Alors que le discours militant redevient très politique en cette année de précampagne électorale, Alain Piriou, porte-parole de l’Inter-associatiative lesbienne, gaie, bi et trans, structure qui réunit la plupart des associations LGBT et qui organise la Marche des Fiertés nationale de Paris, a accepté de répondre à nos questions.
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CitéGAY : Comment l’Inter-LGBT réagit à la multiplication des signes négatifs de la majorité parlementaire et du gouvernement sur les questions LGBT (conclusions de la mission parlementaire sur la Famille ; manifeste contre l’homoparentalité de parlementaires UDF et UMP ; collectif de Maires contre le mariage gay et le droit à l’adoption ; prise en compte insuffisante des unions homosexuelles en matière de droit au séjour…) ?
Alain Piriou : Depuis l’arrivée au pouvoir de cette majorité, nous n’avons lâché sur rien, sur chacun des dossiers, nous nous sommes battus pied à pied. Ce qui nous a permis d’engranger quelques résultats : mesures contre l’homophobie dans le code pénal, loi contre les propos discriminatoires, clarification du droit au séjour pour les couples binationaux pacsés, fiscalité du pacs améliorée… Vis-à-vis de ce gouvernement, nous ne changerons donc pas de stratégie, et ce, jusqu’au dernier mois de cette législature, nous voulons des résultats.
Sur les crispations récentes que vous citez, nous pensons que le président du parti majoritaire doit des explications, et une clarification : cela prendra le temps qu’il faudra, mais nous aurons cette confrontation.
L’absence de sanctions politiques à l’encontre du député UMP Christian Vanneste, condamné pénalement pour injures homophobes, vous choque-t-elle ?
Non. Un parti politique s’organise comme il le souhaite, c’est à lui de fixer ses propres règles et de définir ce qui est pour lui acceptable ou pas. Ce n’est pas une association extérieure à l’UMP de le faire. Quand des militants de l’UMP demande des sanctions contre Vanneste, ils sont fondés à le faire, et ils ont toute notre sympathie. Mais pas question de nous immiscer dans les affaires internes de l’UMP. Après, l’UMP devra assumer le message politique qu’il délivre en tolérant que sa parole soit portée par des gens comme Vanneste : aux électeurs de tirer les conclusions qu’ils veulent.
Finalement, comment interprétez-vous le silence de Nicolas Sarkozy, Président de l’UMP, sur ces sujets et l’absence de position officielle de l’UMP ?
Ce silence relatif est exaspérant. Le Président de l’UMP distille quelques messages subliminaux, s’exprime parfois à titre personnel pour dire combien il est ouvert, et laisse une forte minorité de ses troupes se déchaîner contre l’homoparentalité ou contre les subventions reçues par les associations LGBT. Ce n’est pas une posture honnête, d’où notre demande d’entretien avec lui.
A contrario, une réforme partielle du Pacs est en discussion, un cache misère à l’attention des associations LGBT ?
Nous espérons que cette réforme deviendra totale, et traitera tous les aspects du pacs, y compris les droits sociaux et fiscaux. Nous avons voulu ces réformes, nous n’allons pas regimber au moment elles voient le jour. Ce qui sera débattu la semaine prochaine (NDR: ces propos ont été recueillis vendredi dernier) devra être suivi d’autres améliorations, parce que le pacs est une solution intéressante pour de nombreux couples, pas que les couples homosexuels. Pour le mariage et la parentalité, par contre, on a compris que le débat ne s’ouvrira pas avant 2007. En attendant, de nombreux couples ont besoin de solutions concrètes pour régler des détails matériels quotidiens.
Quelles sont les orientations de l’Inter-LGBT pour cette année 2006 où tout le monde ne parle déjà que des échéances électorales de 2007 ?
Finir le travail commencé d’abord, notamment sur le pacs. Et se mettre en campagne, non pour un camp, mais pour que 2007 n’oublie pas les questions d’égalité. Nous avons un double front : le gouvernement, parce que ce serait trop facile pour lui de ne s’en remettre qu’au débat électoral de 2007, et les partis politiques, pour obtenir les ultimes clarifications sur leurs programmes, et déjà travailler avec eux sur une méthode pour ceux qui arriveront au pouvoir.
De quel oeil voyez-vous l’ascension de Ségolène Royal en pré-candidate PS alors que cette dernière est opposée au mariage entre personnes de même sexe et à l’homoparentalité ?
A titre personnel, les attaques machistes dont elle a fait l’objet ne peut qu’attirer une certaine sympathie au militant antisexiste que je suis. Pour autant, ses positions politiques, au-delà du genre qu’elle représente, posent en effet problème. Ce n’est pas à nous de dire au PS quel choix il doit faire pour être représenté aux élections, mais on sera attentif à ce que le PS tienne ses engagement sur le mariage et l’adoption, quel que soit son porte drapeau. Il ne sera pas acceptable pour nous que le PS qui dit aujourd’hui oui au mariage et à l’adoption, dise non demain, parce que telle serait la sensibilité de son/sa candidat-e.
Comment l’Inter-LGBT s’assurera des engagements de campagne de chacun ? Donnera-t-elle des consignes de vote ?
On fera d’abord le bilan de ces 5 dernières années, et il y aura ensuite un travail d’étude des programmes, et de confrontation avec chaque candidat. Tout sera rendu publique. L’Inter-LGBT n’a pas l’habitude de donner de consignes de vote, mais il est clair que nous ne traiterons pas indifféremment ceux qui veulent avancer et ceux qui ne veulent rien réformer.
Un dernier mot concernant la Marche des Fiertés 2006 ? Une orientation en vue ? Une manifestation plus militante, moins festive ?
Nous avons atteint le point d’équilibre entre le militant est le festif : la preuve en est que nous avons autant de témoignages de gens qui disent que la marche est trop militante, que de ceux qui disent à l’inverse que c’est trop festif ou commercial. Pour le mot d’ordre, l’égalité sera, une nouvelle fois, au coeur de nos revendications.
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En attendant la Marche des Fiertés qui aura lieu le samedi 24 juin 2006, l’Inter organise le 7ème « Printemps des Assoces » à l’Espace des Blanc Manteaux, 48, rue Vieille-du-Temple, Paris IV, le samedi 1 avril et le dimanche 2 avril 2006 avec au programme : conférences, tables rondes, rencontres associatives, soirée. CitéGAY est partenaire de ces journées.
La liste des marches en province est également donnée à titre indicatif sur le site de la Coordination InterPride France (CIF).
EN SAVOIR PLUS
Le site de l’Inter-LGBT : www.inter-lgbt.org
Le site du Printemps des Assoces : Ici
Le site de CIF : Ici
Nos articles principaux liés au sujet :
– Premières mesures pour la réforme du Pacs annoncées
– Le concept d’immigration choisie du gouvernement ignore les couples de même sexe
– La mission parlementaire sur la Famille fait pschitt
– Christian Vanneste : député délinquant homophobe
– Après des parlementaires, au tour de Maires
– Entente parlementaire contre l’homoparentalité