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Grippe A en France : Quand Kafka applique le principe de prcaution


Communiqu de presse – 4 aot 2009

Grippe A en France :
Quand Kafka applique le principe
de prcaution


L’exprience d’une militante d’Act Up-Paris prouve la
dsorganisation du dpistage du H1N1 et l’absence d’intrt port l’impact de
la grippe A sur les sropositifVEs


Act Up-Paris
publie le tmoignage de C., militante de l’association, et de son parcours du
combattant pour obtenir un test de dpistage de la grippe A.


De retour d’une confrence internationale sur le
sida qui se tenait en Afrique du Sud, C., militante d’Act Up-Paris, a dvelopp
des symptmes grippaux. Comme une de ses collgues, qui avait voyag avec elle,
venait de dvelopper les mmes symptmes, et que le gnraliste avait
diagnostiqu le virus H1N1 sur la base d’un examen clinique, C. a consult un
mdecin, qui, outre des mdicaments, lui a prescrit l’usage d’un masque
chirurgical et un dpistage en laboratoire. Ce dpistage tait indispensable,
non seulement pour elle, mais aussi parce qu’elle avait ctoy de nombreuses
personnes immunodprimes et qu’il tait ncessaire de les avertir du risque
ventuel d’avoir t infectes. Ce dernier fait tait mentionn par le mdecin
dans sa prescription.

Parcours du
combattant

En 48 heures, C. aura
d solliciter une pharmacie, 6 laboratoires d’analyse, 4 services hospitaliers
parisiens, une polyclinique, le SAMU, la cellule de crise du Ministre des
Affaires Etrangres et la plateforme Infogrippe. Personne n’aura t capable de
lui fournir le dpistage et les masques pourtant prescrits par un mdecin, ni de
lui indiquer de faon fiable o en trouver. Les rponses faites tmoignent d’une
mconnaissance ou d’interprtations contradictoires des recommandations
officielles.

Ce parcours du combattant aura contraint C. faire de
nombreuses dmarches, alors qu’elle dveloppait de forts symptmes grippaux.
Parce que personne ne s’est avr capable de l’informer, elle a t contrainte
de se rendre, pour rien, dans certains services hospitaliers, ce qui, en termes
de sant individuelle comme de sant publique, est une
aberration.

Les sropos
ngligEs

Le systme mis en place
n’est pas prt protger les personnes les plus vulnrables. A plusieurs
reprises, C. a rappel ses interlocuteurRICes qu’elle avait ctoy les jours
prcdents des personnes sropositives, immuno-dprimes. A aucun moment, cet
argument n’a incit ces professionnelLEs recourir un test de dpistage, et
lever le doute sur les risques que couraient les personnes que C. avait
rencontres.

Au contraire, on lui a refus, mme en sachant ce fait, en
lui indiquant qu’elle ne pourrait faire le test qu’en cas de maintien de
symptmes graves, et qu’il en serait de mme pour les personnes
immuno-dprimes. Une fois de plus, les personnes vivant avec le VIH, pourtant
parmi les plus vulnrables, sont totalement ngliges par les pouvoirs
publics.

De plus, cette recommandation montre clairement que la politique
actuelle n’est pas une politique de prvention, mais une politique de gestion de
crise dans un cadre de pnurie des moyens – puisque le seul motif de refus des
tests est leur nombre limit. Or l’pidmie ne s’est pas dclenche massivement
en France. Limiter l’accs au dpistage aux seuls cas cliniques graves,
notamment pour les personnes immuno-dprimes et celles qui les ont ctoyes,
c’est se priver d’un outil qui permette la fois de mieux prendre en charge les
personnes les plus fragiles face la grippe A, de prvenir l’expansion de
l’pidmie et d’viter la panique en permettant un diagnostic
fiable.

Les autres enjeux
sanitaires sacrifis

Il y a trois
mois, la ministre de la sant Roselyne Bachelot-Narquin rquisitionnait une
partie du personnel de l’INVS (Institut National de Veille Sanitaire)
habituellement affect la surveillance du VIH/sida, la seule grippe A[1].
Contacte par Act Up-Paris vendredi 31 juillet 2009, une reprsentante de
l’Institut affirme que les activits de surveillance prsentant un enjeu de
sant publique sont et seront maintenues , mais ne rpond pas sur une
ventuelle augmentation des moyens.

Au niveau du bureau sida de la DGS,
un reprsentant nous explique le mme jour que lui et ses collgues peuvent tre
rquisitionnEs en cas de dclenchement grave de l’pidmie en France. Cela
concerne le bureau sida comme d’autres services. De mme, les crdits
ministriels accords la lutte contre le sida, pourraient tre rquisitionns,
comme d’autres crdits publics.

Or, s’il est indispensable d’appliquer le
principe de prcaution et d’anticiper des crises graves, il faut le faire avec
cohrence. Les moyens financiers, normes, dgags jusqu’ici aboutissent des
rsultats contestables comme le montre l’exprience de C. ou des ractions de
mdecins[2].

Act Up-Paris rappelle enfin que les personnes les plus
exposes vivent dans des pays o traitements et vaccins seront inaccessibles.
Que va faire la France ? Que fait-elle pour assurer l’accs universel aux
traitements pour 2010 comme elle s’y est engage ? Quand Nicolas Sarkozy va-t-il
enfin se dcider augmenter la contribution franaise la lutte contre le
sida dans le monde ? Car les sommes financires que la France a su mobiliser
pour payer l’industrie pharmaceutique en prvision de la grippe A le montre : la
rponse financire un problme sanitaire d’envergure ne dpend que de la
volont politique.

Act Up-Paris
exige de la ministre de la Sant :

qu’elle rappelle publiquement que les personnes vivant avec le VIH sont
vulnrables des pidmies de ce type, et que leur situation doit faire l’objet
d’une attention particulire, notamment que le dpistage du H1N1 leur soit
prescrit, elles et aux personnes qui les ont ctoyes, plus facilement que ne
l’indiquent les recommandations actuelles ;
– qu’elle assure la transmission
d’une information fiable et cohrente aux professionnelLEs, mais aussi aux
personnes immuno-dprimes et leurs associations, afin que l’accs un
dpistage ou aux soins contre la grippe A ne soient pas un parcours du
combattant ;
– qu’elle n’oppose pas les enjeux de sant publique entre eux et
garantisse, budget l’appui, que la lutte contre la grippe A ne sera pas un
prtexte pour priver les autres secteurs sanitaires, notamment la lutte contre
le sida, des moyens qui lui sont essentiels.

Act Up-Paris exige de Nicolas Sarkozy qu’il tienne ses promesses
en matire d’accs universel aux traitements contre le sida dans le
monde.
Les personnes vivant avec le VIH,
sans traitements alors que leur systme immunitaire chute, sont parmi les plus
exposes. Leur mort sera en partie due au fait que Nicolas Sarkozy a refus
d’augmenter la contribution de la France l’achat de traitements qui auraient
pu protger leur systme immunitaire.


[1] Compte-rendu du comit de pilotage du plan
d’laboration nationale de lutte contre le VIH, runion du 9 juin, pages 3 et 4.
Document disponible sur demande.
[2] Voir par exemple le professeur Gentilini
: « 1 milliard d’euros pour une vaccination dont on ne sait strictement rien,
c’est de la prcipitation », juge le Pr Gentilini. « C’est quand mme de l’argent
qui peut servir ailleurs », estime-t-il. Il dnonce une situation « thiquement
inacceptable ».
http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5iS-AVPpmkB89xNxMrKO3uMDg_nGQ

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Tmoignage de C. : recherche dsesprment dpistage
H1N1

Lundi 27 juillet,
21h, je rentre d’Afrique du Sud, je prsente des symptmes grippaux : petit pic
de fivre (38,5), trs grosse fatigue, courbatures, et mal la gorge. Je reois
un mail d’une de mes camarades de voyage, qui m’informe prsenter exactement les
mmes symptmes, et avoir t diagnostique S + H1N1 par SOS Mdecins, deux
jours auparavant. J’appelle mon tour SOS Mdecins, on me rassure : je dois
prendre du paractamol et ne m’inquiter que si les symptmes
persistent.

Le lendemain, malgr les 2,5g absorbs, ma fivre est la
mme, je fais venir un mdecin, en lui prcisant les faits : voyage au Sud,
frquentation de lieux de promiscuit (aroports, htels, confrence) et
ctoiement d’une personne potentiellement porteuse.

Il arrive et
m’examine masqu, me prescrit du paractamol et des masques chirurgicaux, et
m’arrte jusqu’au 31. Il me prescrit galement un srodiagnostic H1N1, notamment
du fait que je travaille avec des personnes immuno-dficientes. Selon lui, je
peux me faire dpister dans un laboratoire d’analyses.

A la pharmacie, on
commence par me refuser les masques, « on ne les dlivre gratuitement qu’aux
personnes sous Tamiflu ».

Mercredi ds 9 heures, j’appelle 6 laboratoires,
tous refusent. La plupart disent ne pas avoir le matriel, d’autres ne pas
vouloir me recevoir car, potentiellement, je suis infecte. Tous m’orientent
vers les hpitaux.

J’appelle l’hpital St Antoine (j’habite le XXme
arrondissement), on me demande sur 5 postes diffrents si le test est
indispensable, je cite mon ordonnance, qui prcise bien un contact avec un cas
probable de grippe A. On m’envoie sur la polyclinique, qui ne rpondra
jamais.

J’appelle l’hptal Tenon, ils sont trs surpris de mon histoire,
semblent dcouvrir que les laboratoires ne sont pas quips pour ce dpistage.
Ils m’expliquent « ne pas tre en plan d’alerte », n’avoir ni l’quipe, ni le kit
ncessaire. Ils me redirigent vers le mdecin, cens disposer d’une liste
d’tablissements agrs me transmettre. Il s’avrera que le mdecin demande
cette liste depuis plusieurs semaines, en vain.

Un ami militant et
mdiateur de sant me conseillera finalement, et aprs quelques contacts
appropris, de me dplacer St Antoine, polyclinique, service du Docteur
Picard. J’y vais, je demande l’accueil un test H1N1, ce qui semble comique,
jusqu’ ce que je sorte l’ordonnance.
Je suis immdiatement masque et isole
dans un bureau. On me demande de patienter, en me prcisant que « les tests,
c’est pas ici, c’est aux urgences, mais il faut dj tre dans un tat
grave ».

Une infirmire arrive, je lui explique tout en dtail : le
dplacement en Afrique du Sud, les aroports, l’htel, les problmes de
climatisation que j’y ai rencontrs, la collgue diagnostique porteuse de la
grippe A, et mon entourage immuno-dficient.
J’insiste sur le principe de
prcaution voqu par le mdecin, et sur l’ordonnance. Selon elle, sropositif
au VIH ne signifie pas forcment fragile face la grippe A, « c’est une question
de taux de CD4 ». C’est sans appel, les tests sont rservs aux populations
risque, soient les bbs, les personnes ges et les cas « dj
graves ».

Je tente de lui faire comprendre que je ne peux pas retravailler
sans tre certaine de mon statut srologique H1N1, que je ne le veux pas, que
mon mdecin non plus, et que je veux tre dpiste, d’autant qu’ils semblent
disposer du test. J’ajoute que j’ai t trs entoure ces 2 dernires semaines,
et que j’ai ctoy tant des personnes sropositives, que des personnes ges et
des enfants.
« Je vais l’appeler, votre mdecin, la solution c’est de
prolonger votre arrt-maladie » sera la rponse finale.

Rentre mon
domicile, je dcide d’appeler les numros d’information & d’orientation mis
disposition des usagers :

– Plateforme InfoGrippe : 0825 302 302, il
n’y a aucune liste de structures de dpistage, on est trs tonn par mon
rcit.
– Cellule de crise du Ministre des Affaires trangres (MAE) ; 01 45
50 34 60, on ne peut rien pour moi, il faut que j’appelle le SAMU, « eux
savent ».
– Le 15 (SAMU) : questionnaire en rgle, ge, adresse, identit, 10
minutes d’attente, ils sont trs tonns que j’appelle sur recommandation de la
cellule MAE, finalement c’est Bichat ou la Piti-
Salptrire qu’il faut que
je contacte.

J’appelle Bichat : aprs de longs allers et retours entre
standard, maladies infectieuses et bureau des internes, je limite ma question
« pratiquez-vous le dpistage grippe A Bichat? », « oui sans doute, venez entre
telle et telle heure ». Et on raccroche.

J’appelle la Piti-Salptrire,
on me passe quelqu’un de manifestement mieux renseign, qui me recommande de
rappeler mon mdecin pour lui indiquer la procdure : si le gnraliste pense
que
l’tat du patient ncessite un dpistage H1N1, il contacte le SAMU, qui
nous (l’hpital) prvient, les 2 jugent ensuite s’il y a lieu, ou pas de faire
un test.
On m’voque ensuite la surenchre mdiatique sur ce sujet, les
multiples patients ne souffrant en fait que de banales rhino-pharyngites
etc.

Contact ce matin, mon mdecin maintiendra son avis quant un
ncessaire principe de prcaution du fait, notamment, de mon entourage
professionnel, mentionnera des directives DGS qui prcisent que la panique du
patient doit aussi tre un critre de prise en charge, et s’engagera rdiger
un courrier pour appuyer mes dires et confirmer les faits.

La question
n’est pas que je sois ou pas atteinte de la grippe A. Je vais mieux, quoique
encore fbrile, le paractamol semble suffire faire tomber la fivre. Je
dispose d’une ordonnance, tablie par un mdecin, pour un srodiagnostic jug
ncessaire du fait de mon sjour en Afrique, de la promiscuit avec une personne
atteinte, des contacts que j’ai pu avoir pendant la priode d’incubation de la
grippe – qu’elle soit porcine ou pas – et des symptmes que je prsentais au 28
juillet.

Le 29, il tait encore trop tt pour savoir si mon tat
s’amliorerait avec le paractamol, et pas encore trop tard pour informer les
personnes immuno-dprimes que j’ai ctoyes en pleine priode contagieuse.
Parmi elles, des personnes sropositives, malades, de pays du sud, dont
certainEs pour qui l’accs du paractamol est impossibl
e.

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Corinne LEPAGE en visite au Refuge Montpellier

Orlans : Commmoration victimes Tel Aviv 8 aot 19h au 28 bis