Patricia Kopatchinskaja ne fait rien comme les autres. La violoniste moldave revêtira une tenue masculine ce soir pour jouer le Concerto pour violon de Tchaïkovski. Ce costume, réalisé par un ami couturier à Berne, assorti d’une pochette couleur arc-en-ciel, renvoie au drame existentiel du compositeur russe, qui n’est pas parvenu à assumer publiquement son homosexualité.
«Je joue ce concerto pour le deuxième mouvement que j’adore. Tchaïkovski a écrit cette «Canzonetta» à la suite d’une première version qu’il a rejetée. J’y vois une déclaration d’amour, celle du compositeur à l’intention du violoniste Yosif Kotek.» Une liaison dont on ne sait quelle fut la nature.
Une chose est sûre: la vie sentimentale du compositeur fut mouvementée. Homosexuel notoire mais honteux, Tchaïkovski décide de donner à la société de son temps une image respectable en se mariant en juillet 1877 avec l’une de ses anciennes élèves, Antonina Miliukova. L’union est un échec lamentable. Il tente de se suicider en septembre. Une séparation à l’amiable est négociée par Rubinstein.
Le violoniste de son cour
«Tchaïkovski a écrit ce concerto à Clarens, sur les rives du lac Léman. Il était en séjour là-bas avec Yosif Kotek dans une belle maison financée par sa mécène Nadejda von Meck. Dans une lettre, il explique à celle-ci qu’il a l’intention d’écrire un concerto pour Kotek, après l’avoir entendu jouer la Symphonie espagnole de Lalo. Il était probablement amoureux du violoniste et cherchait à échapper au fiasco de son mariage avec Antonina Miliukova.»
Or, selon Patricia Kopatchinskaja, la mélodie de la «Canzonetta» ressemble à une pièce de son Album pour enfants intitulée «Vieille chanson française». Cette vieille chanson française renvoie elle-même à «Mes belles amourettes», dont les paroles suggèrent un amour perdu et «des peines secrètes». «Je pense que le parallèle avec cette chanson française est étonnant. Vous pouvez l’entendre sur YouTube!»
Se vêtir en homme sur scène est l’occasion pour Patricia Kopatchinska de se mettre dans la peau du violoniste Kotek. Et de faire passer un message à une époque où, «en Russie, on a fait beaucoup de pas en arrière concernant la cause des homosexuels. Après tout, Tchaïkovski est le compositeur le plus célèbre et aimé de la Russie. Il était homosexuel, et sa musique reflète son être et son âme. »
Source : LeTemps