Ce n’est pas tous les jours qu’on se tord de rire à un spectacle de danse. Un grand merci à ces lascars travestis en ballerines…
Il y a trente-deux ans qu’existent les Ballets Trockadero de Monte-Carlo (1), troupe exclusivement masculine de dix-huit danseurs. Quand ils se produisent sur scène, travestis en ballerines diaphanes, ces gaillards s’appellent Jacques d’Ambrosia, Prince Myshkine, Maria Clubfoot, Margeaux Mundeyn, ou Maria Paranova… Ainsi fallait-il renoncer à son vrai nom et à son apparence virile pour animer la compagnie la plus rocambolesque du monde, spécialisée dans la parodie des classiques du répertoire, de « Giselle » à Cunningham. Avec une virtuosité époustouflante ! Pour être crédible quand on veut moquer de la ballerine classique russe, maniérée et froufroutante, ou du bellâtre blond en prince charmant, il faut être doté d’une technique et d’un style irréprochables. Et « le Lac des cygnes » de se faire mare aux canards et « les Sylphides » de sombrer dans le ridicule. Même Cunningham n’échappe pas à sa râclée, sur une imitation burlesque des partitions de John Cage. L’occasion de rire de bon coeur est si rare dans le monde de la danse que cette troupe est un don du ciel.
«Nos répétitions sont de grands éclats de gaieté, commente un Français, Lionel Droguet. Pour amuser le public, il faut savoir rire de soi. Dans le milieu narcissique du ballet, cultiver l’autodérision est un travail ardu. Il est vrai que cette troupe n’est constituée que de personnalités fortes, voire extravagantes, car il faut être ou fou ou très solide pour tenir son équilibre dans cet univers de travestissement.»
Pour ce solide Savoyard de 24 ans, rebaptisé Bakpakova (en « français », Sacados…), se découvrir un beau jour métamorphosé en ballerine romantique a été un vrai choc.
«Pour ma première apparition, j’avais été maquillé, poudré, emperruqué par un partenaire. Quand je me suis subitement découvert dans un miroir, je ne me suis même pas reconnu et j’ai éclaté de rire, mais il m’a bien fallu trois semaines pour me faire à l’idée que sous la danseuse enrubannée, c’était moi. On est tout d’abord très troublé, puis on oublie vite de quoi on a l’air. Votre première idée est de craindre que l’apparence modifie votre identité. Je fais attention à rester moi-même, à ne pas apparaître efféminé mais bien comme une figure parodique. Je m’en sors par le rire. Ce rire qu’il nous faut communiquer en singeant affectueusement les afféteries, les vanités de ces danseuses vieux style, qui étaient déjà de vraies caricatures. Aujourd’hui, je ne me pose plus de questions sur ce que je suis ou ce que je parais. Tout le chic, c’est, dans les rôles masculins, de rester sobre, techniquement impeccable. Passer ainsi d’une identité à l’autre, c’est proprement extraordinaire.»
(1) Pastiche des anciens Ballets russes de Monte-Carlo qui sévirent en Europe et aux Etats-Unis de 1938 à 1963.
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Les ballets Trockadero de Monte Carlo – du 21 au 26 Avril 2009 – au théâtre du Châtelet – 1, place du Châtelet – 75001 Paris (M° Chatelet)