concerts et aussitôt embrayer sur des sessions studio pour écrire l’album suivant. Il y avait une grande variété de sons mélangés à l’intérieur de ces albums. Je cherchais déjà à faire que certaines chansons soient plus rapides que d’autres .
Tof : Rush ne sonne plus du tout Trip-Hop pour le coup …
Jay Jay Johanson : Il faut dire que le Trip-Hop n’existe plus vraiment.
Mon point de vue est devenu très éloigné de celui des artistes qui m’avaient inspiré vers 1996, comme Massive Attack et Portishead lorsque j’ai fait Whiskey, je me suis intéressé à d’autres styles pour faire évoluer ma musique.
Aujourd’hui je n’écoute plus leur musique.
Et d’ailleurs j’imagine que s’ils devaient sortir un album maintenant, ils suivraient également cette logique.
D’autres ont fait de même, comme par exemple GoldFrapp, qui a commencé avec un son plus trip-hop, travaillant même avec Tricky. Et puis elle s’est peu à peu tournée vers l’électronique. Je ne me compare pas à elle car elle est beaucoup plus dans l’électro, la programmation et le minimalisme que moi qui continue de travailler avec mes musiciens.
Au bout du compte ce qui est important pour moi est que mon public, mes fans, reconnaissent l’essentiel de ce qui fait le son Jay Jay Johanson.
Mes textes, mes mélodies et bien sûr ma voix, c’est ce que j’essaie toujours de mettre au centre de l’attention.
Ensuite je peux arranger ou produire une chanson de différentes façons, en variant suivant mes diverses inspirations.
Sur mon nouvel album Rush, on a voulu un son plus up tempo et dansant. J’ai notamment travaillé sur la moitié à Paris avec Jean-Pierre du groupe Autour de Lucie et l’autre partie a été faite à Stockholm, dans le même studio que pour Whiskey, Tattoo et Poison, avec les mêmes musiciens.
Tof : Tu n’as pas peur que le public qui t’appréciais avec le son des débuts, n’aime plus le nouveau son Johanson ?
Jay Jay Johanson : Je pense que mon public me reconnaît, au moins quelques chansons. [RIRES] Mais de la même façon que mes arrangements et ma production évoluent, mon public change.
Je suis sûr que ce ne sont pas les mêmes personnes que celles qui étaient déjà là il y a dix ans. Et puis personne n’est le même qu’il y a dix ans par exemple. Chacun évolue et fait face à des évènements dans sa vie. On découvre de nouvelles choses, on voyage plus par exemple tu vois?
Bon c’est vrai qu’il y a la possibilité que certains de mes fans décident de suivre d’autres styles musicaux que le mien mais je crois qu’il y a aussi beaucoup de personnes à qui mon nouveau son va plaire, peut-être de nouvelles personnes d’ailleurs.
Et finalement je ne peux pas y faire grand-chose ! Je dois me concentrer pour que ce que je fais reste intéressant.
Si je m’asseyais et que je faisais exactement ce que mes fans veulent entendre, j’ai peur que mes disques ne soient plus si bons, parce que peut-être qu’à ce moment on dirait « Ah il veut seulement faire sonner son album comme du Jay Jay Johanson » et ce n’est pas un bon point de départ pour moi.
Le mieux est d’essayer d’écrire de bonnes chansons et de trouver ensuite les bons arrangements. Ensuite à travers mes shows et avec mes musiciens, j’essaie de montrer différents aspects de mon travail.
Il y a une édition limitée de Rush, avec deux cds tu sais ? Le cd bonus contient l’album en version acoustique. C’est une façon intéressante de montrer comment ça sonne lorsque je suis simplement assis derrière un piano, sans batterie, et sans grosse production. J’aime beaucoup cela !
Tof : Il y a eu un très gros changement avec l’album Antenna. Peux-tu m’en parler ?
Jay Jay Johanson : Oui Antenna, a été pour moi un très gros changement. Mais quand je l’ai fait, j’avais un grand besoin de changement aussi. J’avais besoin d’essayer de travailler avec des producteurs.
Tu sais j’ai produit tous mes albums sauf Antenna! J’avais besoin de voir comment ça se passerait si je m’y prenais différemment. Ca a été exactement ce que je voulais faire, mais je ne le referai plus jamais ! [RIRES]
C’était une période très expérimentale pour moi, dans des tas de domaines : On s’en souvient avec l’image et mon look néo Bowie, mais j’ai aussi beaucoup expérimenté au niveau de ma façon de travailler, ou même de me produire, car j’ai fait beaucoup de spectacles dans des clubs à cette période, avec beaucoup de scénographie, et une grosse partie visuelle. C’était un test en fait!
Tof : Cela veut dire que tu n’es pas satisfait de l’album Antenna ?
Jay Jay Johanson : Je suis satisfait de la réaction vis-à-vis d’Antenna. Cet album m’a fait connaître dans plein de nouveaux territoires, comme par exemple l’Amérique, l’Australie, la Suède.
Moi j’ai juste voulu voir s’il était possible pour moi de travailler d’une autre façon. Maintenant que j’ai essayé, je sais que ça fonctionne mais que je ne vais pas continuer même si c’était amusant. En fait c’était important pour mon évolution personnelle.
Cette remise en question arrive à tout artiste qui souhaite une carrière sur le long terme. Regarde Radiohead par exemple qui est passé par une longue phase expérimentale. Bowie a dû faire pareil, quelques artistes de la vague New Romantic également.
Chet Baker, probablement mon artiste préféré a travaillé en jazz trio puis en big band. Pour moi tout ça résume ce que la créativité doit être. Je n’aime pas aller en studio pour faire ce que je sais déjà faire. Ce ne serait pas très drôle en plus !
Avec Rush nous avons essayé d’évoluer ensemble avec mes musiciens, en répétant souvent. J’ai voulu une base de sons plus funky, plus mélodiques, et en symbiose avec la voix . L’album est plus organique, il a plus à voir avec Donna Summer par exemple.
Tof : Il y a même un sacré clin d’oeil au I’m Not In Love de Ten CC, sur la chanson Rush justement ?
Jay Jay Johanson : Oui, c’est parti de quelques notes de piano et de guitare et une voix un peu à la Roxy Music et Brian Eno dans les 70’s. Et puis nous avons voulu des arrangements dans le style de ce que peut faire Air ou Daft Punk.
En fait toute l’atmosphère de ce titre vient cet effet de voix, comme provenant d’une vieille machine.
Pourquoi avoir choisi Rush comme titre de l’album ?
Jay Jay Johanson : Au départ, le nom de code de l’album était « The Long Term Physical Effect Is not Yet Norm » parce que j’avais remarqué que tous mes albums portaient des noms courts, un seul mot à chaque fois.
Là je n’étais pas d’accord et je voulais quelque chose de différent.
Et puis nous avons trouvé que la chanson Rush était vraiment une chanson clef. C’est comme le fil rouge de toutes mes chansons en fait. C’est devenu le titre de l’album. J’aime ce mot si court, j’aime sa vitesse. Ca a vite été plus pratique de parler de l’album avec ce titre [SOURIRE]
Tof : Tu te dis influencé notamment par le courant Neo Romantic de la fin des années 70, qui sont quasiment à l’origine de l’utilisation du clip vidéo .Tu es également très marqué par le cinéma. De quelle façon t’impliques-tu dans la réalisation de tes clips ?
Jay Jay Johanson : Pour moi la vidéo est très importante en terme de créativité. Nous avons fait deux nouvelles vidéos pour le nouvel album. L’une pour Rush, et l’autre pour Because of You qui sera probablement le troisième single.
Tof : Quand tu imagines une chanson est-ce que tu vois des images du clip par exemple ?
Jay Jay Johanson : Non ça vient beaucoup plus tard. Bon en fait c’est déjà arrivé. Cela dépend de l’histoire qui est racontée tu t’en doutes. Sur la chanson Rock It par exemple, je me sens plus que jamais « conteur » et lorsque je parle de cette fille, je l’imagine quittant New-York, travaillant le jour, la nuit, et finalement dansant le week-end. Quand j’ai écrit cette chanson, on peut dire que j’ai vu beaucoup d’images ! Tu vois ça arrive mais vraiment pas souvent. Enfin honnêtement si je commence à voir des images de film pour mes clips ça risque de faire rapidement un trou dans le budget !
Tof : Et comment travailles-tu avec le producteur alors ?
Jay Jay Johanson : En fait si j’ai une idée pour le clip, suivant l’idée j’appelle des photographes ou des photographes de films. Je peux travailler ainsi avec différents producteurs. A mes débuts j’avais contacté un français qui avait travaillé avec Céline Dion.
En fait j’avais eu un rêve et je lui ai parlé de ce rêve qu’il a ensuite développé. C’était pour la chanson Milan, Madrid, Chicago, Paris (album Tattoo, Ndlr) .
En fait je suis très intéressé par cela, autant que par la réalisation du livret du cd d’ailleurs.
Tof : Est-ce que tu es toujours aussi demandé dans le monde de la mode ? Je n’oublie pas que tu es également mannequin …
Jay Jay Johanson : Oui tout à fait ! Tout a commencé au moment de Whiskey. Un certain José Levy m’avait contacté pour que je fasse la musique de son défilé. Et au moment de la rencontre, il ma tout de suite demandé d’en faire plus. C’était amusant car à l’époque, Eddy Sliman en personne travaillait pour lui! Il est devenu une grande star chez Dior depuis!
Définitivement je suis intéressé par toutes les formes d’expression artistique : Littérature, Art, Film, et musique bien sûr . La mode en fait partie et il ne faut pas la négliger .
Tof : Va-t-on pouvoir te voir en concert en France bientôt?
Jay Jay Johanson : Oui nous avons fait quelques festivals cet été. Je serai à Lyon, au Nikasi Club le 21 Novembre, à Paris au Bataclan le 22 et à Strasbourg à la Laiterie le 23 ! Il y aura probablement d’autres dates.
Peux nous en dire plus sur ce que sera le spectacle ?
Jay Jay Johanson : Oui, ce sera vraiment basique en ce qui concerne le groupe, car ce sont les musiciens que j’avais avant sur scène déjà, Eric au Piano, Ewan à la basse et mon batteur Magnus qui était là tout le temps sauf pour Antenna .
Je ne suis pas très fan de grandes scénographies. Mais je vais essayer d’être généreux et de jouer beaucoup de chansons, et de parler avec le public. Je vais me concentrer surtout sur la qualité du spectacle. Je préfère cela plutôt qu’avoir un grand écran derrière moi par exemple
Merci beaucoup Jay Jay. Croyez-moi la rencontre fût chaleureuse et agréable ! Notre crooner « électro disco » se raconte avec plaisir et générosité, qui aurait cru que c’est un grand timide ? Rendez-vous très vite pour le découvrir, le redécouvrir, l’applaudir en concerts . inoubliables !
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Jay jay Johanson en tournée en France :
Le 21/11/05 au Nikasi Club à Lyon,
Le 22/11/05 au Bataclan à Paris,
Le 23/11/05 à la Laiterie à Strasbourg
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