DUQUONS LES HTROS :

DUQUONS LES HTROS :

L’homo/transphobie
n’est pas gntique

On aimerait tant tre dtachEs de tout a. Insouciantes et
indiffrentes. On s’en irait, hilares et lgres, pendant que a dvisage, a
stigmatise, a rprime, a harcle, a agresse, a tue. On
s’enthousiasmerait pour les avances supposes de nos droits, bienheureuses de
la niche qu’ils nous dsignent. On ignorerait ce que vivent nos sours un peu
partout dans le monde, les attaques contre les Pride, les manifs catholiques
italiennes pour dfendre la « famille », etc. Ce serait si bon.

Nan,
en fait on n’aimerait pas tre comme a. On n’aimerait pas tre sarkozystes :
tout pour sa gueule, le plus fort contre les plus faibles (et puis aussi :
la-France-tu-l’aimes-ou-tu-la-quittes, lve-toi plus tt feignasse…)

Peut-tre qu’en fait, on est trop sensibles : a nous rend belles aux
yeux de nos amantEs. Mais assez seulEs aux yeux du monde… Tiens le monde !
Parlons-en du monde : de la chasse aux Gouines, aux Trans’, aux Pds,
institution d’tat dans plusieurs pays ; des continents dcims par le
SIDA, les capotes planques sous la soutane, les traitements dans
les portefeuilles occidentaux ; de la peine de mort, certains coins de
rue, pour les sodomites ; de l’inquitude justifie des trans’
partout… Dans quatre-vingts tats au moins, les actes homosexuels sont
condamns par la Loi ; dans plusieurs pays, cette condamnation peut aller
au-del de dix ans ; parfois, la Loi prvoit la dtention perptuit. Et
dans une dizaine d’tats, la peine de mort peut tre effectivement
applique…

Nous, cette Journe internationale contre
l’Homophobie et la Transphobie nous rend inconsolables et hargneuses. Pas
la Journe en tant que telle – mais le fait qu’elle soit ncessaire. Qu’elle
ne dure qu’une journe. Qu’elle soit l’occasion, pour beaucoup, de se
peinturlurer gay (friendly) concernE et de s’en retourner bien
vite faire prosprer un monde d’ingalits, d’humiliations et
d’oppressions.

Parce qu’en plus faudrait dire merci. Merci
pour leurs attentions, merci pour leurs protestations lorsqu’un tat s’en prend
un peu trop ouvertement unE TransPdGouine, merci pour leurs lois…

Franchement : on est mauvaisES. On sait bien que leurs attentions ne
sont le rsultat que de nos luttes, des rapports de force que nous avons
crs. On sait bien aussi que leurs protestations sont timides,
inaudibles, sans consquences. Et puis, on n’arrive pas se dire que la
loi contre l’homophobie, la HALDE et tous ces machins sont de relles
avances. Nous sommes srement bizarres mais quand nous croisons un flic,
nous ne nous disons pas Ciel, mon protecteur ! . On pense d’abord
nos amantEs, amiEs sans-papierEs, aux jeunes des quartiers populaires, etc. Qui
sont, pour certainEs, pds, gouines, trans’.

Ce n’est pas de
plus de juges, de plus de flics, de plus de lois dont nous avons besoin. a
c’est la rponse de tous les Sarkozy du monde. Savent faire que a, dire que a.
Parce que s’ils disaient autre chose, ils seraient peut-tre obligs de
reconnatre que l’homo/transphobie n’est pas gntique. Qu’elle est
construite, patiemment mais srement, pierre aprs pierre. Que ce qui est
fait peut se d-faire. Et surtout : que l’tat, quotidiennement, lgitime
et encourage cette homo/transphobie. Que la Loi fait semblant de nous
protger et qu’elle ne fait, pourtant, qu’entriner notre
infriorit. C’est trs cynique de confier l’oppresseur la mission de
protger les opprimEs.

Alors, pour nuancer la solution rpressive,
les progressistes exigent un versant ducatif !

Et oui, bien sr :
l’ducation, abstraitement, nous sommes pour. C’est chouette l’ducation.
C’est consensuel. Mais quelle ducation ? Celle qui consiste faire
rciter par cour tu aimeras le pd comme toi-mme ? Celle de la
tolrance fade ? Celle du respect des minorits lorsqu’elles acceptent
de s’intgrer ?
Ou celle qui, au contraire, parierait sur
l’mancipation…
Qui dconstruirait nos gestes et nos comportements
sexistes, hrits d’une socit patriarcale.
Qui ruinerait les normes
et leurs cortges de violences symboliques ou concrtes.
Qui nous
apprendrait respecter nos dsirs.
Qui nous rendrait firEs plutt
que suicidaires.

On sait bien que ce n’est pas le moment de
rver. Que l’heure est la rsistance plutt qu’ l’offensive. Alors on va
rsister. Mais nous possdons aussi l’art du contretemps. Nous sommes
inadaptEs. Nostalgiques quand nous pensons Stonewall et, simultanment,
anticipatrices quand nous formulons nos exigences. On sait bien aussi que
dans certains pays, face la brutalit du Pouvoir, cette ducation serait
dj un grand pas. Dj ici, ce serait vraiment pas mal. On le sait,
tout a.

Mais nous n’acceptons pas de ne nous battre que pour le
minimum. Et nous savons bien que tant que nous resterons sous domination
htrosexiste, l’ducation ne changera pas grand-chose l’angoisse de se
dcouvrir diffrentE, la dvalorisation de nos sexualits, la
pathologisation de nos dsirs…

Nous, dans (certains de) nos
rves, nous nous verrions bien duquer les htros ! On le ferait bien mieux que
l’tat !

On leur dirait les insultes, les humiliations subies, le
placard. On leur dirait aussi la peur du cassage de gueule, de la visibilit. On
les emmnerait avec nous protester contre les pouvoirs polonais, russe etc. pour
ce qu’ils font nos sours. Et ensemble on forcerait nos tats. On
leur apprendrait des trucs de folles. On leur montrerait que nous ne ressemblons
pas touTEs Ttu ; qu’on connat aussi la lutte des classes ;
qu’on est plus diverses, plus radicales, plus fragiles. On leur
raconterait les normes gay et combien elles nous psent.
Combien nous sommes insatisfaitEs. Et puis surtout : on leur dirait comment
on aime. Comment on baise. Comment on jouit. Comment on s’est construitE. SeulE
d’abord, puis collectivement.

Et eux, leur tour, peut-tre, un
jour, nous diraient (enfin !) combien il est dur d’tre htro dans une
socit htrosexuelle. Les jeux de rles qu’ils doivent tenir, la
btise crasse de l’homophobie qu’il est de bon ton pourtant de perptuer,
les dsirs quadrills, les fatalits sexuelles ou de
genre. ce moment-l commencerait dj poindre la perspective d’un
monde dlivr de tous les Sarkozysmes. Ce ne serait pas pour autant rgl
mais ce serait une belle amorce.

C’est peu dire qu’on n’y est pas
encore. Et qu’il va nous falloir une nergie dcuple pour y arriver. Mais ce
n’est pas grave. On l’a.