Il y a les insultes dans la rue. Les préjugés du style «les lesbiennes sont des camionneuses» ou «entre femmes, ce n’est pas vraiment du sexe». Les moqueries au travail. Les familles qui les rejettent à cause de leur orientation sexuelle. Autant de comportements hostiles, autant de violences, parfois physiques, qui touchent spécifiquement les lesbiennes. Mais qui sont trop souvent passé sous silence.
SOS homophobie publie aujourd’hui les premiers résultats de son enquête «Lesbiennes à vous la parole». Lancée en mars 2013, l’objectif de cette étude est de «déterminer la part d’entre elles qui se déclarent victimes de lesbophobie». «Les lesbiennes ne représentent que 16% des appels sur notre ligne d’écoute, expose Tania Lejbowicz, co-référente de la commission Lesbophobie. Beaucoup de lesbiennes ignorent le terme de lesbophobie, que ces stigmatisations sociales les visent en tant que femmes homosexuelles. Nous avons souhaité chercher leur témoignage pour identifier un phénomène dont elles parlent peu.»
Est-ce la libération de la parole homophobe pendant les manifestations contre le mariage pour tous? Les débats sur la PMA? L’envie, et le besoin, d’être enfin plus visibles? Si l’association avait déjà mené une enquête sur ce phénomène en 2008, cette nouvelle édition présente un nombre de participantes important. Elles ont été plus de 7000, majoritairement âgées de moins de trente ans, à répondre au questionnaire diffusé sur Internet et sur les médias LGBT, à aller à la rencontre de l’association lors d’événements. Des statistiques précieuses en raison de leur rareté.
Premier bilan? Sur les 7126 répondantes, 59% ont vécu de la lesbophobie au cours des deux dernières années. Insultes, moqueries, rejet. Le théâtre de ces actes est majoritairement l’espace public (47%), la famille (14%), et le travail (8%). Pour 68% des répondantes, ces épisodes ont eu des conséquences d’ordre psychologiques ou physiques : angoisses, repli sur elle, épisodes dépressifs, difficulté, du coup à vivre ouvertement son homosexualité.
Autre volet de l’enquête, la visibilité moindre des lesbiennes dans l’espace public. Communauté moins développée que celle des homosexuels, isolement plus fréquent des femmes. «Nous pensons que l’invisibilité les empêche de témoigner», souligne Tania Lejbowicz. Résultat? Si 65% des répondantes s’affirment lesbiennes auprès de leurs amis, elles ne sont plus que 33% à le faire au sein de leur famille et 38% n’en parlent qu’à «quelques-uns de leurs collègues» de travail. Elles sont 75% à ne pas adhérer à une association LGBT. Plus désespérant: par peur des «réactions hostiles», elles sont 18% à ne jamais manifester d’affection à leur partenaire en public.
Les résultats complets de l’enquête seront publiés le 25 novembre prochain. «Faire connaître les violences auxquelles les lesbiennes peuvent être confrontées permet une meilleure appréhension de la lesbophobie, dit Tania Lejbowicz. Dans l’idéal, nous souhaiterions renouveler l’enquête d’ici cinq à dix ans.»
Crédit Photo : Jean-François Monier. AFP
Source : Libération