6211 pactes ont été signés en un mois et demi.
Tout faux. L’estimation de la garde des Sceaux Elisabeth Guigou le 12 janvier était trois fois inférieure aux chiffres officiels dévoilés hier matin par son ministère. Entre le 15 novembre 1999, date de promulgation de la loi, et le 31 décembre, 6 211 pactes de solidarité civile ont été signés. Plus de 12 000 personnes pacsées en un mois et demi. Le chiffre est spectaculaire: l’Ined (Institut national des études démographiques) prévoyait que le nombre de Pacs pourrait naviguer entre 30 000 et 200 000 signatures pour toute l’année. Le chiffre actuel dessine donc une tendance qui se situe dans l’hypothèse haute.
Patrimoine. Passé l’effet de surprise, les associations qui ont soutenu le projet ne s’étonnent pas du phénomène. Responsable juridique au Centre gay et lesbien, Gilles Boureboune conseille les candidats au pacte depuis plusieurs mois. « Il y avait une vraie attente. La demande vient principalement des couples qui vivent ensemble depuis des années et attendaient la promulgation du Pacs depuis des mois. Fondamentalement, ils font cette démarche pour des raisons de transmission du patrimoine. Et, accessoirement, ils voulaient pacser
avant le 31 décembre pour des raisons fiscales. » A cela s’ajoute « une demande massive de partenaires dont l’un des deux est séropositif. Ils veulent pacser vite, pour des raisons évidentes de transmission de patrimoine », constate Thierry Lesellier, l’un des responsables de Sida Info Service. Lui n’est pas du tout surpris par les chiffres ministériels. Et depuis quelques jours, les coups de fils reçus par la ligne Sida Info Droit (1) ont changé de registre. « Avant, on nous demandait quelles étaient les démarches pour pacser. Maintenant, les
questions sont plutôt sur le mode « Quels sont nos droits maintenant qu’on est pacsés ?
Évidemment, les candidats ou les fraîchement pacsés repérés par ces
associations sont majoritairement homosexuels « ou ayant des affinités
avec ces milieux », complète Thierry Lesellier. Mais qu’en est-il des
12 000 personnes qui ont signé leur pacte dans les tribunaux en fin de
l’année dernière? Jan-Paul Pouliquen, président du Collectif pour le
Pacs, ose une tendance. « A Paris, 75 % d’entre eux sont homosexuels,
contre 40 % seulement en province. » Comment a-t-il bien pu établir
cette statistique personnelle ? « Simple. La Cnil a tardé à rendre son
délibéré et quelques greffiers de tribunaux bavards m’ont donné des
informations. » La Cnil (Commission nationale informatique et libertés)
s’est en effet penchée sur le Pacs, mais un peu tard. Sa délibération
précise qu’« il ne saurait être imposé aux personnes qui souhaitent
conclure un pacte civil de solidarité un régime de publicité qui aurait
pour effet de le rendre accessible à tous »
Flou juridique. C’est clair : le nombre de Pacs signés est diffusé, pas
le nom, ni le sexe, ni les mours des signataires. Sauf que ce délibéré
n’a été adopté par le Conseil d’Etat que le 25 novembre et que le décret
est paru au Journal officiel le 24 décembre. Plus d’un mois de flou
juridique qui a permis au président du collectif de rassembler ses
informations, auprès d’une vingtaine de greffes sur les 470 concernés
Clivage. Le tour de France complet, seul le ministère de la Justice l’a
fait. Et il réserve quelques surprises. La région parisienne arrive
évidemment en tête des régions pacseuses avec 1 914 signatures. Mais à
Paris intra-muros, le clivage est spectaculaire. Ainsi, le XIe
arrondissement, populaire mais branché, compte 102 pactes, contre 9 dans
le très chic VIIe arrondissement. Autre clivage en province, où Nantes
arrive en tête avec 136 signatures, alors qu’à Marseille, ville beaucoup
plus grande, seulement 77 Pacs ont été conclus. Là encore, les
associations qui ont milité pour cette loi ne s’étonnent pas. « Il y a
une vieille tradition militante dans une ville comme Nantes, expliquent
les responsables du Centre gay et lesbien. Même chose à Grenoble ou dans
le Nord. Mais pas du tout dans les villes du Sud. C’est culturel. » Une
culture qui n’a pas non plus atteint les départements de Guadeloupe,
Martinique et Guyane, où aucun Pacs n’a été signé depuis le 15 novembre
Michel HOLTZ
(1) Sida Info Droit: 0 801 636 636 (appel local).