A l’occasion d’un reportage sur les bars à Paris, Le Nouvel Observateur n’oublie pas les établissements gays. Ses reporters ont rencontré deux barmens, Christophe de l’Arène, et Cécile, « le sourire du Pulp ». Morceaux choisis.
« Quand Christophe sert une bière ou un Coca, il glisse toujours un préservatif et du gel à côté du verre. « Ici, on vient en priorité pour baiser, explique-t-il en souriant. Pas plus de 2% des clients se contentent de boire un verre. Ce garçon affable, ancien gestionnaire de stock, âgé de 30ans, travaille à l’Arène, un bar gay d’un quai de Seine, à l’orée du Marais. Toute la nuit, des hommes sonnent à la porte, prennent un verre au comptoir, puis vont faire un tour dans les étages à la recherche d’une étreinte rapide. Dans ce décor sombre et métallique dédié au sexe instantané, l’ambiance pourrait facilement virer au glauque. Mais depuis son arrivée, il y a deux ans, Christophe s’emploie justement à instaurer un climat chaleureux autour de son zinc. «On peut venir juste pour tirer un coup, mais on peut aussi avoir envie de passer un peu de temps, de discuter. Mon rôle est de mettre les gens à l’aise. Je suis souriant, je connais les habitués par leur prénom et je discute avec les nouveaux, qu’ils soient jeunes, vieux ou moches.»
Et bien sûr, dans un tel établissement, le service est un peu particulier. «Je suis aussi là pour accrocher, séduire la clientèle. J’aime bien ce côté drague, même s’il nous est interdit d’avoir des aventures ici pour éviter les situations trop ambiguës.» Par contre, le travail de barman à strictement parler est des plus simples. «Je sers toujours les quatre ou cinq mêmes boissons, il n’y a pas besoin de sortir de l’école hôtelière pour y arriver. Cela ne me dérange pas, je n’envisage pas de postuler ailleurs. Dans un bar ou une boîte classique, le lien avec les clients est trop impersonnel.»
Cécile (Pulp)
« Ce que je préfère servir? La « tequila paf ». On fait monter la pression et on encourage la fille à boire cul sec, c’est rigolo.» Cécile bosse depuis un an et demi derrière le bar du Pulp, le club lesbien branché de la capitale. «Au début, j’étais attirée par les paillettes, explique cette jolie brune de 27ans, mais aujourd’hui, j’apprécie surtout ce métier pour les contacts humains. La nuit, les gens sont comme en vacances, nettement plus détendus. Ils se confient facilement autour d’un verre.»
Cécile apprécie également d’évoluer au sein d’une petite communauté bien particulière, dans ce club qu’elle fréquentait régulièrement avant d’y être embauchée. «Quand on découvre son homosexualité, on est seule. Le fait de se retrouver avec des gens comme soi est agréable. Ici, on peut embrasser sa copine sans se sentir gênée. Je suis contente de travailler aussi pour des soirées hétéro, mais je suis plus à l’aise avec les filles, qui sont souvent des habituées et que je connais mieux.» D’autant que la clientèle féminine du Pulp n’est pas insensible à son sourire. «C’est clair, on se fait plus draguer au bar que dans la salle. ça gonfle un peu l’ego, ce n’est pas désagréable, mais il faut faire attention à ne pas trop se la raconter.»
Quand on aborde la question de ses compétences professionnelles, la jeune barmaid veille à ne pas en rajouter, même si elle se reconnaît, à juste titre, des atouts. «Je ne suis pas meilleure que les autres, par contre on me dit que je suis la plus souriante ».