Rappelons d’abord l’histoire, qui au passage, pourrait très bien tenir sur une carte sim : Un couple hétéro (Julie Depardieu et Clovis Cornillac) décide d’emménager dans la maison de ses rêves. Les deux amoureux ignorent que la cave de cette maison, inhabitée depuis près de 30 ans, a abrité une boîte de nuit gay, « L’Ambigu ». La maison est désormais hantée par cinq fantômes fêtards, taquins et… gays, que Marc voit et entend … mais pas Emma. Celui-ci en vient alors à se demander si ce n’est pas signe d’une homosexualité refoulée.
Avec un sujet pareil ça avait de grandes chances d’être un gros navet, mais, amateur de 36ème degré façon Les Nuls ou Les Robins des Bois, je me suis dit « Allez, c’est tellement gros, qu’avec la magie du cinéma, un scénario qui tient debout, un vrai dialogue et de bons effets spéciaux, ça peut le faire ! ». J’avais aussi été intrigué par la manière dont Clovis Cornillac en avait brièvement parlé, au moment du festival de Cannes, avec une réelle étincelle dans l’oeil, et ça faisait plus d’un an qu’un énorme buzz, nous l’annonçait en tant que LA comédie qui allait changer le visage de l’humour français.
Et bien non, non seulement rien de tout cela n’est au rendez-vous mais en plus c’est atterrant de beaufitude et d’homophobie, et donc carrément dangereux, particulièrement en ce moment, alors qu’on remarque une hausse significative des actes, insultes et crimes homophobes.
Sur le fond ( ?) et la forme : d’emblée on peut dire que le film a plus à voir avec une mauvaise série télévisée qu’avec un long métrage de qualité. On pouvait s’attendre, comme le superbe dossier de presse l’annonçait, à une vraie atmosphère de film d’horreur, à grands renforts de violons stridents, portes qui claquent, montée d’adrénaline, pour un résultat proche du non-sens britannique, qui fait souvent mouche, parce que consacrant le grotesque comme art majeur. Mais le montage est bâclé, sans aucune subtilité, et les effets spéciaux sont proches du Passe-Muraille avec Bourvil. En guise de musique de film d’horreur, on retiendra Rasputine de Boney M : Bien vu ! Les costumes, quant à eux, ont été soi-disant choisis par le réalisateur après qu’il se soit scrupuleusement documenté sur ce que portaient les clubbers de feu le Palace. A d’autres ! L’argument placé soigneusement dans le dossier de presse, est surtout là pour pour justifier une pseudo-rigueur pour un semblant de véracité aux éléments du film, mais force est de constater il n’y a pas besoin de réelle documentation pour pondre un clône de Bowie, un autre de Clo-Clo, et affubler un autre personnage d’un pattes d’eph et d’un sous-pull orange. Si tout a « soigneusement » été pensé de la sorte, on comprend un peu le résultat catastrophique….
Dès le début, avec une intro grand guignolesque qui montre la discothèque gay en flash back furtif (était-ce bien utile ?), puis d’un seul coup le présent, on se sent pris en otage d’une énorme arnaque. Le réalisateur Eric Lavaine vient de la télévision et a écrit pendant plus de dix ans pour Les Guignols : ceci explique donc peut-être cela, mais alors pourquoi Poltergay ne s’est-il pas contenté de n’être qu’un piètre et confidentiel spectacle de marionnettes ?
Venons-en au contenu… Et avant tout, autant vous annoncer que quand vous avez vu la bande-annonce, vous avez tout vu. Car que dire ? Les mots manquent, rattrapés par la consternation. Déjà au départ, il faut bien le remarquer, un fantôme n’est pas vraiment un symbole de sympathie. Alors que penser quand on décide de représenter l’Homosexualité, même si c’est sous couvert de montrer le microcosme d’une discothèque gay des années 70, par cinq individus qui ne pensent qu’à faire la fête, et fatalement efféminés, avec Salopette (C’est son prénom, ça ne s’invente pas !) en chef de ghetto nostalgique, Gilles, la honteuse rondouillarde, Bertrand, herzatz déformé et peroxydé de Claude François, Ivan, sorte de créature glam androgyne qui ne dirait finalement pas non à une fille, et Michel, le plus « viril » en motard cuir du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire qui voit de l’Homophobie partout et dessine des bites ailées dans chaque endroit où il passe, emblème réducteur du monde homosexuel, comme s’il pouvait être résumé à l’unique notion de « Sexe Libre » et dont la seule présence semble servir à dédouaner les propos choquants du réalisateur ?
Attention, je n’émets aucun jugement quant à l’intention de ce dernier, qui était peut-être louable, mais alors, comment a-t-il fait pour arriver à un résultat si maladroit? On n’y croit pas une seconde…
Qu’un activiste gay soit dépeint comme un personnage agressif et aigri, soit, mais alors ce qui aurait été intéressant, c’est d’expliquer ce qui l’a amené à devenir ainsi, en relatant même brièvement son combat. Hors tous les personnages sont définis de manière sommaire et ultra réductrice. Impossible de s’y attacher. Car enfin pour qu’une caricature ne soit pas blessante, et drôle, faut-il encore qu’elle soit contrebalancée par d’autres personnages, plus réalistes et convainquants, et auxquels on peut s’identifier, et ça même dans le cadre d’une comédie !
En fait, ce film est l’énumération laconique des pires clichés sur l’homosexualité, sans aucun élément positif pour rétablir la balance, et d’ailleurs aucun des personnages gays n’y paraît sympathique. On bondit de son siège lorsque Michel résume froidement les souffrances du parcours de beaucoup d’entre nous, par la phrase : « Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir eu un père absent », ou qu’un homosexuel cuir, pas un fantôme cette fois, annonce fièrement « Je suis actif dans n’importe qui ». Bien sûr ça existe, mais ne montrer que cela est irresponsable. Le film est ainsi irrespectueux de bout en bout, toujours axé sous la ceinture, gratuit et dangereux, car susceptible par exemple de faire grandir le mal-être d’un jeune homme qui se découvre homosexuel aujourd’hui, et d’ajouter de l’eau aux moulins des casseurs de pédés. Je ne parle pas de la débilité de la raison pour laquelle notre héros voit les homosexuels et pas les autres. Vous la découvrirez dans quelques années, lorsqu’il n’y aura vraiment rien d’autre à voir que Poltergay à la télévision.
Colère ! Vraiment, il y en a plus que marre de ces films, tels Pédale Douce, Pédale Dure, et maintenant Poltergayqui, sous l’excuse de l’humour, qu’on attend toujours, montrent une image dégradante de l’homosexualité, sans aucun contre-poids positif. Bien sûr on pourra arguer que l’hétérosexualité y est également caricaturée, mais tout le monde s’accordera sur le fait qu’il est plus facile de s’attendrir sur un Clovis Cornillac qui, mine de rien, en hétéro victimisé, porte tout le film sur ses épaules car c’est probablement le seul à y croire. Et tant pis si quand je dis que son physique avantageux, superbement mis en valeur, et pratiquement le seul intérêt du film, on me rétorque que je ressemble à ces fantômes lubriques. La prestation de Julie Depardieu, en épouse rationnelle demeure hélas assez insipide, et dieu sait si on apprécie l’actrice pourtant. On est quand même touché par son regard hagard, qui semble continuellement demander ce qu’elle est venue faire dans cette supercherie.
D’ailleurs lors d’une des premières promo du film, chez Laurent Ruquier (On n’est pas Couchés) où elle était présente Samedi dernier, je n’ai pu m’empêcher de remarquer que la pauvre semblait encore bien embarassée de devoir assumer la promo de ce boulet, tellement elle était peu enthousiasmée par la grande oeuvre à laquelle elle avait participé. Laurent Ruquier avait vite fait, à juste titre, de lui parler plutôt de la magnifique chanson, adaptation intimiste de Born To BeA live, qu’elle a créé pour le générique, finalement le deuxième vrai intérêt du film.
Enfin, si Eric Lavaine visait le marché américain, il est déjà formatté pour, puisque son film en porte les stigmates flagrantes et agaçantes : Scénario en forme de blague Carambar, fin en queue de poisson, avec un dénouement accablant de connerie, et prépondérance visuelle d’une grande enseigne bien connue de Fast Food, carrément intégrée à la panoplie caractéristique du personnage de l’exorciste (ben oui tant qu’on y est !) incarné par Michel Duchaussoy, qui ne se nourrit que de ça. Des gros plans sur les gobelets à paille, une longue scène devant un Drive In, la description d’un menu : on est véritablement dans une pub géante, avec accessoirement, je vous le donne en mille … une histoire ! Des moyens forcément non négligeables pour un résultat cependant proche de la pire des sitcom, indigeste et nauséabonde, mais qui du coup semble belle et bien revendiquer son évident statut Beauf.
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