La forme ? C’est un avis conjoint du Conseil national du sida (CNS) et de la Conférence nationale de santé. Le fond? Les orientations stratégiques des autorités publiques pour le futur plan VIH-sida-IST dont les actions doivent s’étendre de 2010 à 2014. L’enjeu ? L’éradication possible de l’épidémie ou tout du moins la baisse significative du nombre de transmissions, la hausse des découvertes de séropositivités non diagnostiquées, l’augmentation des prises en charges médicales et la baisse des décès incidents. L’avis rendu ? Très «sévère», «En l’état du projet, le plan national 2010-2014 ne définit pas une politique publique efficace face aux défis actuels de la lutte contre le VIH et les IST».
AVIS PUBLICS ET RECOMMANDATIONS EXPERTES NON PRISES EN COMPTE
Il y a quelques mois, dans son dernier rapport annuel, la Cour des Comptes publiait des conclusions sans appel : «il appartient à l’État de renforcer la prévention et le dépistage du VIH. L’ignorance de leur état de séropositivité par plusieurs dizaines de milliers de personnes, la propagation de l’épidémie qui en résulte, le coût élevé des traitements pour l’assurance maladie et leur caractère pénible pour les patients militent pour une politique plus active en ces deux domaines».
Les magistrats de la rue Cambon, pourtant prompts à vilipender la dépense publique, dénonçaient le manque de fonds dédiés à la lutte contre l’épidémie. Ils relevaient que pour une prise en charge sanitaire du VIH en 2007 de 1,1 milliard d’euros pour le seul régime général de l’Assurance maladie, le montant des dépenses de prévention est resté dans le même temps à seulement 54 millions d’euros. Ce fait était également souligné par Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de la recherche sur le sida et les hépatites (ANRS), qui dénonçait à la veille du Sidaction la «quasi-faillite» de l’agence et l’indigence de la recherche sur le Sida en France.
Mais les avis ne sont pas restés au seul niveau comptable. Après l’avis de la Haute Autorité de Santé préconisant la généralisation du dépistage, aucune mesure n’a été prise pour l’heure par le ministère sauf celle à financer des projets de recherches biomédicales sur les Tests à Dépistage Rapide (TDR). Egalement, le rapport Lert-Pialoux sur la Prévention et réduction des risques dans les groupes à haut risque vis-à-vis du VIH et des IST et qui contient un nombre important de recommandations n’était pour l’heure pas suivi d’effets ni d’annonces. Les associations s’alarmaient également de la position française concernant les accords internationaux sur les médicaments génériques comme sur le financement du Fond mondial de lutte contre le Sida.
Aussi, associations, scientifiques et experts attendaient un projet ambitieux mais le document de synthèse qui leur a été remis révèle un projet de plan national 2010-2014 qui tient du «plan-plan», de la redite de paradigmes préventifs dépassés et sans ambition face aux défis actuels et aux données scientifiques.
UN CONSTAT «SEVERE» FACE A L’ABSENCE DE LEADERSHIP POLITIQUE
Pourtant, le pari était double pour les autorités. D’une part, au niveau individuel, diminuer le nombre de personnes ignorant leur séropositivité et faciliter leur prise en charge médicale et optimiser ainsi leurs traitements. D’autre part, et d’un point de vue collectif cette fois, cette prise en charge thérapeutique vise à ce que ces personnes prises en charge n’exposent plus leurs partenaires du fait de leur ignorance et voient leurs charges virales diminuer, l’absence de charge virale détectable étant l’un des facteurs pour lequel on estime que le risque de contamination est potentiellement faible. Avec cette double ambition, le taux de prévalence au VIH-sida en France peut diminuer comme le nombre de nouvelles contaminations. De plus, les études coût-efficacité montrent que dépistage généralisé, prises en charge précoces et baisse du taux d’incidence se révèlent à court terme plus rentables que de rester dans un dispositif préventif a minima.
Plaidant pour «un véritable changement de paradigme et d’échelle en matière de stratégie de dépistage», le Conseil national du sida et la Conférence nationale de santé dénoncent un projet de plan a minima et partiel alors que de 40 à 50.000 personnes ignorent leur séropositivité. Si le projet ministériel reprend l’idée d’un dépistage annuel proposé aux homosexuels, usagers de drogue par injection et aux habitants de Guyane où la prévalence est forte, rien n’est prévu pour la population générale où le dépistage est faible, comme pour les prostitués ou les partenaires de personnes infectées. Pourtant, «Chaque année de retard supplémentaire dans la mise en oeuvre d’un système de dépistage plus performant est synonyme de nouvelles contaminations, de complications au décours de l’infection et de décès prématurés qu’un dépistage et une prise en charge plus précoces auraient permis d’éviter» rappellent les deux instances. Egalement, le projet de plan ne fait qu’énumérer les axes de prévention. «Le document élude l’enjeu» estiment-elles encore.
Au niveau international, «l’effondrement» du leadership de la France est acté ? Enfin, la gouvernance du plan d’action proposée par le ministère est floue et ne garantie pas son effectivité.
En France, la prévalence était estimée fin 2008 entre 135 000 et 170 000 personnes infectées. Le nombre de nouvelles contaminations est estimé entre 7000 et 8000 par an. Le nombre de personnes infectées qui ignorent leur statut sérologique tend à augmenter régulièrement et tourne aux alentours de 50 000 et 50 % des personnes dépistées sont en situation de retard au diagnostic et à la mise au traitement.
Au final, les deux instances estiment «indispensable» une révision en profondeur du projet de plan.
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