« Après vingt-deux ans de vie commune, Bernard et Christian viennent de signer un Pacs, à Paris-20e. Merci à tous nos amis, et à Mme Guigou. Condoléances à Mme Boutin ». Coincée entre un anniversaire de naissance et une longue liste de décès, la petite annonce est parue mercredi dans le très sérieux carnet du Monde, à la rubrique « Pacs ». Avec la promulgation, le 15 novembre dernier, de la loi sur le pacte civil de solidarité, les carnets des journaux, parisiens essentiellement, font doucement une place aux annonces des « pacsés ». Libération a commencé dès le 6 décembre. On ne sait si la coquille est révélatrice, mais le quotidien avait oublié de rebaptiser sa rubrique, laissant Yannick et René publier leurs bans sous la catégorie …
« mariages ». Le Monde a enchaîné dès le 10 décembre. « Depuis, on en compte en moyenne deux à trois par jour », indique la responsable du carnet, Martine Moline, qui voit « une forme de reconnaissance » dans le choix de son quotidien. Le Figaro, qui ne compte pas parmi les plus fervents défenseurs du Pacs, n’a publié qu’une seule annonce de « pacsés », le 18 décembre. Au total, Jan-Paul Pouliquen, président du collectif pour le PACS, en a déjà recensé une centaine sur les 6.211 PACS comptabilisés en 1999 par le ministère de la Justice. « Il y a dans leur ton un mélange de léger et de sérieux », constate-t-il. C’est
Gribouille, une chatte de cinq ans, qui « est heureuse d’annoncer » dans Libération que Richard et Frédéric se sont pacsés ». Ou ce sont Méphisto, Phoebus, Platée, Pharaon et Roger, « en pleine euphorie », qui « ont appris que leurs deux maîtres Yan et Alain ont enfin pu se pacser » (Le Monde). « Un 21è siècle sans homophobie » « Enfin! ». Les petites annonces insistent souvent sur la durée du combat mené par les « pacsés ». Ici c’est un Pacs signé « après 6.512 jours de patience », là Jean-Antoine et Gustave régularisent après cinquante ans de vie commune ». Et certaines s’accompagnent d’un mot de remerciement ou de propos militants: un merci à « M. Jospin et à l’ensemble du gouvernement qui ont su tenir bon cap contre la vague homophobe »; de « vifs remerciements à Mme Guigou grâce à qui le Pacs a pu être obtenu envers et contre tout ». Deux femmes font dans Le Monde « le pari d’un vingt-et-unième siècle sans homophobie ».
Deux Olivier commencent leur petite annonce par une citation de Milan Kundera qui invite à « oser être soi-même ». Et « un Juif et un Musulman » concluent leur texte par leur devise: « paix et tolérance ». Les couples hétérosexuels se font plus discrets et laissent parfois aux parents, comme sur les faire-part de mariage, le soin d’annoncer l’heureuse nouvelle. En revanche, à la différence des mariés, le nom des « pacsés » n’apparaît pas toujours. « Cela témoigne d’une certaine contradiction, observe M. Pouliquen. Peut-être qu’à force de leur dire qu’ils sont des sous-citoyens, les homosexuels finissent par le croire ».
par Guillaume BONNET