Je connais Alexandre Tharaud depuis longtemps. C’est un artiste plein de talent et assez iconoclaste : il a ainsi décidé, il y a quelques années, de vendre son piano : « Ce ne fût pas sans larmes, mais je refuse désormais d’avoir un piano chez moi… Je suis pleinement heureux de jouer sur des instruments chaque fois différents, moyens, inégaux, avec des sonorités approximatives. C’est en creusant, en raclant les failles que je dois trouver des solutions pour parvenir aux couleurs que je cherche (Telerama) ».
C’est sur un Steinway au timbre clair que le jeune pianiste français a décidé d’enregistrer un choix de pièces de Chopin qui lui tiennent particulièrement à coeur, offrant à ses auditeurs une page de son « Journal intime » : c’est le titre de l’album qui sort chez Virgin Classics. « Ce récital Chopin regroupera les pièces qui ont marqué ma vie, les deux premières Ballades, la Fantaisie, les Ecossaises, plusieurs mazurkas et quelques pièces rarement enregistrées ».
Alexandre Tharaud se distingue également par une acuité musicologique et une liberté de goût qui l’ont conduit à mettre en miroir des compositeurs aussi différents que Bach, Chabrier, Schubert, Ravel ou Chopin.
Mais c’est par ses deux disques consacrés l’un à Couperin l’autre à Rameau que je l’ai connu, il y a déjà quelques années. J’avais alors été frappé par la grande élégance de son jeu, son expressivité toujours contenue, dans la meilleure tradition française, mais également par ses visions très personnelles de certains morceaux, tels ces Barricades mystérieuses de Couperin, jouées avec un rubato invraisemblable, qui ferait frémir d’horreur les ayatollas baroqueux. Ca, j’aime bien !
Proposer un nouvel enregistrement de morceaux de Chopin, c’est un peu comme peindre Venise : on n’est pas le premier ! Le défi, qui n’est pas mince, consiste à proposer une vision personnelle, qui ne verse pas plus dans la virtuosité froide et mécanique que dans un sentimentalisme sirupeux. C’est vraiment difficile quand on s’attaque à des pièces aussi connues et rabachées, jouées des milliers de fois et enregistrées des centaines par les meilleurs pianistes.
Et alors là, je dois avouer que j’ai été bluffé, tant ce disque est beau. Jamais, et je pèse mes mots, je n’avais entendu une deuxième Ballade aussi bouleversante. Le seul bonheur de l’écouter suffit largement pour courir acheter ce disque somptueux et tout est aussi réussi. La finesse du jeu, l’intelligence du texte, la justesse de l’expression sont absolument remarquables et je crains qu’il me soit désormais difficile d’écouter ces pages dans d’autres interprétations. Bravo Alexandre, à quand Beethoven et Mendelssohn ?
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JEF pour CitéGAY ( http://jefopera.blogspot.com/ )