Casino de Paris 29-01-09, Casino de Paris, 20h40 : Une atmosphère d’excitation est palpable mais relativement sereine dans l’enceinte du Casino de Paris, déjà bondé malgré la grève des transports qui vient de marquer ce Jeudi noir. Déjà les nombreux admirateurs prennent place tout en chuchotant, de manière à ne pas perturber le recueillement des retrouvailles avec leur idole . La salle est comble, si bien qu’avec mon invitée, je dois me contenter d’une place au tout dernier rang, bien décidé tout de même à ne pas perdre une miette du spectacle.
Voilà déjà 5 ans que Patricia Kaas ne nous avait pas gratifié d’un nouvel album studio. Pour la première fois elle a décidé de chambouler les attentes, en créant d’abord certains de ses titres directement sur scène, avant la sortie officielle sur support physique. L’ambition affichée est d’offrir bien plus qu’un simple tour de chant, un voyage entre Berlin, Paris et Buenos Aires, autant qu’un télescopage vers une autre époque, marquée elle aussi par une crise historique, celle des années 30 !
21h00 : La salle est enfin plongée dans l’obscurité, et bientôt un décor somptueux, minimaliste noir et blanc, d’inspiration Art Déco et qui pourrait rappeler les paysages à la fois linéaires et tout en profondeur des films Metropolis et Blade Runner, est révélé au public .
Christophe Martin, scénographe de Bob Wilson et également de la fondation Bergé, à conçu cet ensemble la fois majestueux, rétro, et peut-être un peu froid, qu’il a rehaussé de petites touches de couleur, grâce à de savants éclairages.
Pendant que 5 musiciens (clavier, contrebasse, guitare, btterie, violon) prennent place dans l’obscurité, un générique défile sur le grand écran géant placé juste derrière eux, totalement intégré au décor, exactement comme s’il s’agissait de la toile d’un de ces anciens cinémas qui diffusaient des films muets, accompagnés d’un orchestre qui en créait simultanément la bande son.
La voix-off langoureuse résonne, celle de Patricia Kaas, tout en sensualité :
« Bienvenue dans mon Kabaret, un spectacle dans lequel j’ai voulu rendre hommage aux années 30 et à la femme ».
La jeune femme apparaît alors triomphante, plus sensuelle que jamais, chaleureuse, généreuse, et nous entraîne dans une véritable faille spatio-temporelle, totalement enivrante .
Jamais durant un spectacle elle n’aura autant fait la part belle à la danse, évoluant sur un immense échiquier de la vie, et chantant devant ses musiciens, au pied d’un escalier élancé vers l’inconnu, à la fois réel coté scène, et irréel, par son aspect interminable, comme si le groupe se produisait au pied de l’Olympe.
Le cabaret de Patricia s’écrit avec un K, à l’allemande, et bien sûr comme son initiale, qui se décline en grand et à de nombreuses reprises sur l’écran.
Au menu : 20 chansons classieuses qui ne souffriront d’aucune fausse note, comprenant la plupart des succès qui ont jalonné sa carrière, dont la majorité a été signée par Jean-Jacques Goldman, plus de véritables bijoux issus de son nouvel album. Le spectacle prend ainsi des allures de rétrospective et de retour aux sources.
Non seulement le spectacle comprend de nombreux clins d’oeil cinématographiques, avec notamment des arrangements classiques ou un très bel hommage à Bardot, mais il s’enrichit également des accents électro festif de Caravan Palace, et des chorégraphies contemporaines de Régis Obadia, ce qui renforce son coté intemporel.
Parmi les nouveaux bijoux que nous offre Patricia, on est instantanément conquis par le titre « Faites entrez les clowns », illustré par un petit film noir et blanc dans lequel, de façon très poétique, se ballade un ballon rouge, en guise de rappel à la réalité, au temps présent. « Une dernière fois » également, nous permet de découvrir un premier titre poignant co-écrit pour la première fois par Patricia elle-même et dédié à sa mère, tout simplement magnifique ! «Chez nous on ne se dit pas je t’aime, c’est pour ça que je chante » murmure-t-elle .
Sur scène comme sur l’affiche du spectacle, la chanteuse se mue en l’une des créatures de la peintre Tamara de Lempicka, à la fois froide sensuelle et mystérieuse, et se dédouble parfois dans un ballet étourdissant, qu’elle exécute avec la talentueuse danseuse Stéphanie Pignon. Chacune des deux femmes devient alors le reflet de l’autre, enlaçant sa partenaire pour de magnifiques tableaux troublants de sensualité féminine. On sent que Patricia a beaucoup travaillé ses mouvements, qui n’ont jamais été aussi fluides, et elle n’hésite par ailleurs jamais à lever la jambe à 180°, démontrant une souplesse à toute épreuve, ou encore à manier la baguette, comme pour ne pas perdre de vue ses débuts de majorette.
De sa voix grave, à la fois conteuse d’histoires et superbe meneuse de revue, elle rend hommage à Garbo, Suzy Solidor, à Marlène et bien d’autres …
Les clips, en noir et blanc, sépia, artificiellement vieillis, mais comportant souvent une touche de couleur, sont à chaque fois de véritables petits court-métrages, oscillant entre burlesque, tendresse, érotisme et émotion.
Je pense notamment au moment fort durant lequel on découvre tout à coup une femme inquiète, torturée et mal à l’aise. Une femme tout simplement à nue, avec ses faiblesses, livrée à son public, sur une ré-orchestration légèrement trip-hop des Hommes qui passent, superbe moment !
22h30 : Après deux rappels, dont le nouveau single « Et s’il fallait le faire ? » choisi pour le prochain concours de l’Eurovision, l’équipe au grand complet salut son public. Les lumières se rallument sur un public conquis, debout, et qui en redemande . La salle était sold out durant tout le mois, mais un rattrapage pour les parisiens, est prévu les 8, 9 et 10 Janvier 2010, toujours au même endroit. En attendant il vous reste à savourer Kabaret en CD, ou à aller applaudir Patricia à l’étranger (pourquoi pas ?) ou en province …