Antonio Caldara est né à Venise en 1671, dans une famille de violonistes. Comme beaucoup de musiciens talentueux de son époque, il fût rapidement invité à se rendre auprès des Cours européennes, Mantoue, Rome, Paris, Vienne enfin, où il se fixa, comme maître de chapelle de Charles VI.
Caldara composa près de 3000 pièces, dans à peu près tous les domaines. La maigre discographie ne rend guère compte de cette oeuvre très importante, à l’exception de quelques pièces instrumentales et de musique religieuse. Récemment, Max-Emmanuel Cencic et Sandrine Piau ont enregistré plusieurs jolies cantates profanes. Toutefois, sur une production lyrique de près de 90 oeuvres, seule « La Clemenza de Tito » a été gravée au disque, par une maison italienne très confidentielle.
C’est donc avec une vive impatience que j’attendais le récital découverte de Philippe Jaroussky, qui a choisi de se concentrer sur la production lyrique viennoise de Caldara, la plus fertile, celle durant laquelle naquirent ses grands chefs-d’oeuvre. Il est intéressant de noter que les arias sélectionnés, tous inédits, sont extraits d’opéras que Caldara composa sur des livrets écrits spécialement pour lui par le grand Métastase : La Clémence de Titus, Achille in Siria, L’Olimpiade, Demofoonte, Temistocle, Scipione nelle Spagne, Ifigenia in Aulide, Lucio Pappiro dittatore, Enone et Adriano in Siria.
Ce qui frappe d’emblée, à l’écoute de ces airs, est la forte personnalité de l’écriture de Caldara. Subtilité des ruptures rythmiques, usage habile du contrepoint, caractère souvent surprenant des développements mélodiques, Caldara avait du métier, cela s’entend. A défaut d’avoir la partition sous le nez, on ne peut mesurer les parts respectives du compositeur et de l’interprète dans les ornements et les cadences mais, d’emblée, on en perçoit le raffinement et l’originalité.
La pureté du timbre de Jaroussky et la parfaite mesure de son expressivité servent à merveille ces airs, pour la plupart magnifiques (le « Vado, o sposa » extrait d’Enone, est d’une rare beauté), qui ne laissent pour seul regret que celui de ne pouvoir découvrir dans leur intégralité les oeuvres dont ils sont issus. Mais cela viendra, sans nul doute.
On doit enfin mentionner le soin, assez inhabituel pour l’époque, notamment dans ce répertoire bien souvent au service du seul chant, avec lequel Caldara élabore les parties instrumentales. La direction brillante et nerveuse d’Emmanuelle Haim, à la tête du Concerto Köln lui rend pleinement hommage.
JEF pour CitéGAY ( http://jefopera.blogspot.com/ )