Dans une décision de ce mercredi 6 octobre, le Conseil constitutionnel renvoie au législateur le soin de trancher de la question de l’adoption par le second parent et l’établissement d’une filiation avec ce dernier dans le cadre d’une famille homoparentale.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ÉCARTE L’APPLICATION DE L’ART. 365 C.CIV. AUX FAMILLES HOMOPARENTALES
Les sages de la rue Montpensier rappellent que depuis 2007 la Cour de cassation juge que l’adoption simple, qui réalise un transfert des droits d’autorité parentale à l’adoptant, «n’est pas conforme à l’intérêt de l’enfant dès lors que la mère biologique entend continuer à élever cet enfant. Il résulte de cette jurisprudence que l’adoption d’un enfant mineur au sein du couple n’est possible que si le couple est marié». En pratique, cela revient à priver les couples homosexuels de bénéficier de cet article, le mariage étant exclu pour les couples de personnes de même sexe.
A la suite d’un recours d’un couple lesbien, le Conseil, saisi par la cour de cassation, devait ainsi se prononcer sur la constitutionnalité de l’article 365 du code civil qui a pour effet d’interdire en principe l’adoption de l’enfant mineur du partenaire ou du concubin homosexuel.
D’une part, le Conseil constitutionnel a jugé que l’article 365 du code civil ainsi interprété par la Cour de cassation ne porte pas atteinte au droit de mener une vie familiale normale qui n’implique pas le droit à l’établissement d’un lien de filiation adoptive alors même que le parent social se voit méconnu et ignoré dans ses droits et devoirs envers l’enfant élevé conjointement. D’autre part, le Conseil constitutionnel a jugé qu’en maintenant cette règle ainsi interprétée, le législateur a estimé que la différence de situation entre les couples mariés et ceux qui ne le sont pas pouvait justifier, dans l’intérêt de l’enfant, une différence de traitement quant à l’établissement de la filiation adoptive à l’égard des enfants mineurs alors même que l’interdiction du mariage aux couples homos exclut le choix de régime matrimonial pour ces couples. «Le Conseil a rappelé qu’il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur une telle question et, en particulier, sur les conséquences à tirer, en matière de filiation et d’autorité parentale, de la situation particulière de l’enfant élevé par deux personnes du même sexe» peut-on lire enfin dans le communiqué des sages qui renvoient ainsi aux politiques le soin de trancher du sujet.
LES ASSOCIATIONS APPELLENT LE GOUVERNEMENT ET LE PARLEMENT A AGIR
Dans un communiqué, l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) «s’insurge contre la décision du Conseil constitutionnel» et elle «demande au gouvernement et au Parlement de se saisir de cette situation et de mettre un terme à cette discrimination constitutionnelle pour laquelle la France est régulièrement critiquée par des instances internationales, en particulier la Cour européenne des droits de l’Homme». l’APGL regrette enfin que «la France est un des derniers pays d’Europe à ne pas reconnaitre les familles homoparentales».
Pour SOS Homophobie, le conseil est «en dehors de la réalité» : «SOS homophobie déplore, une fois de plus, cet immobilisme total et le décalage entre l’idée que se fait une partie de la classe gouvernante de la famille et la réalité de la société française». «Il est impératif que le Parlement avance sur ce sujet, et fasse cesser cette discrimination en raison de l’orientation sexuelle» estime encore l’association qui juge «nécessaire que des personnes de même sexe élevant ensemble un enfant puissent partager leur autorité parentale».
Enfin, sur la même ligne, l’Inter-LGBT en appelle au législateur même si, sur le sujet, la position de la majorité parlementaire et de l’exécutif est connue. Pour rappel, le sort réservé à l’avant projet de loi sur le statut du beau parent qui aurait reconnu les familles homoparentales et conféré des droits nouveaux au parent social. Après une fronde de parlementaires conservateurs, le projet a été enterré avec la création d’une mission parlementaire de circonstance, fossoyeuse de toute reconnaissance des familles homoparentales.
Ainsi, avec cette décision, comme celle encore récente de la cour de cassation, les familles homoparentales demeurent dans l’insécurité juridique au détriment même de l’intérêt des enfants élevés par ces couples.
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