Romain est un garçon torturé, qui trouve l’apaisement dans les drogues, l’oeuvre de Bret Easton Ellis, et les délires avec son pote Aymeric. « Dix sept ans et dix sept cent boutons », pas le droit de se plaindre puisque les pieds dans la bonne vie, c’est au-dedans que le décor s’effondre continuellement, sabordé par ces moments de l’adolescence qui échappent à tout contrôle. La vie dans une pension austère génère cette sensation de malaise permanent qui se formule la nuit dans son sommeil, où il s’échappe à travers des rêves dévorés de ténèbres inconscientes et organiques. Alternance d’une douceur froide et mélancolique avec un incendie brutal, les deux instances coexistent sans qu’on ne sache bien laquelle des deux tient l’autre. Quand les ténèbres prennent le pas sur le mental, plutôt que de courir et se mettre à l’abri, Romain s’avance d’un pas sûr dans le cauchemar et l’imaginaire. Loin de tout et pourtant, là bas plus qu’ailleurs le jeune garçon se sent vivre.
« Je sais que je ne suis pas seul » est le premier roman d’Alexis Brocas. Roman qui aurait pu être un recueil de nouvelles, si le tout n’avait pas été savamment lié par les scènes de quotidien d’un jeune adolescent perturbé tentant de reprendre son souffle. Véritables récits initiatiques, chaque rêve du garçon explore les différentes facettes de la solitude et du mal être, à travers les vies d’une galerie de personnages résonnant comme autant d’archétypes déments (la femme cachalot, la rock-star infernale, … ).
L’autopsie de l’auteur révèle un attachement aux univers de Bukowski, de Lovecraft, de Kerouac ou de Poe d’un point de vue viscéral, ce qui n’est pas surprenant tant les obsessions douloureuses et noueuses sont communes dans le souffle. Alexis Brocas restitue avec une efficacité impeccable ce qu’il a hérité de son attachement à la littérature américaine : une énergie fantasmatique accolée à une réalité cassante. Il nous invite à une étrange messe noire, où les démons invoquent les vivants, où les cauchemars convoquent la réalité, où le fantastique sonne terriblement vrai. «Je sais que je ne suis pas seul » claque comme un aveu intime et aliénant dans une nuit qui ne s’achève pas avant la dernière page.
Prix éditeur : 8,50 euros
Editeur : Sarbacane (collection Exprim’)
Date de parution : mars 2007
ISBN : 2848651571
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