A l’initiative du Kiosque Info Sida, une offre de dépistage gratuite au bénéfice des homos et bi soucieux de rapidité, confidentialité et non jugement est proposée dans le Marais depuis janvier 2010.
Checkpoint, ce lieu associatif permet aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) et aux LGBT en général d’effectuer un test de dépistage rapide (TDR ou TROD-Test Rapide d’Orientation Diagnostic) du VIH/sida. Réalisé via un prélèvement d’une goutte de sang au bout du doigt, il s’accompagne de conseils en prévention. Le test est effectué dans les locaux parisiens du Kiosque, agencés à cet effet, par une équipe de professionnels, médecins et infirmiers, formés pour cet accueil spécifique.
REDUIRE LA PROPORTION D’INFECTIONS A VIH/SIDA NON DIAGNOSTIQUEES
«Dans un contexte épidémiologique qui témoigne d’une circulation toujours active du virus, l’objectif principal est de réduire la proportion d’infections à VIH/sida non diagnostiquées» indiquait l’association au lancement du projet. Après deux ans d’activité et un réel succès, Checkpoint qui devrait élargir son offre de dépistage à celui des hépatites B et C se retrouve pourtant en danger. La faute aux financements par les pouvoirs publics insuffisants pour couvrir son fonctionnement face à une demande croissante des usagers. La faute également à un contexte réglementaire inachevé. La faute enfin à un désengagement relatif des pouvoirs publics qui, par soucis d’économies, privilégieraient les approches hors contexte médicalisé, pour faire réaliser les TROD par les seuls militants associatifs.
Pourtant, l’offre de Checkpoint est singulière. Elle est la seule que nous connaissons à la fois permanente, pérenne, identifiée par les usagers, portée par une structure associative et réalisée en concordance par des professionnels de santé. Surtout, elle connait, par le simple nombre de tests réalisés et son ancienneté, un réel succès. Aussi, sa remise en cause serait un échec grave alors même que le plan VIH-sida 2010-2014, tardif et poussif, faisait du dépistage son axe prioritaire. «Il faut dorénavant banaliser le dépistage en direction de la population générale, pour que chacun prenne conscience qu’il peut être concerné» indiquait le ministère de la Santé alors qu’aujourd’hui, sur le seul territoire national, de 40.000 à 50.000 personnes seraient contaminées par le virus sans le savoir.
Eve Plenel, directrice du Kiosque Infos Sida Toxicomanie, a accepté de répondre à nos questions.
CitéGAY. Pouvez-vous dresser un bilan de l’action de Checkpoint depuis maintenant un peu plus de deux ?
Eve Plenel. Entre janvier 2010 et janvier 2012, dans le cadre d’une recherche biomédicale, le Checkpoint a réalisé plus de 6500 tests auprès de 5270 hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, constatant un taux de séropositivité au VIH de 2,4%. Au cours du seul premier trimestre 2012, 1200 tests ont été réalisés, dont près de 800 auprès de nouveaux consultants. Un tiers des consultants revient au Checkpoint, signe que le dispositif et le conseil en prévention qui y est proposé répondent aux attentes de la population concernée. Enfin, pour les personnes dépistées positives au VIH, le lien vers le soin et la prise en charge est assuré à 100% grâce à des partenariats avec des consultations hospitalières, des médecins de ville spécialisés et le centre de santé sexuelle Le 190. Ces chiffres montrent combien le dispositif est attractif mais aussi, au-delà de la fréquentation, son efficacité dans le dépistage de nouvelles infections. Il répond aux recommandations du Plan national de lutte contre le VIH/sida, notamment en matière d’accès précoce aux traitements, dès la primo-infection.
CitéGAY. En quoi l’offre de Checkpoint est unique ?
Elle est unique parce qu’elle est à la fois associative, communautaire et médicalisée.
Associative et communautaire, elle attire un public gay soucieux de ne pas être jugé dans ses pratiques et de trouver un conseil adapté ; ce faisant, le Checkpoint encourage le dépistage de routine, or on sait que la fréquence du dépistage est aujourd’hui une clé essentielle dans la lutte contre l’épidémie chez les personnes les plus exposées au risque de contamination.
Médicalisée, elle permet aux consultants de parler de leur sexualité et de leurs prises de risques avec un professionnel du soin. Dans le cas d’une découverte de séropositivité, la présence de médecins permet la prescription d’examens complémentaires et assure un lien immédiat vers la prise en charge.
CitéGAY. Aujourd’hui pourtant, vous craignez une remise en cause de vos actions de dépistage. Pourquoi ?
Parce que les financements publics ne sont pas prévus pour un dispositif de cette nature, qui n’entre pas dans les cases de l’administration ! Le Checkpoint est pourtant peu coûteux à l’échelle de la lutte contre l’épidémie et au regard de son impact : un peu moins de 70 euros par test réalisé. Mais le Ministère de la Santé n’a prévu qu’un remboursement de 25 euros par test, conçu au départ pour des actions de dépistage hors les murs pouvant être menées par des bénévoles non professionnels de santé.
Quant à l’Agence régionale de santé, chargée de la politique de santé et de prévention en Ile-de-France, elle a cessé de financer le Checkpoint dès l’été 2011, au prétexte que le dispositif ne relève pas du droit commun (par opposition aux CDAG ou aux centres de santé par exemple). L’arrêté du 9 novembre 2010 fixant les conditions d’utilisation des tests rapides a certes permis de mener des actions de dépistage associatif dans les lieux de drague, avec un succès modéré pour l’instant, mais il n’a pas créé les conditions pour faire émerger un nouveau modèle de prévention : le centre communautaire de proximité qui offre à la fois un accompagnement global en prévention, des conseils en santé sexuelle et du dépistage rapide.
CitéGAY. Quelles sont aujourd’hui les solutions offertes au Kiosque pour permettre à Checkpoint de continuer ?
Peser auprès des pouvoirs publics pour faire évoluer le cadre réglementaire et l’allocation des moyens financiers. Faire la démonstration que, à coût égal, nous réalisons autant de tests qu’une CDAG hospitalière importante mais auprès d’un public qui est beaucoup plus exposé au risque de transmission du VIH et des IST et qui est en demande d’un conseil global en prévention. Donner de la visibilité au seul dispositif associatif de dépistage rapide du VIH qui rencontre aussi durablement – bientôt 2 ans et demi ! – un tel succès auprès des gays parisiens. Bref, trouver de nouvelles sources de financement. et vite.
CitéGAY. Avec des contaminations chez les gays qui ne diminuent pas, vous souhaitez élargir votre offre au dépistage des hépatites B et C. Pouvez-vous expliquer les enjeux de ces dépistages, spécifiquement chez les gays ?
Ce projet s’inscrit dans un partenariat avec d’autres associations – entre autres la fédération SOS Hépatites – qui ne travaillent pas toutes auprès des gays. Le virus de l’hépatite B est sexuellement transmissible et extrêmement contagieux mais un vaccin efficace existe : les gays sont exposés à ce risque dans la mesure où 3 hommes sur 5 seulement seraient vaccinés, alors que près d’un gay sur 10 serait porteur du virus. L’idée est donc de dépister et, dans le même temps, d’accroître la couverture vaccinale en orientant les séronégatifs vers le vaccin.
Le virus de l’hépatite C se transmet, lui, principalement par le sang : il concerne donc en premier lieu les personnes qui partagent leur matériel – y compris le petit matériel (paille, coton.) – pour consommer des produits. L’actualité récente autour de pratiques comme le slam nous rappelle ce risque chez les gays ; depuis plus longtemps on observe également des cas de transmission sexuelle du VHC chez les gays séropositifs au VIH, en particulier lors de pratiques hard non protégées. Les co-infections VIH-hépatites étant devenues une cause majeure de morbidité et de mortalité chez les personnes infectées au VIH, dépister au plus tôt les différentes viroses est une priorité de santé publique.