Comme évoqué sur nos pages hier, le Collectif contre l’Homophobie de Montpellier s’est alarmé des risques liés à la mise en place du nouveau logiciel de la Police, Ardoise, en phase de tests à l’heure actuelle ,qui fait craindre des dérives par la collecte de données sensibles concernant toutes personnes liées à des infractions, victimes et auteurs présumés. Parmi les données susceptibles d’être saisies, stockées et recueillies via le logiciel, des données dites «sensibles» : orientation sexuelle, appartenance syndicale.
Cette annonce a provoqué des réactions en chaîne. Déjà dénoncées par le Collectif contre l’Homophobie, les caractéristiques du logiciel sont également pointées du doigt par SOS Homophobie et l’Inter-LGBT.
Du côté syndical, Alliance, second syndicat de gardiens de la paix, a «exigé» que le nouveau logiciel «soit amélioré» pour ne «pas remettre en cause les droits fondamentaux des personnes» et ne pas «mettre en porte-à-faux les policiers». L’Unsa-police, principal syndicat, rejoint Alliance et s’est déclarée «attachée au respect de la vie privée». A l’opposé, le syndicat classé à droite Synergie, second syndicat d’officiers de police, estime «ne pas être choqué» par le logiciel, «Le but n’est pas de créer un fichier discriminatoire mais de mieux cibler victimes et auteurs par type d’infraction» a avancé l’un de ses responsables. «Scandaleux» a rétorqué David Barbas, secrétaire national du Syndicat national des officiers de police (Snop, majoritaire chez les officiers), ajoutant que «Si rien ne change, nous demanderons à nos adhérents de ne pas remplir les cases qui posent problème».
«On peut se demander quel besoin a la police de mentionner et de diffuser l’orientation sexuelle de l’un, ses choix politiques et syndicaux, s’il est sans domicile, son mode de vie, sa classe d’âge, etc. sinon pour traiter et juger différemment chacun en fonction de ces classements, ce qui remet en cause les fondements même de notre constitution» a estimé pour sa part Anne Souyris, porte-parole nationale des Verts.
Face aux réactions, Michèle Alliot-Marie, en déplacement hier dans les Yvelines, a assuré que ce logiciel ne présentait «aucun risque d’attenter à quelque liberté que ce soit».
Ses services ont également publié hier un communiqué de presse explicatif et se voulant rassurant rappelant que pour leurs enquêtes judiciaires, les forces de l’ordre disposent de deux fichiers validés par la CNIL et que la réunion de ces deux fichiers en un seul avec son logiciel de saisie, Ardoise, intègre les mêmes informations que celles déjà saisies. «Ils seront bien évidemment soumis à l’avis de la CNIL» avance le ministère rappelant l’avis de décembre 2000 de la CNIL validant la liste de données sensibles pouvant être collectées. Pour la Place Beauvau, «Cette saisie de données personnelles n’est en aucun cas automatique. Elle n’a lieu que lorsque ces informations ont un lien avec l’affaire, la nature ou les circonstances de l’infraction» et «Ces données permettent ainsi de caractériser l’infraction et les éventuelles circonstances aggravantes prévues par le code pénal, dans l’intérêt même des victimes».
En conclusion, le ministère de l’Intérieur rappelle que les données relatives au plaignant peuvent être détruites sur sa demande après condamnation définitive du ou des coupables. Le porte-parole du ministère, Gérard Gachet, a également indiqué au micro de France Info ce matin qu’il y avait une «traçabilité» des consultations de ces données et qu’elles ne pouvaient avoir lieu que dans le cadre de procédures judiciaires.
De son côté, le Président de la CNIL, Alex Türk a adressé hier un courrier à Michèle Alliot-Marie, pour «lui demander des éclaircissements sur les rubriques utilisées dans Ardoise et lui rappeler que la CNIL devra émettre un avis préalable à la mise en place de cette application qui semble déjà en phase de test». Dans le communiqué lié, la CNIL affirme «(comprendre) l’émotion et les questionnements que suscite l’existence de (ces) rubriques»