La justice turque a violé, durant de nombreuses années, le droit au respect de la vie privée d’une femme en invoquant le fait qu’elle était encore en mesure d’avoir des enfants pour lui interdire l’opération en vue de devenir un homme, a estimé la CEDH en condamnant la Turquie à lui verser 7.500 euros au titre du dommage moral.
Alors que des rapports médicaux avaient confirmé sa transsexualité et recommandé qu’elle vive « avec une identité masculine », un tribunal lui avait opposé en 2006 une exigence du code civil turc, qui prévoit l’incapacité de procréer comme condition préalable à une opération de changement de sexe. L’affaire était montée jusqu’à la cour de cassation turque, qui avait confirmé cette décision.
Devant les juges de Strasbourg, les autorités turques ont justifié l’encadrement juridique des interventions chirurgicales de conversion sexuelle par la protection de l’intérêt général et la nécessité d’éviter « que le recours à de telles interventions ne puisse être détourné par le milieu de la prostitution ». Ces arguments n’ont pas convaincu la Cour. Dans son arrêt, la CEDH a dit qu’elle « ne s’explique pas pourquoi l’incapacité de procréer devrait être établie pour une personne désirant changer de sexe » comme préalable à l’autorisation.
Cette décision a mis « directement en jeu la liberté du requérant de définir son appartenance sexuelle, liberté qui constitue un élément essentiel du droit à l’autodétermination », a encore jugé la CEDH.
Dans l’intervalle, après avoir porté l’affaire devant la CEDH, le requérant a déposé une nouvelle demande en 2013, qui a été acceptée et lui a finalement permis de se faire opérer pour devenir un homme.
Source AFP