Communique de Presse – 29 mai
2008
La Cour Europenne des Droits de l’Homme autorise la condamnation mort
des sropositifVEs trangerEs
Le 27 mai 2008, la Cour Europenne des Droits de l’Homme (CEDH) a
estim qu’expulser une personne sropositive vers un pays o elle ne pourrait
pas avoir accs aux mdicaments et aux soins n’tait pas contraire aux droits
humains : il ne s’agirait pas, selon l’arrt rendu, d’un traitement humiliant ou dgradant tel que le dfinit l’article 3 de la Convention
Europenne des Droits de l’Homme [1].
Ainsi la Grande-Bretagne pourra
expulser vers l’Ouganda Mme N., ge de 34 ans, et sropositive, atteinte de deux maladies opportunistes lies au VIH
dont le syndrome de Kaposi. Pourtant selon le rapport de l’ONUSIDA paru en 2006,
en Ouganda – o prs de 10% de la population est infecte par le VIH – les
traitements antirtroviraux sont la charge des malades. Les mdicaments eux
seuls cotent au moins 42 dollars par mois dans un pays o le revenu moyen est
de 23 dollars, autant dire que seule une petite partie de la population y a
accs. La probabilit pour que Mme N. ait accs des soins adapts en Ouganda
est donc trs faible. En leur absence, les expertises mdicales estiment son
esprance de vie entre un et deux ans.
Ces faits, la Cour les reconnat :
oui, l’accs aux traitements sera alatoire , oui, elle est
promise une mort certaine, mais non, il ne s’agit pas de circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier l’opposition son expulsion.
Plus largement, la Cour considre que
la rduction significative de l’esprance de vie n’est pas en soi suffisante
pour emporter violation de l’article 3 . Comment une dcision qui
limite le temps d’existence d’une personne ne peut-elle pas tre considre
comme un traitement humiliant et dgradant ?
Cette dcision est d’autant plus grave qu’elle provient
de la Grande Chambre, l’instance la plus leve de la CEDH. Ses dcisions ne
peuvent faire l’objet d’appel et cet arrt est dsormais la jurisprudence la
plus haute en Europe pour tous les cas d’expulsion de malades.
La condamnation mort par expulsion
des malades est donc autorise et cautionne par la Cour Europenne des Droits
de l’Homme, cense tre la garante des droits fondamentaux. Il s’agit donc d’un
recul historique pour les malades.
Les motivations de la Cour sont claires : il ne s’agit pas de prserver
les droits fondamentaux mais d’viter de faire peser une charge trop lourde sur les Etats . Derrire cette allgation, il y a le spectre d’une
immigration thrapeutique massive de migrantEs du Sud venant vers le Nord pour
bnficier de soins illimits et
gratuits . Derrire le cynisme de
l’argumentation, la ralit est tout autre.
En France, le droit au sjour pour raisons mdicales
existe depuis 10 ans [2], il protge de
l’expulsion les personnes atteintes de maladies graves et qui ne peuvent se
soigner dans leur pays d’origine et leur accorde un droit au sjour pour suivre
un traitement mdical. Le nombre de demandes de titres de sjour pour soins est
rest stable d’anne en anne et toutes les tudes montrent que l’immense
majorit des personnes qui en bnficient a dcouvert ou a contract sa
pathologie sur le territoire franais [3].
Fond sur des faits errons et des motivations contraires
aux objectifs de la Cour, ce jugement est inacceptable.
Association de malades du sida, nous rejetons ce jugement
scandaleux.
Nous exigeons :
– que
la Grande-Bretagne suspende toute procdure d’expulsion l’encontre de Mme N.
et lui dlivre un titre de sjour pour raisons mdicales,
– que le
gouvernement franais prenne position contre cette expulsion et demande
l’extension du droit au sjour l’ensemble de l’Europe,
– que les
parlementaires europenNEs se mobilisent pour faire rentrer dans le droit
europen les principes d’inexpulsabilit et de rgularisation des trangerEs
malades ne pouvant se soigner dans leur pays.
—–
[1] L’arrt est
consultable sur le site de la CEDH : http://www.echr.coe.int/echr/
[2]
Depuis 1997, grce la mobilisation des associations, dont Act Up-Paris, la loi
garantit en France qu’un malade ne peut lgalement plus tre expuls vers un
pays o il ne pourra obtenir les traitements et le suivi mdical que requiert
son tat de sant.
[3] Cf. le rapport du Comit Mdical pour les
Etrangers (COMEDE) 2007, le rapport de l’ODSE (Observatoire du Droit la Sant
des Etrangers) qui fait le bilan des dix ans du droit au sjour pour soins
(parution le 3 juin 2008)