La musique de Louis-Ronan Choisy m’avait déjà clairement interpellé, au fil de ses trois premiers albums où il expérimentait tour à tour des « pistes » sonores différentes … D’abord chanson française, puis pop orchestrale, et finalement électro torturée. C’était presqu’une trilogie qui aurait pu se finir de façon tragique. A l’époque, avant qu’il tourne dans « Le Refuge », le dernier film de François Ozon, on l’appelait simplement Louis. Surnommé « dandy décadent », ce jeune homme brun au regard particulier, a failli laisser définitivement la musique de côté, mais sa nouvelle expérience de comédien lui a redonné le souffle nécessaire pour créer à nouveau des mélodies imparables, ouatées à souhait, qui sentent bon les embruns et la brise de Bretagne. C’est au café de la musique que nous nous retrouvons pour qu’il me parle de tout sa véritable renaissance, indirectement orchestrée par Mr Ozon …
Tof : Avant sa sortie, tu déclarais à qui voulait bien l’entendre, que ce nouvel album « Rivière de plumes » serait folk … Est-ce que c’est vraiment le cas ?
Louis-Ronan Choisy : En fait c’est surtout un album avec des harmonies plutôt basées sur la guitare. Je voulais un son assez chaud et pour le coup plus du tout d’électro comme sur le précédent, fini le synthé ! On a fait toutes les maquettes avec mon guitariste Fred en voix-guitare. Après on a rajouté les batteries et c’est devenu un peu plus pop.
Tof : J’imagine que cette fois tu as procédé d’une autre manière que pour « Les Enfants du siècle » , fait en home studio …
Louis-Ronan Choisy : Là a d’abord travaillé l’abum à deux avec mon guitariste, qui n’était pas enregistré sur l’album précédent. Ensuite j’ai beaucoup plus travaillé moi-même. Si tu veux sur mes 3 autres albums c’était quelqu’un d’autre qui se chargeait de la réalisation, et là tout était sur mon ordinateur et c’est vraiment moi qui ai fait les montages et qui ai pris les choses en mains… Je me suis acheté un pré-ampli pour faire mes voix à la maison, le bassiste est venu chez moi, et le percussionniste aussi. En revanche je suis allé dans un gros studio pour faire les batteries, et puis pour avoir une profondeur et ce côté super chaud. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai souvent besoin de faire plusieurs fois mes voix à la maison, pour qu’à un moment il y en ait une qui soit bonne. Alors qu’en studio j’ai souvent un mauvais résultat.
Tof : On peut dire que cet album est plus inspiré par l’univers de Léonard Cohen ?
Louis-Ronan Choisy : Du point de vue de l’écriture je ne pense pas. Peut-être plus du côté de la musique. Cohen ou Dylan ou vraiment la pop américaine pur jus, ce sont vraiment des harmonies et des chansons conçues à la guitare. Je pense que ça se ressent aussi dans cet album, où la star c’est vraiment la guitare, alors que dans le deuxième c’était plutôt l’orchestre, et dans le troisième c’était l’électro des machines.
Tof : Il faut maintenant t’appeler Louis-Ronan Choisy alors qu’avant on te connaissait juste sous le nom « Louis »… Faut-il en déduire que tu as décidé de te dévoiler un peu plus ?
Louis-Ronan Choisy : Je ne sais pas, tu sais personne ne m’appelle Louis-Ronan. « Louis » c’est peut-être même plus intime en fin de compte ! En fait au début quand j’avais choisi de me faire appeler comme ça parce que ça me faisait penser à Nico, du Velvet Underground. Et puis j’ai fait mes débuts pour la première fois en tant que comédien dans le film de François Ozon « Le Refuge », et François m’a demandé ce qu’il devait utiliser comme nom pour le générique. Je trouvais que juste « Louis » ça faisait un peu bizarre. Autant dans le milieu de la chanson ça peut marcher, autant dans le cinéma je trouvais ça un peu déplacé. Après je n’imaginais pas m’appeler Louis en tant que chanteur et Louis-Ronan Choisy en tant qu’acteur. Il fallait forcément choisir …
Tof : La rencontre avec François Ozon, s’est faite aussi simplement que tu le dis ? Il t’a juste proposé de faire des essais ?
Louis-Ronan Choisy : Oui oui, c’est fou! C’est un miracle [Rires]
Tof : On a dit que le tournage du « Refuge » avait été très éprouvant pour toi, au point que tu ne savais plus jouer du piano …
Louis-Ronan Choisy : Oui, en fait au début je devais finir mon album pendant le tournage, et puis il a fallu que je fasse la chanson du film, ce qui a été super compliqué. Tout d’abord je m’étais mis une grosse pression parce que je ne voulais surtout pas me planter. L’exercice n’était pas évident: François (Ozon) m’avait demandé une berceuse et quelque chose d’assez enfantin. Il faut dire que je trouve que souvent les chansons dans les films, ce n’est pas quelque chose de très heureux, ça arrive un peu comme un cheveu dans la soupe, et je voulais éviter ça. Je ne voulais pas que ce soit neuneu, surtout dans un film de François Ozon qui en général fait des films qui sont tout sauf naïfs … Déjà en soi c’était difficile, et en plus je m’étais donné comme challenge, de l’écrire pendant le tournage. Ca n’a pas loupé, à la fin de la journée j’étais complètement crevé ! Le piano me semblait quelque chose de complètement étranger et j’étais carrément ailleurs. J’essayais vraiment de faire bien mon boulot d’acteur, du coup après la musique c’était vraiment super compliqué ! On a même du déplacer la scène où je chante « le Refuge » d’une dizaine de jours. François (Ozon) venait écouter régulièrement, Isabelle (Carré) aussi. Ils me disaient quand c’était joli et donc ça me rassurait.
Tof : Est-ce que le travail de comédien est conforme à ce que tu imaginais ?
Louis-Ronan Choisy : Non pas du tout ! Je pensais que c’était beaucoup plus extérieur, plus superficiel … Après je pense aussi qu’il y a une grosse différence entre les comédiens de cinéma et les comédiens de théâtre. Au cinéma c’est beaucoup plus intime. Tu pars vraiment de toi, de ton histoire personnelle, pour créer un personnage. Après tu la transfères au personnage du film. J’ai l’impression que c’est moins le cas pour des acteurs de théâtre, parce que là c’est beaucoup plus le texte qui porte les personnages. Au cinéma c’est plus « toi » qui porte le texte et j’ai remarqué que la caméra filme énormément ce qui se passe à l’intérieur. En fait, je ne pensais pas que les émotions et les échanges étaient si vécus, que c’était si fort. Du coup ça ne m’étonne pas du tout quand on parle de ces acteurs qui se sont perdus dans le cinéma, comme par exemple Patrick Dewaere. Et je comprends maintenant pourquoi les acteurs sont si protégés. En fait quand tu es acteur tu es obligé de t’ « ouvrir à 100% », d’être en « mode réception » tout le temps. J’imagine même que si un réalisateur dit un truc vraiment claquant à un acteur, il peut carrément le tuer. Sinon on ne peut pas dire non plus de l’expérience qu’elle a été destabilisante.
Tof : Tu veux aussi dire qu’à travers ce rôle on apprend des choses sur toi ?
Louis-Ronan Choisy : Oui. C’est-à-dire que je me sers souvent d’expériences personnelles comme base, et après je bifurque pour aller vers la scène du film. Quelquefois ce processus fait ressortir des événements qui te sont arrivés, plus ou moins agréables, et c’est facile de se laisser dépasser.
Tof : Peut-être une expérience pas très plaisante alors ?
Louis-Ronan Choisy : Ah si ! Si si, c’est super, j’adore ! Mais ma ligne directrice reste la musique. Après si j’ai des beaux films qui me sont proposés j’y vais à fond !
Tof : J’en déduis que tu n’es pas séduit par le théâtre …
Louis-Ronan Choisy : Pas du tout … En fait après le film, j’ai pris des cours et j’ai justement rencontré des comédiens de théâtre. J’ai l’impression que dans ce domaine c’est vraiment beaucoup de technique, pour tout dire complètement un autre métier, plus inaccessible. Il me semble en plus que l’apprentissage de celui-ci et beaucoup plus long. En fait je me sens tout simplement plus proche du cinéma.
Tof : Et le fait de jouer précisément un homosexuel … ?
Louis-Ronan Choisy : Tu sais c’était presqu’anecdotique, et c’est ça qui était joli je trouve … « And so what ? » … Enfin tu vois ce que je veux dire … Ce que je trouve bien dans ce film, c’est que c’est l’histoire de Paul, avant d’être celle d’un homo. En tout cas je ne le vois pas comme ça et je ne l’ai pas joué comme ça …
Tof : Qu’est-ce qui a fait que François Ozon te voulait toi et pas un autre pour ce rôle ?
Louis-Ronan Choisy : Déjà il ne voulait pas un comédien professionnel car le personnage de Paul a vraiment quelque chose de pur, de vierge, de fragile, et même une certaine maladresse. En n’êtant pas acteur j’amenais forcément quelque chose de frais, surtout au début, où ça fonctionnait pas mal avec le scénario.
Tof : L’écriture du titre « Le Refuge » s’est déroulée sur pas mal de conseils de la part de François Ozon. J’ai cru comprendre aussi qu’il t’avait fait changer ta façon de chanter …
Louis-Ronan Choisy : Non pas ma façon de chanter. Si tu veux j’étais parti sur un schéma couplet-refrain. Il m’a juste conseillé de m’attarder sur le couplet pour que la chanson soit simplifiée et qu’elle devienne plus obsédante, un peu comme une ritournelle. Il ne m’a pas non plus dirigé musicalement car il n’est pas musicien lui-même, même s’ il a une super culture musicale. Par exemple pour te donner une idée, il n’y a pas longtemps j’ai vu « Gouttes d’eau sur pierres brûlantes » avec Bernard Giraudeau, et à la fin on entend « Trauma » , une chanson de Françoise Hardy en allemand.
Tof : Dis-moi on va peut-être aussi parler de cet album « Rivières de plumes » … Finalement il a été fait avant, après ou pendant le film ?
Louis-Ronan Choisy : Avant et après ! Et donc forcément avec l’influence du film … Je ne pensais pas que ça me marquerait à ce point, mais ça va même jusqu’au visuel du disque. Quand tu le mets à côté de l’affiche du film, tu te dis qu’il y a vraiment quelque chose ! [Rires] En fait, ce n’était pas voulu au début, moi je voulais juste qu’il y ait la mer … Au niveau de la musique on peut dire qu’il y a un côté doux qui se retrouve à la fois dans le disque et dans le film … Mais ça je le voulais déjà avant de tourner … Il fallait quelque chose de très dépouillé, de très chaud. Pour ça j’ai travaillé dans un studio que j’ai adoré parce que j’y ai trouvé des vieux orgues seventies, et des vieux pré-amplis.
Tof : On entend même un son de craquement de vinyle par moment … J’imagine que tu as une tendresse particulière pour ce support …
Louis-Ronan Choisy : Non pas particulièrement, mais c’est vrai que du point de vue du son il y a quand même des choses qui sont vachement belles en vinyle.
Tof : Est-ce que les chansons de cet album ont été la suite logique du titre « Le Refuge »?
Louis-Ronan Choisy : En fait j’ai en permanence plein de chansons en réserve, ou des morceaux de chansons, que je ressors pour chaque album. J’en fais des nouvelles évidemment, mai j’ai toujours une matière première que je retravaille ensuite. Certains titres existaient, d’autres pas. A mon avis cette chanson a plus influencé le reste de l’album au niveau de la réalisation, qu’au niveau de l’écriture … Dans le côté « bois », « organique » de celui-ci je veux dire, et puis en y réfléchissant bien, peut-être un peu dans les thèmes aussi. Parce que cet album traite beaucoup de l’errance, d’une « recherche vers un salut ou un bien-être ». Le troisième album était vraiment sur l’angoisse, avec une peur palpable et une fin comme un tunnel sans fond. Celui-là est plus ouvert, plus aéré… Comme une reconstruction !
Tof : C’est vrai que cet album semble bien plus optimiste. J’ai d’ailleurs été surpris lorsque je t’ai vu très souriant lors des présentations du film …
Louis-Ronan Choisy : [Sourire] Non c’est vrai, ce film m’a franchement aidé. J’ai beaucoup appris rien que du fait de travailler avec Ozon. Le fait de voir comme il gérait son équipe déjà. Il est extrêmement attentionné vis-à-vis des comédiens et fait les choses toujours au bon moment. Tu vois pour l’enregistrement d’un disque il y a aussi toujours un moment où le musicien est prêt plus qu’à un autre. Pendant ce laps de temps si les micros ne sont pas nickels, si le son peut être meilleur, c’est pas grave, du moment que le musicien est dedans. Dans le cinéma de François Ozon c’est pareil ! J’ai pu aussi comparer les montages dans le domaine de la musique avec la façon qu’il a de s’amuser avec les images et les matières. Comment il « jonglait » avec son film pour tendre vers la simplicité, l’efficacité, avec toujours l’objectif d’aller vers l’essence des choses, sans hésiter à virer le superflu. Moi ça m’a aussi aidé pour les montages et la construction des chansons. Sur un autre plan ce film m’a redonné énormément confiance en moi. Le troisième album « Les enfants du siècle » n’ayant pas marché commercialement, j’étais un peu sonné…
Tof : Chanter avec Isabelle Carré, qui n’est à la base pas chanteuse, ça a été facile ?
Louis-Ronan Choisy : Assez oui. On a fait une répétition d’une demi-heure et ensuite elle est passée au studio. Tout c’est donc passé en une heure. La chanson était à sa tonalité, ce qui était chouette. Après je lui ai juste dit de ne pas chanter fort, d’essayer de prendre le même plaisir que quand elle joue. Il fallait se laisser aller, s’enfoncer comme quand on s’enfonce dans le sable … Tout simplement !
Tof : « Quand j’irai voir Dieu » , la chanson qui ouvre l’album, est en fait une adaptation assez libre du tube « Just A Friend Of Mine » de « Vaya Con Dios » un groupe des années 80 …
Louis-Ronan Choisy : Ce qui est marrant c’est que j’ai écrite cette chanson sans y penser, et c’est un ami, qui m’a dit que ça lui faisait penser à un truc. Je ne l’avais pas voulu en fait … C’est pas du tout une chanson qui a une valeur particulière pour moi. J’ai dû l’entendre à la radio comme tout le monde et apparemment c’est ressorti inconsciemment !
Tof : Pareil, « La rencontre », dernière chanson de l’album, est une adaptation de « Death Of A Ladies’ Man », de Phil Spector et Léonard Cohen, . J’imagine que cette fois c’était voulu …
Louis-Ronan Choisy : Pas vraiment non plus, en fait j’étais en train d’écouter cette chanson et puis j’ai eu des images qui me sont venues. C’était une période où je m’intéressais beaucoup à l’alchimie et la kabbale. Cette chanson est vraiment inspirée d’un traité alchimique du 11ème siècle qui s’appelle « Corpus hermeticum ». C’est vachement beau. Ca parle de Dieu, ou en tout cas du créateur. C’est le principe actif masculin, qui tombe amoureux de sa création ,et comme il « est » sa création, il est obligé de perdre sa perfection pour pouvoir s’en détacher et l’embrasser. En gros il plonge dedans et à la fin il n’arrive plus à s’en sortir. Je trouve que c’est un peu l’histoire de la chute de l’homme … C’est symbolique mais la chanson parle de ça. En sommes, ce sont des « spéculations sur la création » ! [Rires]
Tof : Revenons sur le visuel de l’album, qui rappelle aussi un tableau de Gaspard David Friedrich …
Louis Ronan-Choisy : Oui enfin je l’ai vu après aussi … C’est une idée qui vient d’un de mes amis auteur de théâtre en fait. J’aime bien quand des auteurs ou des compositeurs externes mettent leur grain de sel dans mes albums parce que ça leur donne un nouveau souffle, ça les rend plus riche. On a trouvé un terrain d’entente lorsque je lui ai parlé du thème de l’album qui était l’errance, la recherche etc … C’est vrai que dans les peintures de Friedrich il y a toujours un homme qui a l’air complètement perdu dans une immensité. Il y a toujours une volonté d’atteindre l’immensité ou de se fondre à elle, et puis c’est très mélancolique. Ca correspondait bien avec l’esprit du disque. Pour la pochette moi je voulais juste qu’il y ait la mer et cette lumière laiteuse du matin. On s’est d’ailleurs levé à 6 heures du matin pour faire la photo ! Pour ça j’ai voulu travailler avec un ancien ami photographe que j’ai connu il y a 15 ans et qui a fait un reportage sur l’adolescence dans mon lycée. Ca faisait super longtemps que je voulais trouver l’occasion de bosser avec lui et c’était le moment. Comme moi il est breton et j’aimais beaucoup ses dernières photos, très concentrées sur la terre, les minéraux, la neige aussi … Il rendait la matière très spirituelle.
Tof : Je trouve que les idées de mort et du temps qui passe sont toujours présentes dans cet album. Est-ce que tes angoisses ont changé ?
Louis-Ronan Choisy : Alors disons que j’ai peut-être moins la tête dans le guidon. Peut-être que je prends moins tout ça en pleines tripes ! [Rires] C’est l’âge peut-être ? Enfin, c’est sûr que j’ai plus de recul et c’est tant mieux … En fait, il faut dire que je ne pouvais pas aller plus loin que dans le 3ème album. Pour être franc ça aurait été le suicide. C’était quand même un album qui se terminait par la folie, et le fait qu’il n’ait pas eu beaucoup d’écoute, m’avait quand même beaucoup touché. Il faut dire que j’avais vraiment tout mis dans cet album ! Ca a été une période de merde on peut le dire ! Je ne pouvais vraiment pas aller plus loin dans ce trip « ventre ouvert ». J’étais tout simplement allé au bout du bout . C’est pour ça qu’il fallait que ce nouvel album soit autre chose et qu’il ne pouvait qu’aller vers quelque chose de plus lumineux …
Tof : Je ne sais pas si tu vas être d’accord mais je trouve qu’il y a un côté « Etienne Daho » dans ce nouveau disque … En particulier sur le titre « Les Flocons dans l’eau »
Louis-Ronan Choisy : Il te fait penser à « Duel au soleil » c’est ça ? Oui, c’est du Fa septième majeur, mi …(?) Mais moi il me fait plutôt penser au « Space Oddity » de Bowie. Mais tu sais c’est des harmonies de bossa tout ça en fait …
Tof : Il n’y a plus beaucoup de violons dans « Rivière de plumes » ….
Louis-Ronan Choisy : Il y en a quand même sur « La Rencontre » et « Le funambule » même s’ils sont un peu en retrait … Mais encore une fois je voulais vraiment que cet album soit épuré au maximum…
Tof : Et puis alors « Le mépris », c’est quand même une chanson terrible sur la rupture ! C’est très cruel même …
Louis-Ronan Choisy : Ha oui j’adore… Mais tu sais c’est un peu le même esprit que « Mon bel assassin », qui apparaissait sur l’album précédent … C’est chanté et c’est écrit comme une chanson d’amour, c’est charnel, et en fait il y en a une qui parle d’assassin et l’autre qui parle de mépris dans tout ce que ça a de plus dégueulasse !
Tof : « Copenhague » a été choisi comme deuxième single, et parle une fois de plus de mort …
Louis-Ronan Choisy : Oui mais il ne faut pas la prendre au premier degré. Ce gars avec sa dague, c’est presque ridicule ! Ce n’est pas ma chanson préférée de l’album, pas mon meilleur texte, mais je trouve qu’elle est fraîche, pop et sympatique. Les paroles ne sont pas du niveau du « mépris » , c’est sûr …
Tof : A la fois dans le film et dans le disque il y a la mer qui est très présente … Pourquoi ?
Louis-Ronan Choisy : En fait quand j’étais petit je passais toutes mes vacances en Bretagne et dans le Morbihan. La mer, ça veut dire pour moi l’infini, et puis il y a un côté miroir, un côté maternel aussi. Il y a peut-être aussi l’idée de « se laver » , la pureté quoi …
Tof : Didier Varrod, qui a écrit sur cet album, dit que si celui-ci était un film, il serait « Into The wild » … La comparaison te convient ?
Louis-Ronan Choisy : Tout à fait oui ! C’est vrai qu’avec ce disque j’ai l’impression d’avoir pris un nouveau départ. Ca peut paraître con mais déjà le fait de m’être acheté du matériel et d’être indépendant du point de vue artistique, de vraiment diriger les choses, même si là Fred (le guitariste de Louis; Ndlr) m’a vachement aidé, ça veut dire grand chose …
Tof : On a l’impression que tu parles de l’album et du film comme si ceux-ci t’avaient sauvé …
Louis-Ronan Choisy : Mais c’est sûr … Je ne sais pas si sans le film j’aurais eu la force de refaire un album. En tout cas je ne sais pas quelle tête il aurait eu … Ca aurait pu être très bien mais je n’en ai aucune idée. En tout cas ça m’a pris du temps … J’aurais eu des doutes. La confiance est hyper importante, et moi je sais que si je ne l’ai pas, si je n’ai pas « la flamme » je ne peux rien faire … Le film m’a boosté et m’a vachement redonné cette confiance que j’avais perdue. Le fait d’avoir de nouvelles émotions grâce à lui, de voir ce qui se passe ailleurs, au-delà de la musique, ça m’a fait du bien, ça m’a aéré la tête. Voir travailler François Ozon et Isabelle Carré aussi …
Tof : Tu as eu d’autres propositions côté ciné ?
Louis-Ronan Choisy: Et bien j’ai fait un autre film en Septembre qui doit sortir en Eté, et qui est signé Michael Hertz. Je ne l’ai pas vu mais j’ai eu des échos de quelques personnes qui m’ont dit que c’était très beau. C’est un film qui parle de l’ « entre deux » , du passage de l’adolescence à l’âge adulte, un film choral où plusieurs histoires se chevauchent, l’histoire d’un groupe d’amis.
Tof : Le travail sur la musique de films, c’était aussi une première fois pour toi …
Louis-Ronan Choisy : Oui. Là je pense que c’était vraiment exceptionnel parce qu’habituellement François Ozon bosse avec Philippe Romby et je pense qu’il va continuer de travailler avec lui. Là ce qui était intéressant c’est que j’étais vraiment impliqué dans le film également en tant que comédien. Le film a été fait avec peu de moyens, très simple avec beaucoup de plans fixes, c’est quelque chose qu’on retrouve aussi dans la musique … En fait François m’a demandé des harmonies exprès pour lui, à partir de ma chanson « Le Refuge » … Je me suis un peu retrouvé à faire la musique complète du film, sans vraiment m’en apercevoir …
Tof : Tu pourrais le refaire ?
Louis-Ronan Choisy : Disons que c’est vraiment intéressant mais que c’est un autre métier … Là ce que j’ai fait n’a finalement pas les caractéristiques d’une vraie musique de film. C’est quelque chose d’assez simple qui fonctionne bien avec celui-ci, mais je veux dire qu’il n’y a pas les envolées lyriques habituelles par exemple. En fait lorsque tu fais la BO d’un film tu es vraiment au service d’un projet, au service de l’image et de l’idée de quelqu’un. C’est très différent de la composition d’une chanson, où tu es vraiment le capitaine du navire.
Tof : J’oubliais de parler de la chanson « L’homme de cire », qui parle du temps qui passe, auquel je suis également très sensible. Voir les autres vieillir autour de soi, ça fait mal en fait …
Louis-Ronan Choisy : [Rire] Ha oui toi aussi ? Moi je sais que la solution c’est de faire un maximum de choses. Ca peut être débile mais laisser des traces, c’est une façon de se rassurer. Moi c’est pour ça que je bosse comme un taré … Ce qui me fait surtout flipper c’est de perdre mon temps , donc j’essaie de faire plein de choses. De toutes façons l’immortalité ça peut faire peur aussi, c’est le cauchemar !
Tof : Avec tes nouveaux concerts et cet album, tu es clairement dans un trip plus intimiste, voire acoustique. Est-ce qu’à l’avenir tu pourrais revenir à un son plus électro ?
Louis-Ronan Choisy : Je pourrais y revenir mais je pense que cette fois ce serait plus minimaliste et plus trash … Plus sale ! Moins new-wave, moins rond … Plus punk !
Tof : Une dernière question pour conclure : Je me souviens de ta reprise jazzy de « Music », de Madonna, très surprenante sur scène. Tu nous en réserves d’autres comme ça ?
Louis-Ronan Choisy : Ouais ! J’en ai une autre en réserve, mais je n’en dis pas plus … Ca va être vachement bien ! Un peu dans le même esprit d’ailleurs …
Merci pour cet entretien très instructif, à la fois sur ta façon de concevoir la musique et ton expérience au cinéma, qui on l’espère va se renouveller encore et encore. Nous ne manquerons pas de suivre tes prochaines apparitions sur scène, avec des prestations toujours pleines de surprises, où tu échanges beaucoup avec ton public … A bientôt et encore bravo pour ce nouveau départ !
EN SAVOIR PLUS : http://www.louisronanchoisy.com/
http://www.myspace.com/louisronanchoisy
VIDEO PLUS : Le Refuge (Louis-Ronan Choisy et Isabelle Carré)
Crédits photos : Bertrand Desprez