En recueillant 60,60 % des votes militants, Ségolène Royal se voit sacrée candidate socialiste pour les prochaines élections présidentielles. Elle a éclipsé au second rang Dominique Strauss-Kahn avec 20,81 % des voix, Laurent Fabius arrivant en queue avec 18,59 % des votes militants.
Moins qu’un scrutin d’idées, c’est à un casting auquel les militantEs socialistes ont participé en faisant de Ségolène Royal, qu’ils estiment la plus à même de faire gagner le PS, leur candidate proclamée. A la démocratie des idées s’est substituée la dictature de la gagne au bénéfice de Ségolène Royal. Le traumatisme de 2002, l’absence d’un candidat socialiste au second tour et un vote imposé au profit de Jacques Chirac ont échaudé les militantEs qui les yeux sur les intentions de vote ont préféré celle qui disposait des meilleurs pronostics. L’anticipation médiatique à vouloir voir un duel Sarkozy-Royal, a éclipsé également le débat politique au second rang, l’affect ayant primé sur le positionnement des cantidiatEs.
Jouissant sans pareil d’un a priori positif et moins que son expérience, Ségolène Royal a avancé sa relative virginité politique poussée jusqu’au choix vestimentaire en blanc. Son absence de bilan sauf local ou pour des portefeuilles ministériels de second plan (NDR : l’environnement était secondaire lors de ses fonctions ministérielles à ce poste) aura permis à la candidate PS de se présenter comme une solution novatrice alors même qu’elle parcourt la scène politique de gauche depuis 25 ans et qu’elle navigue au sein de l’appareil socialiste depuis aussi longtemps.
Flirtant sur le féminisme et sur les exemples étrangers, elle a dépassé l’égalité des sexes pour en faire un argument électoral, une primauté au féminin, tout en s’en défendant. Elle a victimisé des attaques fantasmées sur son genre pour conforter l’effet novateur d’une candidature féminine pour un grand parti de gouvernement, positionnement opportuniste que ses adversaires ne pouvaient lui opposer sauf à être taxés de machisme et solution propre à s’écarter du débat d’idées.
Peu prolixe sur le fond voir muette sur ses choix, soignant la forme et l’empathie à l’extrême alors que sa gestion régionale est empreinte d’autoritarisme, Ségolène Royal a réussi à masquer ses faiblesses comme ses bourdes sur l’adhésion de la Turquie, le nucléaire civil iranien, les 35h, la carte scolaire, l’encadrement militaire, le temps de travails des profs etc en minimisant la portée de ses propos, recentrant le débat sur sa seule personne, usant de l’argument du poids de sa candidature dans l’opinion publique pour l’imposer comme celle obligée.
Si Ségolène Royal a admis l’épreuve qu’a constituée pour elle cette campagne interne, le plus dur est pourtant pour aujourd’hui. Outre le rassemblement interne qui devra être réalisé, le rassemblement de toute la gauche derrière sa candidature est loin d’être acquis. Si la candidature sociale démocrate de Dominique Strauss-Kahn se positionnait sur l’aile droite du parti sur les questions économiques, Ségolène Royal encre pour la première fois au PS sa candidature au centre sur les questions sociales.
Sur les questions LGBT, et alors que la candidate a pris soin d’adopter les positions du parti tout en prenant d’extrêmes précautions langagières, elle devra clarifier sa position tout comme affirmer la force de ses engagements sur ces sujets.
Dans le cadre de la campagne interne d’investiture du candidat socialiste pour les présidentielles, l’association Homosexualités Et Socialisme (HES) avait soumis aux trois candidats un questionnaire. Dans l’ensemble, la réponse de Ségolène Royal aux militants LGBT socialistes s’était limitée à une lettre de bonnes intentions qui tout en reprenant les propositions du parti sur ces questions laisse planer le flou quand à une réelle volonté personnelle de s’engager sur ces questions voire limite la portée de ses engagements quant à la méthode à adopter, au calendrier et une éventuelle subordination à des évaluations, appels participatifs, méthode des petits pas en filigrane.
Favorable à un renforcement de la HALDE, l’élue poitevine plaçait comme «impératif fondamental de faire de la lutte contre toutes discriminations (…) un enjeu éducatif» et un «élément central des négociations collectives et du dialogue social». Toutefois elle minimisait la portée de la loi, «barrière de papier», et faisait un simple appel aux acteurs sociaux et éducatifs sur le sujet sans propositions concrètes. Sur le Pacs, elle considérait qu’il s’agit d’un «statut du couple à préserver et améliorer», accueillant l’ouverture du mariage civil aux couples homosexuels comme la «continuité de la proposition de loi déposée le 28 juin dernier par le groupe socialiste à l’Assemblée nationale» pour réaliser «l’égalité des droits et des devoirs.». Rappelant le fait qu’elle avait reconnu, Ministre, l’APGL, Ségolène Royal affirmait que «Ce qui importe, en matière d’adoption, c’est que l’intérêt de l’enfant soit préservé par la qualité du projet familial et les homosexuels doivent, comme les hétérosexuels, avoir la possibilité de faire valoir la qualité de leur projet familial dans le cadre de la procédure d’adoption.». Toutefois, et on peut se demander si la candidate PS avançait une limite sur le sujet, elle indiquait vouloir «conduire ces réformes avec tact mais détermination, pour convaincre une majorité de Français sur des sujets à propos desquels on connaît leurs réticences. Mais l’explication et l’appui sur des principes stables devraient faire bouger les lignes.». Quid si l’opinion publique demeurait majoritairement hostile à une évolution sur ces sujets ? Les mêmes réticentes semblent poindre dans les réponses de Ségolène Royal concernant l’accès médicalement assisté à la procréation, elle indiquait souhaiter une «réévaluation» tout en repoussant cette possibilité après les questions du mariage, du pacs et de l’adoption. Sur la maternité pour autrui, comme pour les autres candidats sauf peut-être DSK, elle y est «opposée» pour des questions éthiques légitimes. Conformément à Laurent Fabius qui avoue son peu de connaissances sur le sujet, et comme DSK, Ségolène Royal adoptait les propositions socialistes sur les questions Trans’ comme sur les droits des étrangers LGBT.
Gageons que les associations LGBT (re)demanderont à la candidate PS le détail de ses propositions sur les sujets qui les intéressent. En attendant, la reine de l’affect s’est contentée de se déclarer «très heureuse», «vivant intensément ce moment de bonheur» d’être désignée.
EN SAVOIR PLUS
Nos articles liés au sujet :
– Réponses des présidentiables socialistes sur les questions LGBT
– Débat télévisé socialiste conforme aux engagements sur le mariage gay et l’adoption
Les réponses complètes de Ségolène Royal au questionnaire d’HES (Format PDF) : Ici.