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Synthse des Etats Gnraux des gays sropositifs


Recommandations des Etats Gnraux des Gays Sropositifs.


Paris, Espace Niemeyer, 27 novembre 2006.


L’organisation des Etats Gnraux m’a demand de vous prsenter
les recommandations de ces Etats Gnraux des Gays Sropositifs. C’est une sorte
de dfi. D’abord parce que le nombre d’ateliers autant que leur diversification
sont importants. Ensuite parce que leurs contenus se sont rvls substanciels.


Il fallait donc chercher une structure de prsentation qui
parvienne rassembler tout cela en faisant ressortir les propositions communes
. tout en mobilisant encore votre intrt au bout de ces trois journes de
travail. J’espre que nous allons y parvenir.


L’change que nous avons eu avec le Ministre de la Sant et des
Solidarits, que vous n’avez pas mnag, laissait d’une certaine faon
pressentir la teneur gnrale des remarques, le fil rouge qui traverse les
recommandations. C’est bien la qualit de vie dont il est question plus que la
quantit de vie ; et qu’il s’agit, maintenant que la bataille des traitements a
t gagne pour le plus grand nombre, de parler de qualit
de vie. Et l’on pressent lire les compte-rendus et
entendre les rapports que ce mieux tre est la premire marche du mieux
combattre.


Je m’empresse de dire que les recommandations ne s’adressent
pas seulement aux pouvoirs publics ou aux politiques (ces derniers ayant
probablement oubli de mettre leur rveil ce matin !). Ces recommandations
s’adressent aussi nous : notre destin c’est nous qui l’avons en mains. C’est
mme pour cela que nos pres se sont battus pendant plusieurs sicles pour
obtenir la libert associative reconnue par la loi de 1901 ! Il faut toujours se
servir des liberts conquises. La libert c’est fait pour en user !


Nous avons retenu trois squences pour prsenter les
recommandations : :




  1. �� un premier temps que nous avons
    appel Parlez-moi de moi ,



  2. �� un deuxime temps intitul Moi
    et mes frres, mes soeurs .



  3. �� un troisime temps que nous
    proposons de nommer Socialisons-moi .


*


* *


Sans attendre, je vous propose de venir la premire partie.
Certains on peut-tre vu le deuxime film de Zabou Breitman, L’homme de
sa
vie , et se souvienne de la
ritournelle qui court tout au long du film : Parlez-moi de moi, y’a que a qui
m’intresse . .


1. Parlez-moi de moi .


11. Un des tous premiers lments qui ressort c’est celui du
dvoilement de la sropositivit. Pour beaucoup d’entre nous comme une sorte de
deuxime coming out . Une sorte de double peine : dire que l’on est gay,
dans un premier temps, et dans un second temps, que l’on est sropositif, .
avant de passer la triple peine quand il faut reconnatre soi-mme et aux
autres que l’on est entr dans la maladie.


Plus on dit tt sa sropositivit, plus on augmente son
pronostic de bien grer sa vie de sropo. Cette affirmation des participants aux
Etat Gnraux ne rgle pas pour autant les questions taraudantes de A qui on
le dit ? , Comment on le dit ? , Quelles scurits ngocier quand on le
dit ? . D’autant qu’il ne s’agit pas seulement de le dire dans un groupe
associatif o cela peut tre facilement admis cause de l’objectif que se donne
cette association, si elle lutte contre le sida par exemple. Il s’agit aussi de
le dire dans son groupe d’appartenance qui est loin d’tre aussi homogne
dans l’acceptation de la sropositivit qu’une association de lutte contre le
sida ! En mme temps, il ne s’agit pas non plus de le dire 5 000 personnes !
Il n’empche que l’on est l
dans
des questions de rglage fin entre des paramtres complexes dont le point focal
est la personne sropositive face son envie de dire qu’elle est sropositive
parce que c’est pour elle une condition de bonne vie.


En mme temps tout ceci n’est pas de l’anglisme. Dvoiler sa
sropositivit a fait mal. C’est ainsi qu’un participant a affirm que dire
sa sropositivit est un mal ncessaire parce qu’aprs l’avoir dit on pouvait
passer autre chose. Certains y voient mme un bond qualitatif .


12. Le deuxime lment que l’on peut lier tout de suite au
prcdent, c’est la vie sexuelle dont la rflexion sur
les conditions du bien tre sexuel a produit un volume de remarques important. Nous avons recommand qu’un
guide pratique sur la sexualit sropositive puisse permettre chacun de
trouver les rfrences mais aussi aux autres (sous-entendu, les soignants) de se
rfrencer plutt que de rester dans l’inculture. Dans les conditions du bien
tre sexuel, vous demandez aussi qu’il y ait des groupes de paroles sur ce sujet
AIDES ou dans les associations identitaires de faon ce que la question du
bien tre sexuel puisse tre aborde tout au long de l’accompagnement ou du
suivi d’une personne sropositive.


Faisons-le. Tout de suite. Ici mme, la sorte des Etats
Gnraux. AIDES, cette tante vieillissante, et manifestement critique, est
malgr tout en forte gnrosit, elle aidera mme ceux pensent qu’ils ne savent
pas faire. Et puis nous ferons ensemble, ce sera encore mieux. Imaginez que
Jeunes Sropotes fasse des rencontres TupperSex AIDES, et
qu’une autre association programme des ateliers
SuperCorps. Cela aurait de l’allure non ? On rsoudrait probablement des
inaptitudes la vie de couple dont certains ont parl dans les ateliers !


Il faut probablement en profiter ce stade pour prciser
quelque chose. AIDES n’est pas l pour faire la place mais pour favoriser les
mergences. AIDES est une association gnraliste qui ne changera pas a priori
son projet. Mais si des gays sropositifs estiment ncessaire de s’organiser
hors de AIDES c’est la libert associative et je suis sr que AIDES ne manquera
de soutenir ces actions.


13. C’est bien le moment de parler de corps. Car beaucoup de
temps et de remarques ont t consacres ces questions. Cela nous a amen avec
ceux qui ont contribu cette synthse regrouper une srie de recommandations
dans un chapitre ddi
l’extriorit
corporelle
.


Il y a l des tabous puissant. Certains ont affirm que la
question du corps, de l’enveloppe charnelle, tait encore moins parle que celle
de l’usage sexuel. Et que cela mritait aussi la mise en place de groupes de
paroles spcialement ddis cette question, notamment face aux consquences du
vieillissement surdimensionn par la maladie : on y fait plus attention et cela
rend le vieillissement encre plus insupportable que pour tout autre personne.
Sauf que personne n’en parle, sauf que l’on ne sait pas o en parler !


A cette ncessit s’ajoute aussi celle de former le corps
mdical qui face ce sujet en est encore au point o il en tait avec la
douleur avant que
l’on ne dcide
publiquement il y a dix ans de bouger les lignes de ce qui tait alors un
scandale dans notre pays. Et bien, il faut oser le dire, la faon dont le corps
mdical considre la question du corps est pauvre. Rfugi dans une approche
bio-techniciste, l’oeil sur des indicateurs et des paramtres chiffrs, le corps
passe la trappe. Il faut donc, ici encore, informer et former les mdecins.


Le slogan a t parfaitement mis en forme par un des
participants : Aidez-moi me supporter dans mon nouveau corps ! . Mes Bien
Chers Frres, commenons par nous aider nous mmes ! En avant pour une dmarche
SuperCorps, condition de s’investir dans les ateliers, les groupes de paroles,
et le soutien psychologique car je vous garantis que si ce n’est pas nous mmes
les gays qui fixons les lignes personne ne le fera ou alors nous en sortirons
plus affaiblis encore !


14. La question de la prvention
a t interroge par les participants
dans trois directions.


La premire touche l’ide que l’on devrait pouvoir accder
quelque part un discours unifi sur les risques et les cofacteurs de risques
dans une sexualit de sropo. D’autant que non protg par le latex, cela ne
veut pas dire sans protection. Des remarques acerbes ont t prononces contre
ceux qui pensent que le prservatif a peut tre facile et facile trs
longtemps. Chacun sait qu’il n’en est rien, surtout ceux qui le pratique depuis
20 ans.


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La seconde c’est que la prvention n’appartient pas qu’aux
sropositifs et la dicibilit non plus. Chacun doit y prendre sa part. L’ide
tant que la libert est essentielle. Il ne s’agit pas de la refuser. Il en va
ainsi de la libert de pas d’une sexualit qui ne soit pas essentiellement en
lien avec le prservatif, comme dans la vraie vie. Et de la possibilit de faire
ses choix d’orientation entre srotriage, sroadaptation, ou sroprfrence.


La troisime ide c’est que l’on ne peut pas tenir le cap de la
prvention seulement le prservatif et surtout sans plaisir. D’o une demande
pressante sur les autres outils de prvention, comme les microbicides.


*


Deuxime regroupement thmatique de cette synthse Moi et mes
frres, mes soeurs . C’est la question du gay sropo et de son environnement
identitaire qui est maintenant abord.


Moi et mes frres, mes soeurs.


Il y a trois sujets. Face constat terrible, fracassant, avec
quelques ides, a pourra peut-tre le faire ! .


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21. Des mots sanglants ont t utiliss pour qualifier la faon
dont la communaut se comporte avec ceux qui la composent.
Cette communaut invoque, cette communaut magnifie, cette communaut
libre . est aussi celle qui opprime, qui oppresse et qui
stigmatise
. Incapable de mettre en
circulation des normes de rfrences dans la variabilit de ce que sont les uns
et les autres. Incapable de faire circuler l’image ou la rfrence aux gays
sropositifs alors que 15 % de la communaut vit avec le Vih/sida et que
nombreux sont ceux dans cette salle qui estime que maintenant, avec un tel
niveau de prvalence, la sropositivit fait partie du destin d’un gay. D’autant
que prs des trois quarts des couples gays sont des couples ouverts o des
partenaires nouveaux sont admis.


Cette communaut est vivement critique car elle est la
premire fautive en raison des stigmatisations qu’elle vhicule. Certains
affirment qu’il y a deux communauts : celle la peau tendue, jeune et
srongative et puis l’autre un peu fltrie, vielle et sropositive. Nous savons
probablement tous dans cette salle que c’est srement beaucoup plus complexe que
cela. Mais rien n’est fait pour provoquer des passerelles entre les composantes
de la communaut pour lutter contre les stigmatisations. Or nous savons tous que
les stigmatisations reposent sur les reprsentations que nous acqurons, et que
nous maintenons au fond de nos mes, de nos coeurs et . de nos bites ! Ce qui
fait au moins trois endroits pour agir !


22. C’est pourquoi, les participants ont recommand d’abord
un changement d’chelle dans la vie associative des
gays
. En demandant que les associations identitaires sachent
intgrer les proccupations des gays sropositifs si on ne veux pas les
contraindre au ghetto. Les associations identitaires ont ainsi une
responsabilit historique et dramatique : ne pas rejeter les gays sropos et les
contraindre vivre entre eux. En mme temps, les associations de lutte contre
le sida ont aussi la responsabilit de changer leur image : AIDES par exemple
est regarde soit comme trop homosexuelle soit trop gnralliste sur le
Vih/sida. D’o la revendication d’organisation autonome des gays sropositives
dans AIDES ou hors de AIDES ? A AIDES la seule exigence c’est la srosolidarit.
Il n’y a pas de gay qui ne parle qu’aux gays ni d’usagers de drogues qui ne
parlent qu’aux usagers de drogues.


Alors, certains proposent de customiser les associations
identitaires avec de nouvelles jantes larges sropositives qui permettent de
transformer le fin cabriolet en grande routire bonne tout faire. D’autres
affirment qu’il faut former les gays, manifestement un peu courts
intellectuellement sur l’acceptation des diffrences car si l’on devait crer un
label Sropo Spoken , il n’y aurait pas beaucoup d’associations pour
l’obtenir !


En tout cas, nous l’avons dit de faon suffisamment ferme, il
faut duquer les gays la vie gay et la tolrance.


Et aussi les amener une plus grande solidarit, en provoquant
ou en soutenant toutes les initiatives qui permettent d’augmenter cette
solidarit entre gays, quel ne que soit
le statut srologique ou la catgorie socioprofessionnelle .


23. Passons aux mdecins, dont nous
avons vu rcemment qu’ils avaient quelques soucis avec le serment d’Hippocrate
: pas seulement chez les dentistes,
mais aussi chez les spcialistes un peu ractifs pour ne pas recevoir ceux qui
sont la CMU.


Il y a globalement un constant de grande pauvret sur la
perception de l’homosexualit dans le corps mdical, comme une sorte de
survivance historique, comme si le dclassement de l’OMS n’avait pas encore
port tous ces fruits, ou pire comme si les mdecins rsistaient tirer la
consquence : tre gay, c’est comme a ! Il ne leur viendrait d’ailleurs pas
l’ide d’un mdecin recevant un malade noir de lui demander de devenir blanc !
Il y a une difficult dans la mdecine, c’est le PD Spoken . Et cela pousse
beaucoup d’entre vous proposer la cration de sant gaie anim par des gays
pour des gays avec des mdecins qui causent le PD ! Cela existe dans beaucoup de
pays, pas en France, mais vous savez que nos frontires sont blindes,
souvenez-vous qu’elles avaient d’ailleurs arrt il y a deux dcennies le nuage
de Tchernobyl. Ici encore, aux barricades , fourbissons nos armes et
ouvrons-les ces centres de sant gaie. Je n’ai aucun doute que l’Assurance
maladie les conventionnera !


Mais bien entendu entre ce constat et les propositions, il y a
une sorte d’indispensable : que les gays sropos cessent d’tre invisibles. Et,
il nous appartient de prendre le risque d’tre visible. Quand je vois les plus
anciens qui se posent la question de
savoir qu’est ce qu’il n’ont pas fait pendant vingt ans pour que les gays
sropos ne soient visibles, je n’ai pas envie pour nous qui avons vingt ans que
nous nous posions la mme question quarante !


*


Insensiblement nous passons donc au troisime terme des
recommandations, celles qui portent sur les gays dans la socit.


3. Socialisons-moi .


31. Permettre aux gays sropos d’tre mieux socialis est un
dfi car la fracture sropos/sronegs dans la communaut s’ajoute une
fracture territoriale entre les zones densment urbanises et riches et celles la dmographie
plus restreinte et plus pauvres de sorte que disposer des points de ressources
pour vivre mieux en tant que gays sropositifs devient parfois redoutable. Les
participants ont insist sur cette fracture territoriale pour laquelle des
rponses doivent tre offertes, sachant que la socit de l’Internet comporte
des limites et que c’est la socit du dplacement qu’il faut rflchir pour
permettre chacun de pouvoir aller vers les ples de ressources : dans le
mdical, dans le social, dans l’associatif.


11


32. Comment parler de social sans parler de moyens ? De ce point de
vue, il faut bien dire que la rencontre entre les acteurs qui ont des missions
diffrentes est mal pratique. Il y a un vif espoir sur ce que le Corevih
pourront apporter demain aux gays sropos. Est-ce que ce sera finalement un peu
plus de la mme chose o est-ce que l’on changera d’chelle. Vu le ramdam sur le
sujet, nous attendons tous une nouvelle et vraie capacit prendre en compte
les besoins des gays sropos. Cela changera-t-il la perception de la mdecine
sur les gays sropos. C’est aux militants associatifs de relever le dfi. Il
faut qu’ils s’engagent assumer sa place dans les Corevih. Et il n’y a aucune
raison ce que les Corevih soient automatiquement prsids par des mdecins.
Mes camarades, mes frres, allons-y. Ici encore, prenons les places, si nous
voulons que cela change !


Nous sommes proccups par la capacit, plus ou moins douteuse,
de la mdecine voluer dans son approche des patients sropos. Chacun a
probablement fait son deuil de trouver une consultation mdicale qui organise
une prise en charge globale. Tout le monde est bien convaincu que face la
multiplicit et la complexit des connaissances mdicales dans la prise en
charge d’un sropo il faut mettre en face des prises en charge
pluridisciplinaires. Si cela n’est pas fait, l’hpital restera le lieu d’une
consultation d’ingnirie mdicamenteuse incapable de passer la coordination
des soins dont on sait pourtant combien elle est essentielle dans le Vih/sida.


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Il faut donc organiser plus de rencontres entre les sropos et
les soignants pour partager et changer. Probablement les reprsentations des
uns et des autres bougeront !


33. La question des droits est apparue de faon trs forte dans
l’ensemble des temps partags entre nous. On l’a entendu de deux faon :
le respect des droits, et l’volution des droits.


Les procdures d’accs aux droits comme l’AAH sont bafoues par
des dlais extrmement longs et il faut renouer avec les procdures d’urgence
sur le Vih/sida. La connaissance des droits repose sur les associations alors
que les services publics devraient produire cette information auprs des
personnes, on pense videmment l’information sur les mcanismes d’accs la
couverture complmentaire universelle.


Au del, nombreuses ont t les interventions sur les montants
des aides dont les uns et les autres estiment qu’elles doivent tre notablement
revalorises. Et nous savons tous que l’on ne peut pas toute une vie durant
dpendre d’un minima social. Cela pose la question de la place des personnes
malades dans notre socit quand elles ne peuvent pas renouer avec un revenu
tir du travail. Les malades et particulirement les gays sropos sont-ils
condamns au statut de nouveaux pauvres ?


Dans ce registre, la qute de plus de souplesse dans les
dcisions administratives ou dans la vie professionnelle est attendu. Tout
mcanisme qui permettra de garder son emploi et/ou de continuer bnficier
d’une prestation doit tre mis en oeuvre.


13


*


* *


Et maintenant si ce que j’ai rapport du sens pour vous, si
ce que vous avez dit de reconnaissance ncessaire de soi pour aller mieux est
vrai, si vous pensez comme moi que la solidarit ce n’est seulement quand on
baise, mais plus largement tous les jours, vous devriez vous levez tous, vous
regardez, vous applaudir les uns les autres et embrasser qui vous voulez. Fates
donc du bruit qui fait du bien !!!!


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