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Maya Barsony : Je ne suis pas responsable de ce que mon inconscient exprime

Je n’ai pas eu besoin qu’on argumente des heures, pour me donner envie d’aller rencontrer cette nouvelle artiste, envoûtante d’emblée. Tout d’abord l’extrait d’un titre envoyé par mail. Enfin un lien vers son site myspace pour être plus précis, d’où est sorti un rythme funk endiablé mais avec un texte en français, et une mélodie évidente, d’une efficacité redoutable… D’emblée, « La Pompe à Diesel » a tout d’un tube, et on ne se lasse pas d’écouter le snippet ! A coté du player on découvre son portrait… Une jolie brune qui fume la pipe, avec un regard plutôt direct, celui d’une jeune fille espiègle qui n’a pas peur de porter du rouge à lèvres très rouge. Quelques semaines plus tard, un rébus tout en flash, pour découvrir encore mieux la chanson, et l’adopter pour de bon, comme si c’était nécessaire! L’univers, ludique et enfantin, est planté. La pochette de l’album est dévoilée. Une femme nue pleine de grâce sur fond bleu, rien que ça ! Maya Barsony prend consistance sous mes yeux, et je réalise qu’il s’agit forcément là d’une des futures grandes de la chanson française. Rien à voir avec la morne nouvelle scène française et c’est tant mieux … Quelques minutes d’attente dans le petit salon de l’hôtel où j’avais rendez-vous, et la voilà qui arrive, toute souriante … L’interview peut commencer !

Tof : Hello Maya, très heureux de pouvoir parler avec toi de ton album « Femme d’extérieur », qui respire complètement la gaité et la joie de vivre. En fait il s’agit de ton deuxième opus, le premier étant sorti en 2001. Que s’est-il passé depuis tout ce temps ?
Maya Barsony : Et bien tu n’es pas sans savoir que la crise du disque s’est entamée durant cette période, et il se trouve que le petit label dans lequel j’étais n’a pas pu résister. Je me suis retrouvée dégagée de tout contrat et j’ai commencé à m’autoproduire et à faire ma musique toute seule un peu en tâtonnant à droite et à gauche, et en essayant des collaborations. J’ai cherché et je suis même partie à Londres faire un album. Au final le temps que je trouve vraiment ma couleur et les personnes avec lesquelles j’avais une satisfaction personnelle aussi. J’ai beaucoup travaillé, beaucoup cherché, ça a pris l’équivalent de deux albums et demi, et après j’ai été signée par RCA et donc j’ai pu entrer en studio et tout enregistrer en une semaine avec mes musiciens.

Tof : Il reste des titres que tu avais travaillé en Angleterre, et qui pourraient ressortir un de ces jours alors ?
Maya Barsony : Je pense oui, j’ai beaucoup de matière. Mais tout de même je suis quelqu’un qui est sans arrêt dans le renouveau et qui cherche toujours à faire évoluer son travail. Si tu veux je pourrais ressortir effectivement des anciens titres, mais alors je les produirai certainement de manière différente …

Tof : Comment as-tu choisi ton équipe ? Il me semble que Renaud Letang en fait partie …
Maya Barsony : Non pas du tout ! En fait il figure dans les remerciements parce qu’il m’avait mixé des titres à l’époque où je m’autoproduisais. Mais j’ai choisi tout simplement mon équipe après la rencontre avec mon batteur Maxime Garoute et Johann Dalgaard. On a co-réalisé tous les trois cet album après une bonne année à vraiment définir la couleur. Quand je me suis faite signer, on m’a proposé un réalisateur, mais pour moi il n’en était pas question car je préférais travailler avec mes potes, avec lesquels j’avais vraiment trouvé mon style. C’était pas la peine d’avoir travaillé toutes ces années pour finalement me dire « ah ben maintenant tu vas travailler avec untel et il va te faire ton album ! »


Tof : En quoi ta musique en 2001 était-elle différente ? Par exemple, j’ai vu que tu as fait du ragga par le passé …
Maya Barsony : C’était complètement autre chose. Et oui j’ai fait du ragga ! Tu as vu j’ai un parcours éclectique et riche ! [Rire] Mais attention, le ragga c’est jamais un style que je me suis approprié. J’en ai fait un peu, en parallèle, parce que j’aimais le fait que ça fasse travailler le débit, la voix, l’improvisation, avec cette pronontiation très saccadée, très rapide. J’adorais ça !

Tof : Pourquoi as-tu choisi le titre « Femme d’extérieur » ? J’imagine que c’est un clin d’oeil à l’excentricité, voire à l’exhibitionnisme …
Maya Barsony : Peut-être … En fait c’est une histoire très simple. C’est juste le petit nom que me donnait mon ancien copain parce que j’étais vraiment souvent dehors et que j’avais vraiment tout sauf les qualités d’une femme d’intérieur [Sourire]. Il me disait souvent « toi t’es vraiment ma petite femme d’extérieur' ». C’était mignon mais en même temps c’était une façon de me faire comprendre qu’il voulait que je fasse plus à bouffer et plus le ménage ! [Rire]

Tof : Tu lui rends donc hommage en quelques sortes …
Maya Barsony : Pas du tout ! C’est vrai que l’expression vient de lui et que je la trouve chargée de plein de sens, rien que parce qu’il l’a inventée. En fait je l’ai utilisée par ce qu’elle me va bien tout simplement.

Tof : Ca pouvait aussi avoir une connotation un peu péjorative, puisqu’on dit « une plante d’intérieur » ou « une plante d’intérieur » par exemple …
Maya Barsony : Mais non, mais non … Tu sais quand on dit d’une femme que c’est une belle plante ça fait toujours plaisir, je te rassure [Rires] J’ai pas pensé à la plante mais c’est ça qui est génial avec ce genre de mot, on peut laisser libre cours à son imagination, et faire sa propre interprétation…

Tof : Parlons du contenu de l’album … Il y a beaucoup de mots dans ta bouche, qu’on imaginerait plutôt dits par un homme. En fait cet album semble s’amuser à inverser les repères …
Maya Barsony : Hmmmm … [Silence] C’est super intéressant ce que tu dis là ! Si je me mets un peu à parler de mon parcours personnel et de mon histoire, il se trouve que j’ai été un vrai garçon manqué et que je me suis même habillée en garçon jusqu’à l’âge de 25 ans … Ca veut dire que je me suis retournée vers ma féminité relativement tard. Et je pense donc que j’ai longtemps eu un système de pensée assez masculin.

Tof : Il faut tout de même oser dire certains textes de cet album. Je pense par exemple à « je vais te réchauffer ton mister freeze » … Est-ce que tu n’as pas été tentée à certains moments, de t’autocensurer ?
Maya Barsony : Tu sais j’ai toujours mis de l’humour dans mes mots, ou de la métaphore, ou de la dérision, donc tant que la forme reste rigolote, et pas vulgaire, je crois que tout peut passer facilement. Pour moi c’est tout naturel, je ne me dis pas « Whaou j’ai osé ». Ca sort un peu de ma bouche, de ma tête, de mon inconscient, je n’ai pas fait de plan, mon travail reste très instinctif … C’est vrai qu’il y a beaucoup d’érotisme et de double sens dans mon travail, mais je ne suis pas responsable de ce que mon inconscient exprime [Rires]

Tof : En écoutant la chanson « Laisse Couler » par exemple, je me suis dit qu’elle ne pourrait jamais passer en radio …
Maya Barsony : Ah oui ? Ben je vais te faire une confidence : A la base, j’ai écrit ce texte il y a très longtemps. C’était un ragga et je le chantais en sound system, dans un milieu quand même assez machiste, où il y a beaucoup de mecs. Si je n’avais pas peur de le chanter à cette époque dans ces conditions, je n’aurais certainement pas peur de le sortir aujourd’hui en single !

Tof : Pour moi en tout cas, ce que tu fais est une réponse fraîche à tout ce que fait la « scène française », de plus en plus ennuyeuse …
Maya Barsony : Merci, mais en même temps ce que je fais n’est pas si nouveau que cela. Quand on voit toute la culture musicale depuis les années 60, 70, et anglophone : tout le monde a toujours parlé de sexe. Il y a eu James Brown, et bien d’autres … En France il y aune espèce de pudeur, presque un tabou, vis-à-vis de ce thème. Pour moi, ça a toujours fait partie de ma vie et de mon univers artistique. J’en parle naturellement, ça sort comme ça. Après je pense que j’ai toujours aussi été un peu à part, mais c’est ça aussi le propre de l’artiste : proposer quelque chose, ne pas faire du … ou faire comme …

Tof : Quelles sont tes références musicales sinon ?
Maya Barsony : Le panel est très éclectique. Je n’aime pas me limiter à une seule musique ou à un seul artiste. Il y a bien sûr Stevie Wonder et la musique black américaine que j’ai beaucoup écouté. Le hip-hop également. Et puis dans les années 80, j’ai beaucoup aimé Guesch Patti, Rita Mitsouko, Niagara, les groupes de filles. Ca m’a sûrement beaucoup influencé oui ! Pour moi le fun et le coté festif sont toujours hyper importants. Les sujets que je traite ne sont pas toujours drôles mais je tiens à ce que la forme et la couleur soient fun… Ca se ressent par exemple dans « Les p’tits boulots » mais aussi dès le premier titre « Chitah ». Un peu comme sous forme de bd :« Jane ou Chitah, pourquoi tu m’ensorcelles comme ça », ça parle tout de même d’une maîtresse qui demande à son mec marié de faire un choix entre sa femme et elle…

Tof : C’est du vécu ou pas ? Ton album est-il autobiographique ?
Maya Barsony : [Rires] Pas toujours, sur le titre « Kil è Bo » il s’agit d’un personnage imaginaire. Je ne me permettrais pas de mettre quelque chose dans le verre d’un garçon ! [Rires]

Tof : Par le passé tu as collaboré avec Bumcello. S’agissait-il d’un groupe ?
Maya Barsony : En fait Bumcello, c’est Vincent Ségal au violoncelle, et Cyril Atef à la batterie, un groupe à eux deux. J’ai travaillé avec eux sur un livre-disque pour les enfants, qui s’appelle « Papa porte une robe ». Ce n’est pas moi qui ai écrit l’histoire, mais je l’ai chantée et j’en ai fait la musique. Bien entendu il y a une double-lecture. C’est une espèce de Cendrillon des temps modernes. L’histoire d’un boxeur qui se prend un coup de trop et qui ne peut plus boxer. Pour gagner de l’argent pour élever son fils, il va devenir transformiste la nuit.

Tof : Est-ce que tu as déjà une vision de qui vient te voir en concert, de qui est ton public ?
Maya Barsony : Et bien il y a un public gay oui, filles et garçons confondus … Pourquoi je ne sais pas… Mais il faut aussi savoir que la toute première télé que j’ai faite c’était sur Pink tv, donc je pense que ça a dû jouer … En même temps les gays représentent souvent l’avant-garde. Ils repèrent les choses avant tout le monde, sont très modernes, moi j’adore ! Je suis super contente parce que je trouve que c’est un public fin ! Et puis tu verras ! mon nouveau clip « Dis-moi Dis-moi » est très très gay-friendly ! [Sourire]

Tof : Matthieu Chédid, qui participe à ton album, avait aussi travaillé avec Bumcello il y a une dizaine d’années. Est-ce que c’est à ce moment là que tu as fait sa connaissance ?
Maya Barsony : Non pas du tout, c’est vrai que je l’ai peut-être croisé à cette période, mais sinon je l’ai vraiment rencontré plus tard. Ca fait tellement longtemps que je suis dans le milieu de la musique, et comme ce milieu est assez petit, on se connaît beaucoup entre musiciens, surtout quand on abeaucoup travaillé avec beaucoup d’entre eux. Matthieu Chédid m’a tout simplement été présenté par mon batteur Maxime Garoute.


Tof : Je suppose que ta rencontre avec Brigitte Fontaine n’est pas nouvelle, puisque tu es la demi-soeur d’Arthur H ?

Maya Barsony : Oui voila, il y a un lien ! Attention, je ne suis surtout pas la fille d’Higelin. Je vois ça beaucoup écrit sur internet et c’est complètement faux. En fait à l’adolescence j’allais souvent voir Areski Belkacem, qui est le mari de Brigitte. Il me filait pas mal de conseils, alors que j’étais une ado assez turbulente.

Tof : Dis-moi, comment c’est de travailler avec Brigitte Fontaine. Est-ce qu’elle crée son personnage de femme un peu barge, comme Salvador Dali a pu se créer une image d’artiste excentrique, ou est-elle comme ça aussi dans la vie de tous les jours ?

Maya Barsony : Et bien ce qui est sûr c’est que comme Salvador Dali, Brigitte est une grande artiste, une grande poétesse, une grande plume. Vraiment c’est une chercheuse et dans le travail elle sait absolument où elle va, comment elle se situe, et pèse très bien ses mots et sa voix. Elle est extrêmement précise dans le travail, à sa manière … Ca veut dire qu’il y a toujours un petit décallage dans l’expression, par rapport à quelqu’un d’autre, évidemment.

Tof : Elle t’a écrit la chanson « Beuglante » … C’est un texte destiné à relativiser le métier de chanteuse ?

Maya Barsony : L’expression vient typiquement de Brigitte. Tu sais dans les chanteuses il y a de tout, plein de types, plein de genres. Cette chanson c’est un peu l’entrée en scène d’une jeune fille. Elle m’a effectivement vu faire mon arrivée il y a dix-huit ans dans des petits cabarets. C’est peut-être lié. Mais entre nous je crois que toutes les chanteuses traversent cette fameuse période « beuglante » … [Sourire]

Tof : Comme fais-tu pour aller si haut dans les aigüs ? Cela vient d’une formation classique ?

Maya Barsony : Non non, je suis autodidacte. Petite fille j’étais vraiment fan de Nina Hagen. J’avais un mange-disques orange et je la mettais en 45 tours, en boucle. J’ai toujours fait ce genre de voix haut perché. Ne dis pas « opéra » parce qu’évidemment si tu en parles à un vrai chanteur d’opéra il va lever les yeux au ciel ! Ca évite de mettre des synthés, ça prend une place instrumentale dans ma musique, et puis c’est un envol … Moi j’aime l’envol comme tu peux le voir sur ma pochette …

Tof : Parlons-en de cette pochette … Ca a dû être toute une histoire pour la réaliser, non ?

Maya Barsony : Beaucoup de courbatures oui ! [Rires] J’ai sauté d’un échaffaudage sur un gros tapis 180 fois dans la journée je crois. C’est très difficile ! Sinon l’idée de le faire nue, j’y ai toujours pensé. En fait j’ai toujours un rapport très naturel au corps et à la nudité. Mon père est peintre et peint des femmes nues depuis toujours. Je trouve que la nudité peut être très belle, très artistique, très esthétique et que ça peut être autre chose que de la provoc. Là j’ai sauté dans le plus simple appareil parce que l’idée c’était un envol naturel total. Au début je devais être cachée par une espèce de montage. Et au final le concepteur de la pochette qui trouvait que ça cassait l’élan, m’a demandé si j’assumerais d’apparaître sans rien autour. Pour moi c’était sans problème, surtout que la photo est magnifique!

Tof : Il y avait tout un aspect ludique sur le net, à base de rébus, autour du lancement de ton disque. C’était ton idée ?

Maya Barsony : C’était ma maison de disque, mais je pense que j’ai définitivement gardé en moi un esprit enfantin. La dernière fois j’ai bu un verre avec un garçon qui m’a dit « mais tu oscilles entre la gamine et la femme fatale » [Gros éclat de Rire]. Bon là je me suis dit que je lui plaisais ! [Rires] Et oui j’ai les deux en moi, et je pense que les deux se ressentent dans ma musique ! Tout le monde n’a pas l’idée de parler de Chitah pour évoquer le thème de la maîtresse flouée, ni même d’utiliser toutes ces onomatopées, ses références aux dessins-animés, et aux films de cow-boys (Ennio Morricone etc …)…

Tof : Ca doit être difficile pour toi de dire à quel moment tu as eu un déclic pour la musique …

Maya Barsony : Oui tout à fait ! On me pose souvent cette question et c’est dur pour moi de répondre parce que je ne me suis jamais décidée à être chanteuse ou à faire de la musique. C’est arrivé tout naturellement lorsque j’étais toute petite. Mais c’est vrai qu’entre Piaf et Nina Hagen, j’avais deux grosses influences.

Tof : Il y a d’ailleurs un petit clin d’oeil à Piaf dans l’album, si on tend bien l’oreille !

Maya Barsony : Oui tout à fait, mais on en dit pas plus, ce sera la surprise pour celui qui achètera le disque [Sourire] Et puis j’interprète une chanson dans la Môme aussi. Je suis même en interview dans les bonus du DVD…

Tof : Est-ce qu’on peut dire que ton album est féministe ?

Maya Barsony : Je pense qu’une femme est féministe de nature. De nos jours c’est devenu un sentiment assez naturel. Ca veut dire que je ne revendique pas un féminisme militant, comme on a pu le rencontrer auparavant, je pense que je le suis naturellement et que ça se ressent forcément dans mon disque.

Tof : Peux-tu me dire de quoi parle « l’indien à la tête carrée » ?

Maya Barsony : Je vais t’expliquer mais c’est encore un texte qui laisse libre cours à l’imagination . C’est l’image d’une jeune fille en plein perdition, entre ses guerres, et sa violence, et qui se brûle. Elle rencontre un homme, l’indien à la tête carrée, une image un peu surréaliste, une sorte de Totem, qui arrive pour l’aimer et la sortir de sa colère.


Tof : A quoi fait référence la chanson « Boomerang » ?

Maya Barsony : C’est un texte qui dit qu’il faut accepter ses erreurs et s’en servir pour ne pas les reproduire et évoluer. Moi j’en ai fait beaucoup, et je n’en fais plus du tout ! [Rires]

Tof : As-tu un message pour les internautes de CitéGAY ?
Maya Barsony : Tout simplement : Continuez !

Merci Maya, on te retrouve avec plaisir au Nouveau Casino les 26 Mai, 9 Juin et 23 Juin, ainsi que pour de nombreuses dates dans des festivals à travers la France, jusqu’en Septembre. Merci pour ce moent très sympathique plein de rires et de sourires ! Je te souhaite plein de succès pour la suite !

A voir : http://www.mayabarsony.com/ et http://myspace.com/mayabarsony

La Pompe à Diesel :

Dis-moi dis-moi (avec son dénouement très gay-friendly) :

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