Je comprends que ça puisse vous faire de la peine, mais je ne veux plus me voiler la face plus longtemps. J’aime ce que me montre cette émission. Et je suis de plus en plus assidu. Pourtant au début, comme vous, l’esthétique poisseuse de ces poufs décervelées me révulsait. Et puis les ficelles
étaient grosses, les événements téléphonés. A commencer par le coming out de Thomas, l’élégant lecteur d’Oscar Wilde, son succès auprès d’une belle danseuse, fascinée par ce garçon si brillant « et qui ne risquait pas de lui faire du mal. », et l’attirance de celui-ci pour l’un des bellâtres en présence.
Pourtant quelque chose a surgi au milieu de ce néant scintillant, entre les dandinements slipesques du mannequin David, les chorégraphies risibles pour aider des enfants pauvres et les soirées sexy pour escapés d’Halloween. Ce quelque chose, je le dois moins à Thomas lui-même, exaspérant comme bien ouvent les homos, qu’à l’objet de ses convoitises : le calme et ténébreux Romain. Beau gosse, beau à rever l’écran et le cour de bien des gars, libéré, joueur, il allumait son copain sans vergogne.
Nous avons tous connu ce genre de comportement, nous savons la frustration et les incompréhension qu’il peut engendrer.
Dans leur cas, je ne peux cacher la fascination que provoque en moi la relation qu’ils ont tissée. Cette
relation je l’ai découverte, le soir, où le jeu des élimination a séparé les deux garçons. C’est elle qui m’a du jour au lendemain fait réviser mon jugement sur l’émission. Dépouillé de toute pudeur, Thomas l’homo n’avait pu s’empêcher d’exprimer l’ambiguïté et l’intensité de ses sentiments impossibles. Jusque là, rien que de très classique : du pédé pathétique, comme on en voit à longueur de série TV.
Ce qui l’est beaucoup moins, en revanche, c’est la réponse que lui a accordé Romain. Un message
tendre, délicat et tout en émotion retenue. de la part d’un garçon qui aime les filles, à son copain qui ne pense qu’à lui. Orchestré par la production ? Peut-être. Dans ce cas, joli choix d’orchestration ! Et toutes mes félicitations à l’instrumentiste ! J’ai honte à le reconnaître, mais je ne pouvais pas imaginer autant de finesse sentimentale de la part d’un participant d’un jeu pareil. Je le crois sincère, en plus.
Je n’imaginais pas non plus qu’on puisse recevoir confession télévisuelle aussi impudique, sans quolibets ni ricanements en plateau. Or ce fut le cas, ce jeudi là. Pardon Romain, pardon Benjamin Castaldi, pardon les grands manitous invisibles et cyniques qui tirez les ficelles du jeu dans l’ombre. Ce soir-là c’était moi le gros lourd plein de préjugés. Vous étiez dans le vrai, dans le sentiment, dans la complexité d’une relation entre deux gars qui l’exprimaient sans fard.
Le beau Romain exclu, Thomas s’est vautré sans trop de retenue dans le rôle de l’amant esseulé, alternant crises de larmes, saute d’humeur et culte nunuche de son amour perdu. « Son lapin », pendant ce temps, était pris en main par la production qui mettait en scène « ses premiers pas de top modèle ». Voici donc, une semaine plus tard, le même Romain, maquillé comme une voiture volée, apprêté comme une jeune mariée, bref un peu moins beau qu’au naturel, sur le plateau de l’émission, confronté à la réaction de son ami et engageant le dialogue avec lui. Une semaine à l’air libre, l’aurait-elle remis d’aplomb et rétabli dans sa position de mec « qui en a » et ne se laisse pas aller comme la première pédale venue.
Eh bien, non ! Sous le fond de teint, la même bienveillance, la même attention touchante, les mêmes mots simples pour dire la souffrance de son ami, pour l’encourager, et affirmer une fois de plus
que les sentiments ont leur part de réciprocité. Et voici Thomas, si agaçant d’immaturité et d’impudeur, devenir beau et attachant par la seule force du regard qui se pose sur lui.
Voilà maman, papa, maintenant vous savez tout. Je dois à Romain et Thomas, et à l’amitié si particulière qui les unit une de mes plus belles émotions à la télévision ces derniers mois. Depuis avril, vous le savez, les élections se succèdent et me laissent toujours un peu plus à plat. Les éliminations
du Loft sont bien les derniers scrutins, susceptibles de me consoler.
Je vote donc Thomas pour la finale et lui souhaite de savoir entretenir longtemps l’amitié qui l’attache à Romain. Restez tels que vous êtes les gars !