Mike Nietomertz,
journaliste et vidéaste de 31 ans (Minorités, PREF mag, pinkTV, HomoMicro, UWM
Post…), publie son premier roman « Des Chiens » aux Editions Gaies et Lesbiennes. Une
écriture incisive voire trash, au service d’une autofiction dont il a bien voulu
parler lors d’une mini-interview…
Tof :
Bonjour Mike, « Des chiens » est le titre de ton roman, et dès
le début on est frappé. On ne peut pas s’empêcher de se demander « Pourquoi ce titre? » et « C’est qui, les
chiens? »
Mike Nietomertz
: En fait, le titre est
un hommage à un auteur que j’aime beaucoup, Hervé Guibert, qui avait
écrit « Les chiens », même si mon clin d’oeil se limite au
titre. Par ailleurs, tout est parti de cette remarque que j’entends souvent chez
les hétéros qui est que « les
gays couchent beaucoup plus que les straights, et que finalement, ils sont un
peu comme des chiens ». Y a
rien de plus révoltant que d’entendre ça ! En même temps, quand on y pense, on
se dit qu’ils ont raison. Quand on voit deux mecs se « renifler » dans un bar ou un club gay, se lécher
le cul et puis finir à quatre pattes l’un derrière l’autre, on se dit qu’on est
pas très éloigné de nos amis à poils et à pattes. On ne gagne rien à se défendre
en disant « on n’est pas des
chiens, on a des sentiments, nous aussi ». Par contre, on peut se demander ce qui
se cache derrière cette obsession qu’ils ont à nous réduire à des animaux, comme
si on marchait à quatre pattes dans le Marais.
Tof : Ton roman est plutôt trash.
Les mots sont crus, les situations décrites a minima, les personnages sont
plutôt haut-en-couleurs, et on se laisse souvent surprendre par la richesse des
émotions qui les traversent et nous submergent. Bien que ce soit un « roman », et étant donné que le narrateur
s’appelle « Mike »comme
toi, la question qu’on se pose c’est « Est-ce que les personnages
existent vraiment ? Est-ce que ce roman est ta
vie? »
Mike Nietomertz
: En vérité, ce roman est
moins un récit imaginaire que l’exposition d’une réalité travestie. Bien sûr, on
s’inspire toujours un peu de ce que l’on connaît, mais de ce que l’on fantasme
aussi. J’ai vécu certaines des situations décrites, d’autres m’ont été
rapportées. Dans le fond, ces situations ne sont pas extraordinaires, elles sont
même plutôt banales. Ce qui l’est moins, c’est la façon dont réagissent mes
personnages, et c’est pour cela que le roman à l’air cru. A chaud et sans
fard, ils disent ce qu’ils ont sur le coeur sans prendre de gants. C’est le
récit de plusieurs vies qui s’entrechoquent. Ça aurait pu être la tienne, et
c’est peut-être la mienne.Ce qui compte n’est pas tant de savoir si c’est vrai
ou pas, mais plutôt de se laisser emporter dans leurs vérités à
eux.
Tof : Les trois personnages
principaux de « Des Chiens »,
justement, sont à la recherche de l’amour, et chacun s’y prend très
différemment. On a même l’impression qu’il n’y a que ça qui compte dans leur
vie, est-ce que tu imagines l’homosexualité comme une recherche éperdue de
l’amour?
Mike Nietomertz
: Spontanément, j’ai
envie de répondre« évidemment ». L’homosexualité ne saurait être
réduite à une pratique sexuelle, comme ça a été le cas par le passé. Si ce
n’était qu’une histoire de cul, on pourrait tous coucher indifféremment avec une
homme ou une femme et personne ne s’en offusquerait. Le truc, dans
l’homosexualité, c’est que la sexualité est dépassée par des sentiments. Ce sont
ces sentiments qui font passer cette pratique sexuelle à autre chose que
simplement un trip du moment ou une envie passagère, voire même un besoin de
reproduction de l’espèce. C’est ça qui dérange la société aussi. Un personnage
du roman le dit d’ailleurs : « je sais que l’amour est
important, je sais même que l’amour, c’est la seule preuve que
l’homosexualité existe ». Et
d’ailleurs pour moi, l’homosexualité, c’est la seule preuve que l’amour
existe.
Tof : Penses-tu que les
homosexuels vivent parfois une confusion entre sexe et sentiments, ou est-ce que
c’est plutôt quelque chose de simplement masculin ?
Différencier le cul de l’Amour, est-ce que c’est aussi simple que ça
?
Mike Nietomertz :
C’est marrant cette façon que l’on a de toujours vouloir distinguer l’amour du
sexe. On se figure que l’amour est un accomplissement de couple, et le sexe une
démarche solitaire et égoïste, particulièrement chez les gays. C’est
parfaitement faux, même si je peux comprendre cette démarche. Dans le fond, pour
vivre l’amour à deux, on doit d’abord l’inventer, et la seule chose qu’on a le
mieux inventé pour le moment, c’est de baiser dans une backroom sombre, sur un
site de cul, etc.., sans un mot, sans aucune attente. C’est sûr qu’on se met
moins en danger, quand on balise le chemin. Pourtant, il ne tient qu’à nous
d’inventer une forme de couple qui nous satisfasse pleinement, et qui,
contrairement aux hétéros, serait détaché des contraintes sociétales ou
reproductives. Il ne tient qu’à nous d’inventer une sexualité différente, qui ne
se réduirait cependant pas à de la baise d’un soir. C’est quand même dingue,
Paris est la capitale Européenne dans laquelle on trouve le plus grand nombre de
cloaques à cul, une quarantaine, je crois. Et pourquoi on se paierait pas une
forme d’amour qui engloberait une sexualité satisfaisante? Personnellement, j’ai
d’abord inversé le système, en considérant que chaque étreinte était une forme
d’amour nouvelle, différente, peu engageante, mais tellement révolutionnaire,
ouverte, pleine de promesses, parce que je n’ai pas envie de choisir entre amour
et sexe, entre la solitude et l’abstinence. Ce qui me semble le plus important,
c’est de ne jamais oublier que tout reste à inventer.
de couverture, on apprend que tu es Argentin exilé à Berlin, et que tu
travailles sur le nihilisme romantique et le romantisme nihiliste de ta
génération. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur tes origines et sur
le sujet sur lequel tu travailles?
4ème de couverture. Il fallait que je mette un truc sur moi, donc j’ai mis ça.
C’est pas tellement ma vie que j’ai envie de raconter, sinon je ferais des
autobiographies ou un journal, donc je préfère mettre ce que j’ai en tête au
moment où on me pose la question. Mais ça ne change pas grand chose de savoir si
je viens de Buenos
Aires ou pas, et de savoir
que je vis actuellement à Berlin. On s’en fout. Je
pourrais très bien être né en Charente ou en Lorraine, ce serait la même chose.
Ma famille a des origines diverses, et moi-même j’ai choisi de m’installer loin
de tout le monde. C’est pas tant l’endroit d’où l’on vient qui compte que
l’endroit où l’on choisit de vivre. Les gens se racontent des histoires
quand ils te demandent tes origines, mais dans le fond ils rêvent juste d’avoir
quelque chose en commun avec toi. Quant au « nihilisme romantique et au
romantisme nihiliste », ça me
vient d’une amie cinéaste qui a regardé les rushs que je tournais en vidéo et
qui a défini mon travail comme ça. Ça me convenait bien pour décrire ma
recherche, les vidéos que je fais, les photos et les textes. Cette petite phrase
décrit bien ce que j’observe autour de moi, et finalement l’évolution des
mentalités dans ma génération. On parle souvent
d’« individualisme », moi
je crois que c’est plus poétique que ça. C’est nihiliste, parce que nous sommes
tous désabusés. Mais c’est romantique aussi, parce que nous sommes passionnés et
mélancoliques. Et que la perte de repère, nous fais agir aujourd’hui plus par
sentiment que par raison. J’ai donc repris cette expression pour le roman
puisque j’ai conçu « Des
Chiens » comme un roman
générationnel.
BOUCHE :
dédicace aux Mots à la Bouche, 6, rue Ste Croix de la Bretonnerie, dans le
Marais le 16 Décembre 2011 à 19h. Venez avec vos romans si vous les avez
déjà !
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