Un arrêt de la Cour d’appel de Chambéry avait rendu possible le mariage de ce couple d’hommes dont l’un est marocain. Or une convention bilatérale avec le Maroc fait obstacle à la célébration en France de mariages entre deux personnes de même sexe.
La loi Taubira sur le mariage pour tous doit-elle primer sur les accords conclus avec des États étrangers? La Cour de cassation rendra ce mercredi sa décision sur la licéité du mariage, célébré fin 2013, de Dominique, quinquagénaire français, et Mohamed, étudiant de nationalité marocaine.
Par deux fois, la justice a validé cette union, mais le parquet général s’est pourvu en cassation. Dans ses conclusions, l’avocat général près la Cour de cassation a recommandé le rejet de ce pourvoi: pour lui, la loi sur le mariage pour tous a bien modifié «l’ordre public international français». Ce qui signifierait qu’elle peut aller contre les conventions bilatérales conclues avec d’autres États qui ne reconnaîtraient pas une telle union.
Annulé en septembre 2013 deux jours avant la cérémonie, le mariage a finalement été autorisé par le tribunal de grande instance puis par la cour d’appel de Chambéry: tous deux ont écarté la convention bilatérale signée en 1981 entre la France et le Maroc, qui fait obstacle à la célébration en France de mariages entre deux personnes de même sexe. La loi marocaine prohibe en effet le mariage homosexuel, de même que dix autres pays avec lesquels la France a passé un accord semblable.
«Quelle parole croiront les Etats?»
«Le mariage entre personnes de même sexe, conception hier inconcevable et prohibée, jusqu’ici contraire à l’ordre public international français, si récente et si contestée, devrait-elle aujourd’hui constituer, comme par enchantement, un principe tel qu’il faudrait l’imposer en dépit de nos engagements internationaux?, se demandent 78 juristes, dans une tribune publiée dans FigaroVox. Quelle crédibilité aura le juge si, dans trois ans, la loi change de nouveau? En quelle parole croiront les États qui, comme le Maroc, la Pologne, le Cambodge, ont signé une convention bilatérale avec notre nation?» A la Manif pour tous, qui a récemment contacté les onze ambassades concernées, ces dernières ont affirmé qu’elles s’étaient «saisies du dossier».
Pour l’avocat du couple, «c’est la France qui choisit dans quelle société elle veut vivre!». «Il ne s’agit pas en l’espèce d’imposer nos vues aux autres États amis comme le Maroc, mais de permettre en France et non au Maroc l’exercice d’un droit au mariage plus étendu, affirme Me Didier Besson dans une tribune auFigaroVox. Il n’y a dans le fait de faire primer la loi sur le mariage pour tous, qui a modifié l’ordre public international français, aucune remise en cause de la parole de la France, mais une application stricte des règles tant du droit international que du droit interne».
Source : Le Figaro