Eternelle étudiante, Raphaëlle entre dans la boutique de mariées MARIAGE 2000, comme d’autres, le même pas hasardeux, entre dans le monde adulte. Elle y signe un contrat, sur une table bancale, crayon tendu par la charmante et vénéneuse Lola. La posture est branlante et incertaine, le décor est planté : dans l’arrière boutique du rêve, les certitudes de la jeunesse actuelle ont la stabilité d’un mobilier de jardin.
Lola demande l’imposture : vendre le bonheur quand soi même on n’y croit pas. Raphaëlle accepte, se révèle être plutôt douée. C’est donc ça grandir…
Pour illustrer le propos, Audrey Diwan dézingue les symboles. Avec Lola, sorte de Darth Vador en jupe, dégainant les ongles rouges comme un sabre laser, le rêve de petite fille est salement disséquée : par ici un sac à main, par là un serre-tête, l’anatomie de la bestiole se dessine en boyaux de soie ou de velours. Antithèse efficace des contes de fées infligés aux petites filles, Audrey Diwan rappelle que les petites souris ont moins l’habitude de coudre des robes que de vous grignoter l’orteil, et que les bonnes fées s’en foutent bien dans le fond que vous soyez rentré à minuit ou pas. Loin du produit « chick litt », la Fabrication d’un mensonge est, sous son emballage gracieux, un récit grinçant du devenir adulte.
D’Audrey Diwan, vous retiendrez d’abord qu’elle est journaliste au magazine Glamour et jolie fille. Après lecture de ce premier roman, vous apprendrez à vous méfier des apparences. Chaque pas dans le récit accentue l’énergie d’une Raphaëlle basculant au fond d’une Lola mouvante, et qui s’y laisse aller avant de se débattre. Comme une confidente perverse, Audrey Diwan livre ici le récit générationnel d’une jeune fille face à ses doutes, et qui aspire avant tout à devenir elle-même.
« Les premiers symptômes sont apparus très tôt. Mes ongles sont devenus rouges, un rouge vif de supermarché, légèrement écaillés au bout, comme ceux des putes ou des femmes de ménage. Comme les siens surtout. Chez elle, ce laisser-aller était une revendication. Elle s’était accordée le droit de snober ces détails sans importance. Qu’on l’envie ou qu’on la haïsse, elle se moquait pas mal des regards posés sur elle. De toute façon, le monde, elle le tenait entre ses longues mains. Logé au creux de sa paume comme une bille de verre. Elle aurait pu jouer avec ou l’oublier dans un fond de poche. Qui aurait osé lui en faire le reproche ? Moi, je n’ai même pas eu le temps de me méfier, perdue dans la valse des catastrophes qu’elle provoquait tous les jours avec une rigueur maniaque. Je me suis jetée dans ses griffes avec une certaine allégresse. »
Pour en savoir plus :