Alors que la Marche homosexuelle de Marseille a rassemblé entre 4.000 et 5.000 personnes au début du mois avec comme mot d’ordre « Pour nos droits et que cesse l’homophobie », la cité phocéenne s’apprête à accueillir la onzième édition des Universités d’été euroméditerranéennes des homosexualités. Les UEEH se dérouleront du 19 au 26 juillet, sur le campus de Luminy, à Marseille.
Depuis la première édition qui s’est déroulée en 1979 et bien avant l’essor actuel de ce que l’on appelle les « Gay Studies », les UEEH ont comme objectif de promouvoir un cadre ouvert de débat, de rencontre, de mémoire, et d’éducation ou peuvent s’inscrire les sensibilités de la « communauté gay et lesbienne » et des courants proches. Le succès des UEEH dépasse les frontières des initiéEs et universitaires et mêle dans un même esprit de découverte et de partage chercheurs, militantEs associatifs et profanes.
On y picore une conférence, un grand débat, un atelier de réflexion, de sport, d’expression artistique, une rencontre associative, une expo, un film. On y concocte des projets. On y échange librement sur les pelouses et sous les pinèdes du campus de Luminy, aux calanques ou dans l’école municipale des Beaux-Arts. On ne manque pas d’y vivre la fête. Un colloque public ponctue les journées en un moment fort de visibilité et de réflexion. Le colloque se déroulera au Conseil Général des Bouches-du-Rhône, le vendredi 22 juillet, et portera sur » Féminisme et genre : le corps en batailles « , avec la participation de chercheurEs universitaires (Elsa Dorlin, Louis-George Tin, Jean-Paul Rocchi), de sociologue (Marie Soutlages) et de militantEs (Nicole Fernandez-Ferrer du centre audiovisuel Simone de Beauvoir et Porpora Marcasciano, du Mouvement de l’identité trans, MIT, d’Italie).
CitéGay sera partenaire une nouvelle fois de ces journées tout comme les collectivités locales dont la mairie de Marseille. Michel Vauzelle, Président du Conseil régional PACA, et Jean-Noël Guérini, Président du Conseil général des Bouches-du-Rhône, ont répondu à nos questions.
CitéGay : Le Conseil régional PACA, le Conseil général des Bouches-du-Rhône et la mairie de Marseille soutiennent cette année encore les UEEH, quelle importance cela revêt pour vos collectivités ?
Michel Vauzelle* : Une très grande importance, en raison des deux dimensions de cette manifestation, à commencer par son contenu, et les valeurs qu’elle incarne, de tolérance et de fraternité. L’esprit même de ces rencontres est particulièrement ouvert, et prouve bien que la lutte contre les discriminations, quelle qu’en soit la cause, la lutte pour les droits d’un groupe de la population, quel qu’il soit, c’est en vérité une lutte pour toute la société, pour une société plus juste, plus solidaire où chacun et chacune a toute sa place.
Le caractère euro-méditerranéen de cette Université d’été est un plus essentiel pour moi. La solidarité que nous avons à construire dans notre région passe par une solidarité plus forte, plus permanente, avec tous nos frères de la Méditerranée. Nous devons être cette passerelle de l’Europe vers le sud, ce pont qui relie et rassemble, nous devons faire en sorte que l’Europe n’oublie pas la Méditerranée. Pour nous les choses sont claires et éminemment liées : le chemin vers une région plus juste passe par ce sud avec qui nous avons une communauté de destin.
Jean-Noël Guérini* : Le Conseil général a toujours eu une volonté forte pour lutter contre toutes les formes de discrimination. Cette volonté trouve son expression dans le département mais aussi au sein des services de la collectivité. Cette volonté se traduit, bien évidemment, dans le soutien financier apporté au milieu associatif.
De plus à l’heure des difficultés que connaissent les personnes concernées pour la prévention des infections sexuellement transmissibles et du sida ayant en comme corollaire la reprise de l’épidémie, notre action vise à prolonger et approfondir les réflexions et plus encore les actions développant la prévention et l’information.
CitéGay : Concernant la population LGBT (Lesbienne, Gay, Bisexuelle et Transsexuelle), quel soutient apportez vous aux associations locales et quelles sont les actions menées par vos collectivités en matière de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits ?
Michel Vauzelle : Il n’y a pas à proprement parler une politique régionale spécifique pour la population LGBT. Les mesures exclusives ont parfois tendance aussi, hélas, à exclure. Ce qui ne veut pas dire que nous ne faisons rien. Nous sommes de façon générale, aux côtés du tissu associatif, très dense, de notre région, et soutenons un nombre immense d’initiatives qui, toutes, contribuent à faire progresser la tolérance et la fraternité, préviennent les conduites à risque, ou mènent des actions d’éducation pour la santé.
Dans ce cadre, nous soutenons en particulier l’association LGBT Formation qui mène, dans plusieurs de nos départements, des actions de prévention de l’homophobie en direction des adultes qui sont au contact des lycéens. C’est un point essentiel tant nous savons que ce moment de l’adolescence où l’on découvre sa sexualité est un moment crucial. Le regard de notre société, encore trop homophobe dans son langage quotidien, peut être un facteur d’immense souffrance, voire de suicide, pour un jeune qui se découvre progressivement une orientation homosexuelle. C’est donc fondamental de travailler sur ce regard et ce discours que les adultes renvoient à nos jeunes, tous nos jeunes, quels que soient leurs choix.
Jean-Noël Guérini : Très tôt le Conseil général a soutenu ces associations. Tout d’abord au sein de ses services et en particulier dans les Centres d’Information et de Dépistage Anonyme et Gratuit -Dispensaires anti-vénériens (CIDAG-DAV) qui mènent depuis des années un travail constant pour lutter contre toutes les discriminations tout en prenant en compte les individualités.
Il en est ainsi pour LGBT formation et bien entendu pour l’Université d’été dont elle reprend l’action. De plus, nos services participent au travail de lutte contre l’homophobie que ce soit en milieu scolaire, professionnel ou autre. Cela d’ailleurs ne devrait pas vous étonner car notre majorité est fortement ancrée à gauche depuis des décennies.
CitéGay : Notre lectorat est très important en région Paca, région qui compte beaucoup d’établissements et de lieux de sociabilité homosexuelle, pour autant la question de l’homosexualité demeure un sujet tabou au niveau local. Comment analysez vous ce paradoxe ?
Michel Vauzelle : Ce tabou a la vie dure ailleurs qu’en Provence-Alpes-Côte d’Azur, c’est pourquoi je ne soulignerai pas ce paradoxe comme un mal méditerranéen, comme on pourrait le faire un peu hâtivement. C’est d’ailleurs l’Espagne, pays du sud, de culture et de tradition très catholiques, qui vient de nous montrer la voie de la tolérance et du progrès social.
Je ne doute pas qu’en France, et en Provence-Alpes-Côte d’Azur notamment, les choses ne viennent à changer un jour. C’est une question de rythme d’évolution de la société bien sûr, mais aussi de volonté politique, qu’il nous faudra bientôt traduire en actes, pour que notre pays soit vraiment le pays de toutes et tous, sans exclusive.
Jean-Noël Guérini : Croyez-vous, malheureusement, qu’il y ait une spécificité du Sud en ce domaine ? Il faut, je crois être lucide et vigilant et lutter sans relâche contre les propos, les conduites homophobes.
Nous connaissons trop les ravages liés à l’homophobie sur certaines personnes allant jusqu’à des conduites suicidaires. J’ajoute aussi, bien que vous ne me posiez pas la question, qu’en tant que sénateur je viens de soutenir et de voter la proposition d’amendement sur la loi d’adoption, formulée par le Parti socialiste le 22 juin dernier, visant à autoriser l’adoption par des couples pacsés, proposition repoussée par la droite, hélas.
CitéGay : Cette année voit la lutte contre le Sida déclarée Grande Cause Nationale. La région Paca est fortement confrontée au problème du VIH, votre mobilisation sur la question est-elle suffisante ?
Jean-Noël Guérini : Nous avons réorganisé les Centres d’Information et de Dépistage Anonyme et Gratuit -Dispensaires anti-vénériens au sein du département depuis 1988. Notre modèle de prise en charge anonyme et gratuit pour le dépistage VIH, les hépatites virales B et C mais aussi les infections sexuellement transmissibles a été repris à l’échelon national en 2005. De la même façon en 1993, l’Etat avait généralisé en France notre modèle de CIDAG en milieu carcéral. Cette année l’Etat a recentralisé la prise en charge des infections sexuellement transmissibles et j’ai décidé de poursuivre notre action dans les centres.
Nous sommes sur tous les fronts, auprès des personnes, avec les associations, dans les campagnes de communication. Cet été comme tous les ans, nous participerons à nouveau avec AIDES à la campagne d’affichage pour inciter au dépistage de l’infection VIH.
(* Michel Vauzelle est Président socialiste du Conseil régional PACA. Il a été porte-parole de la Présidence de la République de 1981 à 1986 et Ministre de la Justice de 1992 à 1993 , * Jean-Noël Guérini est Président socialiste du Conseil général des Bouches-du-Rhône et sénateur ; * Nous avons également sollicité Jean-Claude Gaudin, Maire de Marseille, vice-président du Sénat et numéro deux de l’UMP, mais n’avons maheureusement pas obtenu de réponses à nos demandes)