La cour d’assises du Loiret a condamné hier à cinq ans de prison avec sursis Christelle Grard, 39 ans, pour la contamination par le Vih de son mari avec qui elle est aujourd’hui divorcée. L’avocate générale, Jocelyne Amouroux, avait requis six à huit ans de prison ferme tout en laissant la possibilité à la cour d’assortir la peine d’un sursis, auquel cas le maximum de la peine ne pouvait excéder cinq ans. L’accusée qui encourait 15 ans de réclusion criminelle, a indiqué qu’elle ne ferait pas appel.
Poursuivie pour «administration de substance nuisible par conjoint ou concubin suivie de mutilation ou infirmité permanente», Christelle Grard a accueilli avec soulagement cette peine avec sursis, tout en la déplorant. Ce verdict orléanais la laisse libre de ses mouvements et lui permet de conserver la garde de son fils, aujourd’hui âgé de 11 ans, né de cette union et qui est séronégatif. Elle a maintenu ses déclarations pendant les audiences, assurant que son mari connaissait sa séropositivité et qu’ils avaient eu de manière consentie des rapports sexuels non protégés, point contredit par l’ancien compagnon et par l’accusation qui ont avancé que Christelle Grard avait délibérément caché sa séropositivité.
Les rares procès qui ont eu lieu dans le cas de contaminations au Vih étaient correctionnalisés. Un tel procès devant une cour d’assises était une première en France.
«A aucun moment, on ne répare un drame par une injustice. Le doute doit bénéficier à ma cliente, rongée par la maladie et par la haine d’être considérée comme responsable», avait plaidé Me Georges Rimondi, défenseur de l’accusée. Pour l’avocat, le verdict est «un jugement de Salomon. La pénalisation à outrance ne va pas dans le sens de la prévention», rejoignant sur ce point les associations, notamment Act Up, très active sur le sujet.
De manière surprenante, le parquet avait écarté l’argument de l’incertitude scientifique que la transmission ait eu lieu au sein même du couple, rejet revenant à ne pas faire bénéficier le bénéfice du doute à l’accusée : «Si vous exigez une preuve virale absolue que vous n’aurez pas, cela veut dire que l’on peut arrêter de poursuivre ce type de comportement devant la justice» déclarait aux jurés l’avocate générale.
Pour Act Up, «Il n’y a ni coupable, ni victime lors de la transmission du sida par voie sexuelle. Il y a un virus qu’il faut combattre». En prélude à la Journée mondiale de lutte contre le Sida, l’association a rappelé les limites de telles poursuites : «Dans une relation sexuelle, la responsabilité de la prévention est partagée : elle revient également à touTEs les partenaires, quel que soit leur statut sérologique. Criminaliser les séropos est contre-productif : cela renforcera encore la difficulté à dire sa séropositivité et incitera à ne pas se faire dépister. Au contraire, il faut renforcer les campagnes de prévention et combattre les discriminations qui frappent les séropos. On ne se protège pas du sida en mettant les séropos en prison».
Pour sa part, le Conseil National du Sida avait rappelé, dans un avis, le principe de responsabilité partagée, principe heurté frontalement par ce type de décision judiciaire: «Le principe de « responsabilité partagée » soutenu par les acteurs de la santé publique est né du constat que la prévention ne pouvait pas reposer sur les seules personnes infectées. Il fallait pour cela éviter les réactions habituelles en cas d’épidémie, à savoir le rejet violent des personnes atteintes, vues comme responsables de leur état et coupables de la transmission».
Les acteurs de prévention estiment que ces jugements amènent à culpabiliser les séropositifs dans leur ensemble, à distinguer les séropositifs entre eux et à inciter les gens à ne pas se faire dépister.
EN SAVOIR PLUS
Le site d’Act Up Paris : www.actupparis.org.
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