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Etre ou paratre

Il y a quelques jours, j’ai eu la chance de retourner voir Jean Quentin Chatelain la dernire de « Ode maritime » texte de Pessoa mise en scne de Claude Rgy.

Je l’avais dcouvert il y a quelques annes dans « Kadish pour un enfant qui ne natra pas » d’Imre Kertesz mis en scne par Jol Jouanneau, puis dans « Mars » de Fritz Zorn, un de mes livres prfrs. a avait t un choc! Un lectrochoc mme.

Voir Jean Quentin Chtelain sur scne est toujours une exprience hallucinante. Peu, voire pas connu du tout du grand public, voil un acteur absolument fascinant. Aujourd’hui que n’importe quel illettr peut, grce la « magie » de la tl devenir un people, autant dire une image creuse, une enveloppe vide de sens, a fait du bien de voir un acteur qui est dans l’essence mme de son travail.

Avec J Q Chtelain, c’est chaque mot , chaque virgule, chaque silence qui est donn entendre dans toute son paisseur, sa profondeur.

Le premier mot du spectacle est « seul ». Et ce mot est dit avec une telle force, une telle prsence qu’on l’entend comme une phrase, comme une page. SEUL. Le dsespoir, l’horreur, l’angoisse existentielle, tout est perceptible quand Chatelain prononce ce « seul ».

Puis, pendant prs de deux heures, avant scne, sur un ponton au bord du gouffre de la salle, les mains ouvertes comme on s’offre en sacrifice, il droule avec sa voix unique, sa diction au scalpel, ce texte lyrique et fou.

Habit. Voil ce qu’il est. Investi. Il n’essaye pas de paratre. Il EST.

C’est norme. C’est exceptionnel. Un acteur qui s’offre ce point. Qui fait don de son tre au thtre, aux mots des grands auteurs.

Et a renvoie aux agitations pathtiques et striles de ces gens qui passent la tl et qui n’ont rien d’autre vendre et dfendre que leur pauvre go. Tout l’go!

L’go, a peut tre gnial. Personnellement, je suis toujours fascine par les artistes qui font de leur vie une oeuvre d’art. Qui se rinventent. Qui se mettent en scne. Mais encore faut il avoir une vision, des rfrences, une personnalit particulire.

La tl donne une image tronque et fausse des gens. Le problme c’est qu’elle est considre comme LA rfrence ultime. Le diapason de la vie sociale des artistes et des hommes et femmes politiques.

« Vu la tl » Plus on passe la tl, plus on est crdible. Terrible. La tl donne voir une fausse ralit, et ce qu’on appelle « tl ralit » est videmment un grand « tl mensonge ».

Comme disait Bernard Dimey « Quand on a rien dire et du mal se taire, on atteint les sommets de l’imbcilit » et les prsentateurs stars sont ceux dont l’go et le compte en banque sont le plus inversement proportionnel leur talent!

Heureusement, il y a toujours des artistes qui cherchent aller au plus prs des choses, d’une perception sensible et aigu des rapports humains et sociaux.

Des artistes qui s’offrent corps et me l’Art, la religion de Woody Allen, et la mienne.

Des artistes qui transgressent, transcendent et nous transportent.

Des artistes qui ne sont pas « juste une image », pour paraphraser Jean Luc Godard, mais « une image juste ».

Etre ou paratre, voil la question!

Crdits(photo : Extrait du clip « Crime Parfait » (P.Gauthier / unreel)

Caroline Loeb

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